Air Antilles : ce qui a été déclaré, expliqué et reste confus
Lors du conseil territorial dimanche dernier, les groupes Hope et Team Gibbs ont considéré que les statuts de la société d'économie mixte Air Antilles déposés au tribunal de commerce ne sont pas ceux que les élus du conseil territorial ont adoptés. Pour les deux groupes, la société telle qu'approuvée par le conseil territorial n'a jamais été immatriculée et celle officiellement créée n'a jamais eu l'approbation des élus de la COM. Ils ont rassemblé leurs explications dans communiqué de presse commun.
Afin d'essayer de mieux comprendre, nous présentons ce qui a été déclaré auprès du tribunal de commerce, ce qui avait été expliqué par la COM aux élus et les points qui demeurent flous, confus.
Ce qui a été déclaré auprès du tribunal de commerce
Le 30 octobre 2023 a été immatriculée Air Antilles sous la forme d'une société anonyme d'économie mixte locale à conseil d'administration, dont l'activité a débuté le 18 octobre selon un extrait du registre national des entreprises.
Son capital est de 2 millions d'euros. Le 17 octobre, un établissement bancaire basé à Saint-Martin a fourni une «attestation de blocage du capital social» indiquant que la Collectivité détenait 120 000 actions et avait versé 1,2 million d'euros et Cipim détenait 80 000 actions et avait versé 800 000 actions. Le montant de l'action est de 10 euros. Autre document, «la liste des souscripteurs», ne mentionne aucune autre personne dans le capital.
Le 18 octobre 2023, les statuts constitutifs ont été signés par la COM, Cipim ainsi que par les membres du conseil d'administration : Louis Mussington, Valérie Damaseau, Alain Richardson, Jérôme Arnaud et Jean-Luc Schnoebelen (ils ont signé le document en acceptant ce mandat de membre du CA).
Auprès du tribunal de commerce, le nom de la société déposé est Air Antilles. Or, quelques jours plus tôt, la COM avait présenté la société sous l'appellation Sem New Air Antilles.
Ce qui a été publié par la Collectivité
Conformément à la loi, la création de cette société d'économie mixte a été soumise pour approbation aux élus du conseil territorial le 20 septembre 2023. Par treize voix pour, a été validée «la création» d'une SEM dont «la dénomination est New Air Antilles», ainsi que ses statuts.
Que ce soit dans la délibération ou dans «l'offre de reprise partielle des activités de la société CAIRE» datée du 18 septembre publiée en «annexe 2» de la délibération, l'appellation New Air Antilles est toujours utilisée. «Il est d'ores et déjà envisagé de reprendre dans un premier temps la dénomination commerciale d'Air Antilles afin de l'utiliser comme dénomination sociale qui serait intitulée Sem New Air Antilles», peut-on lire. Ensuite, New Air Antilles n'a plus été mentionnée que ce soit dans les délibérations de la COM ou oralement lors des conseils territoriaux.
Confusion sur le nom du partenaire de la COM
Outre au niveau de l'appellation de la fameuse Sem, une confusion est née à propos du partenaire de la COM. Une fois il est appelé Cipim, une autre fois Edéis. Dans son communiqué de presse annonçant la retenue de son offre par le tribunal de commerce, la COM mentionne Edeis alors que dans l'offre et dans les documents officiels figure Cipim.
On peut supposer que le nom Edeis est préféré à Cipim pour son caractère «plus local» : Cipim est un groupe français alors que Edeis est connue à Saint-Martin pour exploiter l'aéroport de Grand Case. D'ailleurs, «elle est à ce titre un partenaire naturel de la Collectivité» souligne Louis Mussington.
Toutefois Edeis en tant que tel n'existe pas. Edeis SAS est devenue Edeis Ingenierie dont le capital a été racheté par Cipim, la maison mère. Cipim est aussi la maison mère de la société qui exploite Espérance, à savoir Edeis Aéroport Saint-Martin Grand Case.
Confusion sur les éventuels nouveaux actionnaires
Selon l'offre de reprise publiée par la COM, celle-ci et Cipim souhaitent «et c'est une condition de [leur] offre, se réserver une faculté de substitution au profit d'une société de droit français dont il restera garant solidairement de l'exécution des engagements souscrits».
Quelques lignes plus loin, il est écrit : «dans un second temps, Cipim pourra se rapprocher de la société Butterfly Air Group (basée en Guadeloupe, ndlr). Les conditions d'accès au capital de BFAG sont précisées dans un protocole et le capital de la Sem pourra être à terme : 60 % pour la COM et 40 % pour une société holding détenue à hauteur de 51 % par Cipim et 49 % par BFAG». Il est clair que Cipim ne serait plus à terme l'unique second partenaire de la COM.
Mais lors du conseil territorial le 20 septembre 2023, une information différente avait été livrée aux élus. Il avait été expliqué que selon l’offre de rachat d’Air Antilles déposée au tribunal, Edeis céderait une partie de ses parts à une autre société, en l'occurrence JA Capital, dont l’unique actionnaire est un membre du directoire et directeur général adjoint et Développement concessions au sein d’Edeis. Cette information avait «outré» Jules Charville qui avait demandé quelle serait la part que CIPIM Edeis pourrait céder à JA Capital mais il n’avait pas obtenu de réponse. La vidéo de la séance publiée en direct sur Facebook par la COM, n'est plus disponible.
Méfiance au sujet de JA Capital
Très vite JA Capital a attiré la méfiance des élus de l'opposition de la Collectivité car le directeur de JA Capital est un ancien salarié du groupe Cipim mais aussi le président-directeur général d'Air Antilles dès le début. Et c'est aussi lui qui dépose l'ensemble des documents auprès du tribunal de commerce en tant que représentant de la Sem. Mais Louis Mussington et les autres élus sont toujours restés très vagues à son sujet.
Ce que l'on sait, c'est que le 13 novembre 2023, soit moins d'un mois après sa création, Air Antilles «a conclu avec JA Capital une convention de prestations de services» et un projet d'avenant a été présenté au conseil d'administration le 7 novembre 2024 selon le procès-verbal de cette assemblée. Il est rappelé que, comme JA Capital est «intégralement détenue par le président d'Air Antilles, la convention doit faire l'objet d'une approbation au titre du code du commerce». Au final, les membres du CA ont décidé «à l'unanimité de reporter la conclusion de l'avenant à une date ultérieure». Soit au 27 mai 2025.
Entre temps, Jérôme Arnaud a démissionné de son poste de directeur général (décision actée par le conseil d'administration le 7 novembre 2024) et de sa fonction de président (décision annoncée le 30 avril et actée par le conseil d'administration le 27 mai 2025). Jérôme Arnaud n'est plus qu'un simple administrateur.
Juste après avoir nommé Louis Mussington en tant que nouveau président, le conseil d'administration étudie à nouveau le 27 mai la convention de prestation de services avec JA Capital. Selon le procès-verbal, il est expliqué que cette société «exerce également une activité de conseil en stratégie vis-à-vis des entreprises » et que le nouveau directeur général d'Air Antilles «souhaite s’adjoindre l’assistance temporaire» de l'entreprise «afin de bénéficier de son soutien technique, stratégique et organisationnel pour mener à leur termes plusieurs dossiers relatifs au développement d’Air Antilles, que ce dernier a initié en tant que PDG puis président du conseil d’administration d’Air Antilles ».
Ce partenariat doit faire l'objet d'une convention entre les deux parties, le projet de convention est porté le 27 mai à la connaissance des membres du conseil d’administration qui, une fois encore, «décident à l’unanimité de reporter cette décision au prochain conseil d’administration». La raison n'est pas mentionnée dans le procès-verbal.
Enfin, JA Capital est seul actionnaire d'une société, Joseph 24, qui avait proposé une offre commerciale pour racheter une partie des avions de Caire suite à la liquidation judiciaire. Mais l'offre n'avait pas été retenue.
A ce jour aucun rapport d'activités de la Sem n'a été présenté aux élus.
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