08.10.2025

Dettes, recettes, charges, trésorerie : quelle est la situation financière d'Air Antilles ?

La situation financière de la société d'économie mixte Air Antilles a été exposée pour la première fois aux élus du conseil territorial lundi en séance plénière. Devant faire voter un nouveau prêt de 3 millions d'euros de la COM à la compagnie, Louis Mussington avait anticipé les interrogations de l'opposition, aussi avait-t-il sollicité le directeur général (DG) et le directeur administratif et financier (DAF) pour venir apporter aux élus des explications sur la situation et les perspectives de la compagnie.

Au gré des débats et discussions, de nombreuses informations ont été révélées. Retour chronologique sur ces principales étapes financières

Reprise de la compagnie

La Sem Air Antilles a repris à la barre du tribunal de commerce la compagnie Air Antilles avec ses «actifs et ses dettes», a expliqué le DAF. Les actifs représentent «la flotte d'avions» et les dettes le remboursement des achats de ces avions. «Trois sont financés par emprunts bancaires et un par un crédit bail», a précisé le DAF. Les emprunts ont été contractés auprès de la Cepac (Caisse d'épargne) et du Crédit agricole Martinique-Guyane (CAMG), quant au leasing, il est réalisé avec BPCE Lease.

Conciliation

Face aux difficultés financières, Air Antilles entament des négociations avec les trois établissements de crédits pour «surseoir au remboursement des échéances, y compris des intérêts». Principe qu'ils ont accepté. On parle alors de situation de «stand still».

Toutefois, il a fallu donner un cadre juridique à ces négociations. Une procédure de conciliation a donc débuté en janvier de cette année. Air Antilles avait alors six mois pour négocier le remboursement de ses dettes auprès des banques mais aussi de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) et des trois aéroports qu'elle dessert (Fort de France, Pointe-à-Pitre et Grand Case). Ces négociations devaient aboutir fin juin «à un protocole de conciliation». «Sauf que la DGAC a refusé de régulariser le protocole», dévoile le DAF.

Trois mois plus tard, la DGAC a changé d'avis ; en renouvelant le 30 septembre pour quatre mois la licence temporaire d'exploitation d'Air Antilles, elle a accepté «de ne pas recouvrer les taxes pour l'année 2025». Elle ne les supprime pas, elle ne les récolte pas pour l'instant.

Dettes

A ce jour, le montant des dettes auprès des établissements bancaires s'élèvent à 25,35 millions d'euros dont 4,3 millions en crédit bail. Mais l'ensemble est en stand still.

Une piste pour racheter les actifs et générer entre 25 et 30 millions de dollars américains, avait été examinée par le conseil d'administration en mai dernier ; il s'agissait de céder les aéronefs tout en restant locataire (pour en savoir plus : cliquez ici). Mais l'opération n'a pas abouti, a déclaré le directeur général.

Quant aux dettes d'exploitation, elles s'élèvent à 8,96 millions d'euros dont 5,42 millions sont dûs aux fournisseurs (aéroports, handlers, avocats, etc.), 2,83 millions à la DGAC au titre des taxes et redevances. Air Antilles n'a pas non plus payé les taxes à l'aéroport de Saint-Martin, elle lui doit 243 000 euros à fin août 2025.

Plus de la moitié des dettes d'exploitation sont en stand still (soit 4,93 millions). 1,56 million fait l'objet d'un moratoire et 2,45 millions sont échus.

Trésorerie

A fin août 2025, la trésorerie d'Air Antilles est de 600 000 euros. Selon une lettre d'Air Antilles adressée récemment à Louis Mussington et révélée lundi en séance plénière du conseil territorial, la trésorerie ne s'élève plus, à début octobre, qu'à un peu plus de 130 000 euros, elle ne lui permet plus d'assurer son exploitation à court terme. Le besoin mensuel est estimé à 1,5 million d'euros.

La situation est proche de la cessation de paiement. Le DAF a toutefois précisé que les fameuses dettes auprès des banques dont le remboursement est en stand still ne sont pas prises en compte, «elles ne sont pas exigibles» (car négociées).

Au bord de la cessation d'activité, Air Antilles a demandé une nouvelle fois de l'aide à la COM. La somme de 2 millions d'euros a dans un premier temps été suggérée (comme le montre les documents projetés en séance du conseil territorial) et au final ce sont 3 millions que la COM a consentis à verser d'ici la fin de l'année en trois fois.

Apports des actionnaires

La Sem comprend deux actionnaires : la Collectivité de Saint-Martin et le groupe CIPIM. Ils détiennent respectivement 60 et 40 % du capital en ayant apporté, 1,2 million et 800 000 euros.

La COM a été sollicitée à plusieurs reprises pour renflouer les caisses d'Air Antilles et ainsi assurer son activité. Outre les fonds versés au capital, la COM a voté l'apport d'un peu plus de 20 millions d'euros à la compagnie.

Quant à Cipim, il a consenti 4,4 millions d'euros en compte courant et associés, dont 400 000 euros en 2023 et 400 000 euros en 2024 (selon les comptes sociaux du groupe).

En théorie, les sommes supplémentaires apportées par les actionnaires doivent leur être remboursées ou injectées en contre-partie dans le capital. Selon le directeur général d'Air Antilles, les conseils de la compagnie sont en train de travailler sur les conditions de remboursement à la COM. Au total, les deux actionnaires ont versé près de 24,5 millions d'euros à Air Antilles en moins de deux ans pour assurer sa survie.

Recettes, charges

La compagnie a repris ses vols en juillet 2024 ce qui lui a permis de générer des revenus. A fin août 2025, les recettes issues des ventes de billets s'élèvent à 19,5 millions d'euros. Quant aux charges, elles sont de 44,5 millions d'euros pour la période allant d'octobre 2023 à août 2025. Les frais de personnel ont représenté 14 millions, les frais de formation 1,6 million, l'achat de pièces détachées 1,2 million, les «autres achats et charges externes » 22 millions. 5,8 millions ont aussi été dépensés en «investissements» (incorporels, flotte, etc.)

Estelle Gasnet