La COM est obligée de verser 3 millions d'euros à Air Antilles pour la sauver
Il s'en est fallu de peu. D'une voix précisément, celle du président Louis Mussington, pour que la société d'économie mixte Air Antilles ne puisse pas bénéficier d'un nouveau prêt de 3 millions d'euros de la part de la Collectivité.
La délibération ajoutée par le président de la COM à l'ordre du jour de la séance plénière de lundi après-midi, a été adoptée de justesse : sept conseillers ont voté contre, cinq se sont abstenus et sept ont pour voté pour, la délibération a pu être adoptée car la voix du président est prépondérante dans ce type de situation et compte ainsi double.
Cette décision est loin d'avoir fait l'unanimité. Pourtant Louis Mussington avait «fait appel au sens des responsabilités» de ses collègues. «Ce prêt constitue un bridge loan, un financement transitoire qui permet d'assurer la continuité de l'exploitation de la compagnie dans l'attente de réaliser l'opération d'ouverture du capital», a-t-il expliqué. Pour rappel, la licence d'exploitation d'Air Antilles a été prolongée lundi de quatre mois par la direction générale de l'aviation civile, un sursis pour lui permettre de trouver de nouvelles sources de financements. «Plusieurs candidats investisseurs se sont déjà manifestés. Une banque privée s'est aussi engagée pour accorder à la société un [prêt]», a assuré Louis Mussington. «Mais compte tenu de l'urgence, nous ne pouvons pas attendre que ce financement soit mis en place», a-t-il alerté.
«Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est protéger l'investissement déjà consenti par la COM et surtout garantir la continuité d'un service essentiel à la population. Autrement dit, nous ne prenons pas un risque, nous assumons nos responsabilités car derrière ces décisions, il y a un enjeu fondamental : préserver un outil de mobilité indispensable à nos concitoyens et maintenir l'attractivité économique de notre territoire», a-t-il justifié avant de quitter la salle avec Alain Richardson et Valérie Damaseau en leur qualité de membres du conseil d'administration d'Air Antilles, à l'ouverture des débats entre les conseillers territoriaux.
«Si cette délibération n'est pas adoptée, Air Antilles sera forcée d'engager une procédure de liquidation et nous reviendrons à une situation de dépendance d'une compagnie étrangère et de prix élevés de billets d'avion», a déclaré sans détour, Bernadette Davis qui a pris la présidence de la séance en l'absence de Louis Mussington. Selon des informations révélées lors de la séance plénière, la trésorerie de la compagnie est très tendue avec seulement 130 000 euros, ce qui la met dans une situation proche de la cessation de paiement.Sollicité par Louis Mussington pour décrire la situation, le directeur général d'Air Antilles, Samuel Braconnier, a présenté les principaux projets de développement à court terme (partenariat avec Air France en décembre, intégration au programme de fidélité Flying Blue, mise en place de vols internationaux vers la Dominique, Saint-Lucie, Juliana, entrée d'un nouvel actionnaire dans le capital, etc.) et «d'optimisation» de la compagnie afin de convaincre les élus d'accorder ce prêt. Pour réaliser ces projets, Air Antilles a besoin de «temps et de stabilité. L'argent achète le temps et la stabilité», convient-il. Le DG a aussi confirmé que la compagnie a envoyé la semaine dernière un courrier à Louis Mussington pour lui dire que cette injection de 3 millions était déterminante pour l'avenir de la compagnie. "La situation ne permet plus à la compagnie de faire face à ses besoins pour l'exploitation mais aussi à son passif", a-t-il confié.
Le débat entre les élus s'est ouvert avec le conseiller territorial Marc-Gérald Menard qui a posé une «question simple» : «la COM a-t-elle la capacité financière de prendre cette dure décision, d'endosser cette responsabilité de 3 millions d'euros» car, estime-t-il, il ne s'agit pas uniquement d'une décision «politique» et «ce n'est pas comme si la COM avait une caisse où il suffisait de et qu'il n'y avait plus qu'à».
La directrice générale des services (DGS) a répondu que si la COM avait «la capacité financière d'inscrire 3 millions d'euros sur son budget», elle dispose «d'une trésorerie fragile» en raison d'un recours important à l'autofinancement pour financer des projets. Néanmoins, «la situation financière de la COM est saine» d'autant plus que la COM est en «capacité de mobiliser des prêts pour financer ses investissements futurs».
Le débat s'est ensuite orienté vers des considérations davantage politiques entre les membres de l'opposition et Bernadette Davis qui a reçu le soutien de Dominique Démocrite-Louisy. Des questions techniques ont aussi été abordées. Les élus de l'opposition ont aussi reproché à la majorité et aux dirigeants de la compagnie de ne pas avoir présenté le bilan financier de la compagnie, de ne pas avoir accès à certaines informations qui ont, pourtant, été communiquées aux potentiels futurs investissements.
Pour rappel, la Collectivité a déjà accordé à Air Antilles deux prêts pour un montant total de 12 millions d'euros. En juin dernier, Louis Mussington avait déclaré aux élus que la COM allait pouvoir récupérer ces 12 millions d'ici «la fin de l'année ou l'année prochaine». Au total, sans compter les fonds apportés au capital, la COM aura versé 20 millions d'euros à la compagnie et le groupe Cipim plus de 4 millions d'euros en compte courant.