23.09.2016

Il réclame près de 500 000 € de dommages et intérêts à ses deux anciens salariés

Un chef d’entreprise de menuiserie implantée à Saint-Martin et Saint-Barthélemy a poursuivi deux de ses anciens salariés qu’il accuse de l’avoir volé.

Deux hommes, menuisiers de profession, et âgés de 40 et 51 ans, sont accusés de ne pas avoir déclaré leur activité professionnelle durant près de deux ans, deux années durant lesquelles ils étaient tous les deux également employés par la même entreprise. Et c’est le dirigeant de celle-ci qui est à l’origine de l'action en justice.

Ce dernier, défendu par maître Michaël Sarda, les accuse d’avoir réalisé des chantiers aux frais de sa propre société en utilisant son matériel, et par extension de lui avoir volé des clients et donc d’être responsables de la baisse de son chiffre d’affaires. Néanmoins, un seul chef d’inculpation a été retenu à leur encontre, celui de travail dissimulé.

Les deux prévenus ont reconnu dès leur interpellation avoir réalisé des chantiers sans déclarer les sommes perçues, qui se sont élevées au bout de deux ans à quelque 13 000 euros pour l’un et 20 000 euros pour l’autre. Depuis leur départ il y a un peu plus d’un an de la société qui les avait embauchés en 2012, ils ont chacun monté leur propre structure. Une démarche qu’ils auraient dû entamer dès le début, admettent-ils devant le président du tribunal.

En revanche, à la barre, ils ont nié les accusations de leur ancien employeur. La première étant d’avoir utilisé l’atelier et les outils pour fabriquer les pièces de menuiserie destinées à leurs clients sans autorisation. Sur ce point, leur avocate, maître Noémie Chiche-Maizener, a expliqué que ses clients étaient bien autorisés à utiliser l’atelier de l’entreprise à des fins personnelles. «Monsieur J. leur avait donné les clés… Nous avons aussi dans le dossier le témoignage d’une personne qui l’atteste». Et de commenter : «si un chef d’entreprise n’a pas confiance en ses salariés, ils ne leur laissent pas les clés».

De plus, maître Chiche-Maizener a insisté sur le fait que leur patron était au courant de leur activité. «Il l’a dit lors de son audition et c’est écrit dans le procès-verbal de gendarmerie», souligne-t-elle tout en s’interrogeant sur l’absence de réaction du gérant. «S’il n’avait plus confiance en ses salariés, pourquoi avoir attendu deux ans avant de les dénoncer ?», a-t-elle demandé.

Le gérant a raconté avoir commencé à soupçonner quelque chose lorsqu’il s’est aperçu de la disparition de certains matériaux et autres consommables, que ces charges-ci augmentaient alors que l’activité baissait. Il a ainsi fait installer une caméra de surveillance au sein de son atelier et engagé un détective privé pour suivre les deux salariés qu’il suspectait, et dont le rapport a montré que ceux-ci travaillaient bien à côté.

À la barre, le débat ne s’est toutefois pas focalisé sur le caractère immoral de ces intentions frauduleuses mais davantage sur un fait matériel, en l’occurrence l’usage d’un matériau de la marque Corian® utilisé pour fabriquer des plans de travail, des tables et autres meubles.

Le gérant a signé un contrat avec un fournisseur en Europe, ce qui lui garantit l’exclusivité de la distribution de la marque à Saint-Martin. Mais malheureusement pas à Sint Maarten, là où des grandes surfaces de bricolage proposent aussi ce matériau. Mais à des prix beaucoup plus compétitifs. Estimant que le soi-disant Corian vendu à Sint Maarten est de moins bonne qualité – d’où la différence de prix – le gérant se dit victime d’une concurrence déloyale. Il était ainsi facile, selon lui, pour ses salariés de proposer des prestations moins chères. Il réclame ainsi près de 500 000 euros de dommages et intérêts tous confondus.

Sur la question de la perte de clients et de la baisse de chiffre d’affaires, la défense a lu les derniers bilans comptables qui révèlent une baisse l’année précédant l’embauche des salariés puis une stagnation.

Pour le vice-procureur, la véritable victime est l'État français et la Collectivité qui n'ont pas recouvré les impôts et autres taxes qu'ils auraient dû si les activités des deux salariés avaient été déclarées. Il a requis à l'encontre des deux salariés trois à quatre mois de prison avec sursis comme peine principale et une amende de 5 000 à 7 500 euros comme peine alternative.

Le jugement a été mis en délibéré au 27 octobre.

Estelle Gasnet