19.05.2016

Deux employées de La Samanna accusées d’avoir volé de la nourriture

Elles ont comparu jeudi matin devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin.

L’examen de cette affaire laisse «la place au doute», a commenté le vice-procureur Michaël Ohayon. Doute qui, dans le système judiciaire français, profite aux prévenues. La question est de savoir si les deux accusées ont volé ou non de la nourriture dans le congélateur de l’hôtel La Samanna qui les employait.

Fin août 2015, elles sont aperçues par le vigile de l’établissement en train de mettre un sac et un carton dans le coffre d’une voiture. Intrigué, l’agent de sécurité se dirige vers elles et leur demande ce que contient le sac. «Lorsque je l’ouvre et découvre de la nourriture, elles sont embarrassées», dit-il. Aussitôt, il avertit le supérieur hiérarchique et les deux employées seront convoquées dans les jours qui viennent par la direction à un entretien préalable. S’en suivra leur licenciement.

Mais toutes deux martèlent qu’elles ont été autorisées à prendre de la nourriture par leur chef. Elles ont expliqué et répété à la barre que les employés sont autorisés à prendre des denrées périssables lorsque l’hôtel s’apprête à fermer en septembre. Cela semble être une habitude depuis des années. Et ce jour d’août 2015, pour la première fois, elles sont autorisées le faire. Elles vont donc prendre des poissons, des hamburgers, des pizzas, etc.

Comme tous les jours en arrivant à l’hôtel, elles sont passées par la cuisine centrale dire bonjour puis sont allées à la cuisine du beach bar où elles travaillent. Là, leur chef leur a donné une liste des produits qu’elles devaient récupérer dans la chambre froide située sur un autre lieu. Elles y sont allées avec un mini-van appartenant à l’hôtel mais en tant que passagères. Les clés, c’est leur chef qui les a et c’est lui qui a conduit. Selon les deux femmes, ils sont allés tous les trois dans la chambre froide, pris les ingrédients inscrits sur la liste ainsi que d’autres à des fins personnelles mais leur chef n’aurait mentionné sur le rapport de sortie de marchandises que celles figurant sur la liste.

L’avocate de la partie civile a d’ailleurs souligné ce détail. «Les employés sont autorisés à prendre de la nourriture mais à certaines conditions. Un rapport doit être rédigé», a-t-elle précisé en montrant le formulaire type au tribunal. Or, ce fameux rapport n’a pas été rendu ce jour-ci.

Tout au long de l’audience, les deux employées ont tenté de montrer leur bonne foi. Elles étaient embauchées depuis quatre ans pour l’une, six pour l’autre. «Mon travail, c’est tout pour moi, je ne me mettrais pas en danger pour 800 dollars (le montant estimé de la nourriture volée, NDLR)», affirme l’une des prévenues. Elles assurent avoir pris la nourriture dans les congélateurs en toute bonne conscience, car elles «ont été autorisées à le faire» par leur chef. Mais celui-ci a nié lorsqu’il a été interrogé par son supérieur.

Selon l’avocate de la défense, il a contesté les faits «pour se protéger lui-même». Car lui aussi se serait servi dans le congélateur. Sans autorisation. «Il mettra vingt minutes à venir répondre à la convocation de la direction après que les employées ont été vues», commente l’avocate pour qui, «le chef est allé pendant ce temps cacher la nourriture qu’il avait prise».

Si l’habitude de prendre de la nourriture semble avoir été tolérée durant des années, elle ne paraît plus l’être depuis l’arrivée d’un nouveau chef, celui qui supervise celui des deux employées. Et selon les éléments recueillis lors de l’enquête, les deux hommes sont en conflit ; le chef des deux femmes n’admettant pas l’autorité du nouvel arrivé. «S’il avait reconnu qu’ils avaient donné l’autorisation, il aurait aussi été licencié», note la défense qui, en reprenant les propos du parquet, estime ainsi qu’il y a «une large place pour le doute».

Le jugement a été mis en délibéré. Le vice-procureur n’a pas requis de peine particulière. «Si le tribunal a la conviction qu’aucune autorisation n’a été donnée, il pourra prononcer une peine d’avertissement à l’encontre des deux employées. S’il a un doute, il devra prononcer la relaxe».

Le jugement a été mis en délibéré au 30 juin.

L'établissement s'est constitué partie civile et a demandé, pour le principe, un euro de dommage et intérêt.

Estelle Gasnet