13.05.2016

Une taxi gypsy fait le coup de la panne et de l’autostoppeur pour se rendre complice d'un vol à main armée

Une femme a comparu devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin jeudi matin pour complicité de vol à main armée.

Une femme prend deux autostoppeurs entre Marigot et Grand Case. Les dépose devant une boutique à Hope Estate et en repartant, sa voiture tombe en panne. Alors qu’elle la répare, les deux autostoppeurs lui demandent un nouveau service, celui de les déposer à Quartier d’Orléans. Ce qu’elle fait, une fois le véhicule réparé. L’histoire de cette femme âgée de quarante et un ans n’a rien d’extraordinaire en soi. Mais replacée dans le contexte de cette journée du 7 mai 2015, l’histoire n’est plus si banale. Les deux autostoppeurs sont en fait des braqueurs et la femme, leur complice. Jeudi à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Martin devant lequel elle comparaissait donc pour complicité de vol à main armée, elle a tenté d’expliquer que les événements qui ont rythmé cette partie de sa journée n’étaient que fortuits. Mais elle n’a convaincu ni le parquet, ni le tribunal qui l’a condamnée à trois ans de prison dont un an ferme et a demandé la confiscation de sa voiture.

LE COUP DE L’AUTOSTOPPEUR

Ce jeudi 7 mai 2015, en milieu de journée, la femme part de Cole Bay au volant de sa voiture. Au niveau de Marigot, elle prend deux hommes qui, selon elle, faisait du stop. Ces derniers lui demandent de la déposer à Quartier d’Orléans. Mais entre temps, elle s’arrête retirer 50 euros à un distributeur automatique. Arrivés à Hope Estate, ils s’arrêtent de nouveau. A 14h03, la femme rentre dans une boutique avec l’un des deux autostoppeurs pour acheter des jeux de grattage et les gratter sur place. Quelque vingt minutes plus tard, la boutique est braquée par les deux hommes.

Deux éléments rendent la version de la mise en cause peu crédible. Le premier est que la prévenue est chauffeuse de taxi. D’où les interrogations du vice-procureur, Michaël Ohayon : «vous êtes taxi et vous vous arrêtez retirer de l’argent durant la course ? (…) Puis vous allez gratter des jeux avec vos clients alors qu’ils vous ont demandé de les emmener à Quartier d’Orléans ?» Le parquet croit difficilement à l’histoire des autostoppeurs ramassés par hasard sur le bord de la route.

Le second élément qui le laisse perplexe, est le comportement de la prévenue à l’intérieur de la boutique. Là, alors qu’elle gratte des jeux, elle lève souvent la tête vers le plafond. «Je regardais les chiffres du Loto», se justifie-t-elle. Pour les enquêteurs, elle observait les caméras de surveillance installées au plafond, elle était en repérage.

LE COUP DE LA PANNE

Une fois qu’elle a gratté ses jeux, la femme ressort de la boutique laissant ses deux présumés clients. Elle se dirige vers sa voiture garée juste devant, mais celle-ci ne démarre pas. Elle parvient à faire quelques mètres en la laissant glisser. Garée, plus loin, elle s’emploie à la réparer. Elle descend et ouvre le capot ; le problème venait, selon elle, de la batterie.

Pendant ce temps, ses deux anciens clients commettent le vol à main armée. A visage caché et en pointant une arme vers l’employé, ils se font remettre le produit de la caisse qui s’élève à 429 euros. Ils sortent de la boutique et prennent la fuite. En l’occurrence vers où se trouve la voiture de la chauffeuse de taxi, laquelle assure à la barre qu’elle ne pouvait pas voir la boutique où elle était. Autrement dit, c’est par hasard que les individus sont revenus vers elle. Ils lui demandent de les emmener à Quartier d’Orléans.

Selon ses explications, ils sont montés à l’arrière et ont attendu qu’elle finisse de réparer. «Ils ne sont même pas venus m’aider», fait-elle remarquer aux magistrats. «Lorsque je les ai vus arriver vers moi, ils couraient et il y avait une jeep derrière eux», raconte-t-elle. «J’ai tout de suite pensé qu’ils avaient fait quelque chose de grave mais comme la jeep nous a dépassés, j’ai été rassurée», poursuit-elle.

La jeep, c’est certainement celle des deux témoins qui ont été entendus par les gendarmes. Selon le rapport, «les deux témoins ont vu deux individus courir, dont l’un avec un bandana sur la tête (ce qui correspond aux images de vidéosurveillance, NDLR) et avec une caisse noire à la main… Probablement le tiroir caisse. Ils sont arrivés à une voiture dont le capot était levé, il y avait une femme debout qui semblait réparer. Le couple a décidé de suivre les individus, c’est la femme qui conduisait et l’homme, côté passager, a filmé la scène. Ils ont dépassé la voiture-taxi. Ensuite, la conductrice a vu la voiture-taxi rouler en direction de Grand Case». Un fait que la prévenue confirme. «Je suis passée par chez moi car je devais voir mes enfants», explique-t-elle. Une argumentation qui ne convainc, une fois de plus, pas le parquet.

Michaël Ohayon trouve en effet troublant qu’un simple chauffeur de taxi puisse passer une heure de son temps avec deux présumés clients qui voulaient aller de Marigot à Grand Case et se permette des détours à des fins personnelles. Toutefois, il n’a pas été dit si les deux fameux individus avaient réglé la course une fois déposés à la Baie orientale et à Middle Region.

A noter enfin, que l’accusée exerçait l’activité de taxi illégalement. Elle n’était non plus pas titulaire du permis de conduire français alors qu’elle réside à Saint-Martin où elle perçoit les allocations de la CAF et le RSA.

Estelle Gasnet