08.10.2025

Capital d'Air Antilles : quelles seraient les conséquences d'une augmentation pour la Collectivité ?

La venue du directeur administratif et financier (DAF) d'Air Antilles à la séance plénière du conseil territorial lundi après-midi a permis la communication d'un certain nombre d'informations financières sur la situation de la compagnie, informations qui, jusque-là, avaient été tenues secrètes par la direction et le conseil d'administration. Du moins, ces derniers avaient toujours refusé de les divulguer aux personnes qui les demandaient. Un point a été dressé sur l'état de la trésorerie, de la dette, des recettes, etc. Il a également été expliqué qu'une dérogation a été accordée pour reporter la publication des comptes sociaux.

Toutefois, il est resté une question sans réponse, celle concernant les intentions d'un potentiel futur investisseur et les conséquences sur le capital de la socitété. Les membres du conseil d'administration étant absents*, le directeur général n'a pas apporté de réponse ; son mandat ne l'autorisant pas «à dévoiler les conditions de l'opération». Dans le dossier distribué aux élus, qui a accompagné le projet de délibération d'octroi d'un nouveau prêt de 3 millions d'euros de la COM à Air Antilles, la lettre d'intention d'un groupe intéressé pour entrer dans le capital de la Sem a été intégrée. Ce candidat est le groupe allemand Panaf. Selon le courrier, il voudrait apporter 10 millions d'euros. Air Antilles a ainsi inscrit cette opération dans ses perspectives du mois de janvier 2026 : «entrée au capital d'un nouvel investisseur : + 10 M€ ».

Les membres de l'opposition formée par Generation Hope et la Team Gibbs ont voulu en savoir plus : qui est ce groupe ? Comment apporte-t-il ces 10 M€ ? A quelles conditions ? Que devient Cipim ? Autant de questions restées sans réponse. Nous avons essayé de voir quelles seraient les conséquences de cet apport.

Substitution

Le capital de la Sem Air Antilles s'élève aujourd'hui à 2 millions d'euros détenus à 60 % par la COM (1,2 M€) et 40 % par Cipim (0,8 M€). En mai dernier, «compte-tenu de la situation financière», il est «envisagé» par le conseil d'administration de «substituer à Cipim un autre investisseur privé au capital de la société». En l'absence d'autres précisions, on comprend que Cipim serait remplacé en tant qu'actionnaire. Mais reste à savoir quel est le montant de ses parts au moment de son départ.
A la création de la Sem, Cipim a apporté 0,8 M€ au capital. Puis en 2024 et 2025, le groupe a consenti 4,4 millions d'euros supplémentaires en avance en compte courant d'associé. Aujourd'hui, à la veille d'une ouverture de capital, on peut se poser les questions suivantes : Cipim va-t-il demander le remboursement de cette somme ? Va-t-il renoncer à son droit de remboursement ? Ou va-t-il transférer cette somme dans le capital social ?

Si Cipim transfert les 4,4 millions d'euros dans le capital, il détiendra alors 5,2 millions d'euros (voir illustration ci-dessous). Cette opération obligerait la Collectivité de Saint-Martin à revoir aussi le montant de ses parts. Dans l'hypothèse où elle souhaite conserver 60 % du capital, elle devra alors apporter 6,6 millions d'euros et ainsi détenir 7,8 millions d'euros. Le capital serait alors de 13 millions d'euros.

Mais la COM peut aussi souhaiter conserver le minimum de parts pour rester majoritaire (soit 51%), dans ce cas, elle devrait apporter 4,21 millions d'euros pour détenir 5,41 millions d'euros. Le capital serait alors de 10,61 millions d'euros (voir illustration ci-dessous).

La substitution de Cipim n'est pas surprenant puisque dans l'offre de reprise communiquée au tribunal de commerce lors de la reprise, il était mentionné que «dans un second temps, Cipim pourra se rapprocher de la société X. Les conditions d'entrée au capital de X seront précisées dans un protocole et le capital de la SEM pourra être à terme de 60 % pour la COM et 40 % par une société holding détenue à hauteur de 51 % par Cipim et 49 % par X». X étant une jeune société créée par un ancien pilote d'Air Antilles.

Panaf

Depuis, Air Antilles n'a plus parlé de X mais d'un autre candidat, Panaf. Panaf est un groupe allemand qui se concentre sur des «projets aériens en Europe, Asie, Afrique et Amérique du Sud, avec comme objectif de développer le trafic aérien. Panaf recherche des partenariats sur le long terme et, quand cela est nécessaire, soutient activement les processus de restructuration des compagnies aériennes régionales, conduisant parfois à une prise de participation au capital».

Selon Air Antilles, Panaf serait prêt à injecter 10 millions d'euros dans la compagnie. Comment ? Aucune précision n'a été donnée. D'après ce qui a été dit, on comprend que Panaf serait un nouvel investisseur et pourrait détenir demain 10 millions du capital après avoir racheté les parts de Cipim (et en complétant pour atteindre 10 millions). Reste alors à savoir combien ces 10 millions pèseraient dans le capital et combien la COM devra, elle aussi, mettre pour conserver ses 60 % du capital ou rester actionnaire majoritaire avec un minimum de parts (51 %).

Pour conserver 60 % du capital, la COM devra ajouter 13,8 millions d'euros (voir illustration ci-dessus) ; pour n'avoir que 51 % des parts elle devra verser 9,2 millions d'euros (voir illustration ci-dessous). Dans le premier cas, le capital serait porté à 25 millions d'euros, dans le second cas à 20,4 millions d'euros.

En sachant que la COM a déjà versé 6 millions d'euros en avance de compte courant d'associé à la Sem, et qu'elle peut refuser leur remboursement à la condition qu'ils soient transférés dans le capital. Mais il se peut qu'elle doive apporter davantage en cas d'augmentation importante de capital pour rester majoritaire. Autres possibilités, qu'elle devienne minoritaire ou qu'elle cède ses parts. Pour l'instant, aucune piste n'a été dévoilée.

* Louis Mussington, Alain Richardson et Valérie Damaseau étant aussi membres du conseil territorial n'ont pas assisté au débat et au vote de la délibération octroyant un prêt supplémentaire de 3 millions d'euros par la COM à Air Antilles. Quant à Jérôme Arnaud, autre administrateur, il était absent lundi.

Estelle Gasnet