29.06.2021

Deux hommes et une femme jugés pour escroquerie et/ou mise en danger d’autrui

Dans un dossier de construction de logements en défiscalisation.

Après trois renvois (en juin 2019, février et novembre 2020), l’affaire d’escroquerie sur fond de défiscalisation dans le cadre d’un projet immobilier à Grand Case a été examinée jeudi dernier par le tribunal de proximité de Saint-Martin. Les prévenus sont au nombre de trois : un architecte (JMJ), un promoteur (LD) et une agent immobilier (CG). Le premier est accusé d’escroquerie, les deux autres d’escroquerie et de mise en danger d’autrui.

Les faits se sont déroulés entre 2008 et 2014. LD via plusieurs sociétés mène une opération immobilière à Grand Case. Un terrain de 5 hectares est acquis sur lequel plusieurs logements vont être construits en défiscalisation. Pour un lot de 20 logements, il fait appel à un jeune architecte, JMJ qui est le neveu de la compagne d’un des associés d’une SARL qui a des parts dans le projet ; et accessoirement, l’associé et compagnon de la tante de l’architecte est employé de la COM au service de l’urbanisme*.

Ce chantier à Grand Case est le premier pour JMJ alors âgé de 25 ans, en qualité de maître d’œuvre. Durant les huit premiers mois, il se rend une fois par semaine sur le chantier qui, progressivement, accuse du retard pour diverses raisons. Malgré l’état non terminé du chantier, JMJ signe des attestations de fin de chantier à la demande du promoteur.

A la barre du tribunal, l’architecte – le seul à être présent physiquement- affirme à plusieurs reprises qu’il était «sous pression de la part du promoteur» qui lui expliquait qu’avec ces attestations, des fonds seront débloqués pour poursuivre les travaux. JMJ se disait alors que si le chantier reprenait, il toucherait une partie de ses honoraires. «A aucun moment, je n’ai pensé que c’était pour escroquer », assure-t-il. Il indique aux magistrats que le chantier était «quasiment terminé. On était à un mois et demi de la fin», confie-t-il. Il a avoué avoir fait six fausses attestations de fin de travaux.

Les arguments de l’architecte sont réfutés par le promoteur représenté à l’audience par son conseil. Ce dernier déclare que son client n’était pas très souvent sur l’île, qu’il ne l’a jamais menacé de faire de fausses attestations.

Ces faux documents permettaient au promoteur de dire à ses clients que leur appartement était terminé et donc qu’ils pouvaient profiter des bénéfices de la défiscalisation. En parallèle, l’agent immobilier fournissait de faux baux pour compléter le dossier.

Les trois protagonistes sont ainsi accusés d’escroquerie en ayant fait croire que les logements étaient terminés et loués dans les temps impartis pour faire profiter les acheteurs de crédits d’impôt.

En plus le promoteur et l’agent immobilier qui était absente à l’audience et non représentée par un avocat, sont accusés d’avoir mis en danger la vie d’autrui. En effet, si certains contrats de location comprenaient «des noms fictifs» selon les enquêteurs, certains ont bien été signés avec de vrais locataires pour un montant mensuel moyen de 600 euros. Ceux-ci ont emménagé alors que les logements n’étaient pas terminés. Plusieurs éléments dans le dossier attestent que les appartements étaient branchés sur le compteur électrique général du chantier et qu’aucun compteur individuel n’avait été installé au moment des faits. «L’agent immobilier percevait les loyers et l’argent de LD et le mettait sur le compte des propriétaires et percevait 10 %. Elle avait un rôle clé», a précisé le vice-procureur.

L’avocat du promoteur le défend en précisant que «c’était au maître d’œuvre [l’architecte] de vérifier l’état des appartements» et que son client «n’a jamais été en contacte avec les locataires ». Il ajoute au sujet des faits d’escroquerie que les propriétaires n’ont pas fait l’objet de redressement fiscal et regrette que le cabinet de défiscalisation « soit le grand absent » dans cette affaire.

Le représentant du ministère public qualifie ce dossier de «montage frauduleux» dont les deux acteurs principaux - LD et l’employé de la COM à l’urbanisme (JC)- sont des «mafieux». Il requiert ainsi la peine la plus grande peine à l’encontre de LD, soit une amende de 100 000 euros et douze mois de prison avec sursis. A l’encontre de l’agent immobilière il requiert une amende de 50 000 euros et six mois de prison avec sursis et demande une amende de 10 000 euros pour l’architecte.

Après en avoir délibéré le tribunal a requalifié les faits reprochés à JMJ en faux et l’a condamné à une amende de 6 000 euros dont la moitié assortie du sursis. Il a prononcé une peine de six mois de prison avec sursis et 10 000 euros à l’encontre de l’agent immobilier et huit mois de prison avec sursis et 20 000 euros à l’encontre du promoteur.

Plusieurs locataires se sont constitués partie civile. L’affaire a été renvoyée sur intérêt civil en octobre.

* Accusé de prise illégale d’intérêt, il a plaidé coupable en 2019 et écopé d’une amende de 10 000 euros.

Estelle Gasnet