19.02.2016

Prison avec sursis pour un couple qui battait un enfant de 9 ans

Les limites du « droit de correction » ont été une nouvelle fois examinées par le tribunal de Saint-Martin.

«C’est moyen… ça va mal… c’est Paul*, parfois il me frappe avec la ceinture quand je fais des bêtises, quand je ne range pas ma chambre…», explique ce petit garçon aux gendarmes lorsque ceux-ci l’interrogent sur le contexte familial dans lequel il vit. Quelques jours plus tôt, début janvier, son papa est venu déposer plainte à l’encontre de la maman dont il est séparé. Celle-ci et son nouveau compagnon, Paul, battent le garçonnet qui fêtera ses dix ans en septembre prochain. Le couple utilise une ceinture et l’homme a aussi recours à un câble de télévision, câble que la mère a jeté à la poubelle. «Je ne veux pas de ça», explique-t-elle au tribunal correctionnel devant lequel le couple a comparu jeudi matin. L’enfant serait battu en moyenne trois fois par semaine.

 

« SELON MES ENFANTS, C’EST TRES DRAMATIQUE A LA MAISON… »

Des affaires de violences intrafamiliales commises sur les enfants, sont examinées par les magistrats de manière régulière. Elles font toujours froid dans le dos. Celle-ci est d’autant plus troublante que la mère semble désorientée. «Selon mes enfants, c’est très dramatique à la maison… On dirait une maison de violence… C’est comme si y avait pas de vie… C’est comme si on ne sortait jamais», répond-elle au juge lorsqu’il lui demande ce qu’elle ressent après avoir entendu la manière dont ses enfants ont raconté leurs punitions aux gendarmes.

Dans cette maison comme dans de nombreuses autres, les enfants sont violemment battus lorsqu’ils n’obéissent pas. Et les parents n’ont pas le sentiment de franchir la limite de ce que le juge appelle «le droit de correction». «Ma mère me frappait tout le temps… », raconte la femme âgée aujourd’hui de 31 ans. Aussi battre ses propres enfants pour qu’ils cessent d’être insolents ou pour qu’ils écoutent davantage, est-il normal. «Je ne connaissais pas la loi… Je l’apprends… Les gendarmes me l’ont expliquée», confie-t-elle. «Le fait d’avoir été frappée m’a empêchée de traîner dans la rue, de fumer de la marijuana comme le faisaient mes copines», considère-t-elle.

Son compagnon, 25 ans, est dans la même situation, il a été battu enfant par sa mère «très stricte». Mais à la barre, il reconnaît avoir franchi les limites. «Je lui (l’enfant, ndlr) ai demandé pardon. Le lendemain, je suis allé à la pharmacie acheter de la pommade pour le soigner », confie-t-il.

 

« POUR NE PAS QU’IL PLEURE, ON LE MET À GENOU »

Au delà de l’efficacité de la méthode éducative, il s’agit de mesurer l’impact de ces violences. Parce que les parents ont été battus, ils frappent tout aussi fort lorsqu’ils sont adultes. Et ainsi, de générations en générations. Mais dans le cas de cette famille, le modèle est reproduit dès l’enfance. En effet, la sœur de la victime, légèrement plus âgée, évoque la violence comme une banalité. Elle-même y participe. «Quand il n’y a pas d’adulte, c’est moi qui le frappe », a-t-elle expliqué aux gendarmes. Pis, elle s’y associe. «Pour ne pas qu’il pleure et gêne tout l’immeuble, «on» le met à genou par terre», dit-elle ; l’usage du pronom « on » a fortement interpellé le magistrat.

La fillette est, elle aussi, victime de coups de ceinturon. Cela est arrivé lorsqu’elle a mal fait la vaisselle, lorsqu’elle est têtue, lorsqu’elle est sur le canapé et ne veut pas se lever ou encore lorsqu’elle se mêle des affaires des autres.

 

DES SCÈNES TRÈ VIOLENTES

Les dépositions des enfants ont montré que les violences ont pu aller très loin. Comme le garçonnet faisait pipi au lit, le compagnon l’a menacé de «brûler son zizi» et «ses fesses» un jour qu’il avait fait caca dans sa culotte. «Il est venu avec une allumette pour lui faire sentir la chaleur sur ses doigts», a raconté la fillette. Lorsqu’ils mettent à genou l’enfant pour ne pas qu’il pleure et gêne les voisins, ils lui mettent en plus des bouteilles d’eau dans les mains. Un geste que la mère a en partie dénoncé à la barre. « Je n’étais pas là lorsque ça s’est passé… Je suis d’accord pour qu’il soit à genou mais pas avec des bouteilles d’eau dans les mains car c’est lourd», conçoit-elle.

Depuis le dépôt de plainte, le père qui a assisté au procès, a la garde du petit garçon qui confiait souvent son envie d’aller vivre chez lui. La fillette, elle, est toujours chez sa mère et ne veut pas la quitter. Elle reproche à son père de lui donner de l’argent «sans aucune raison» et d’avoir frappé une fois sa mère il y a plusieurs années. Le vice-procureur, Michaël Ohayon, a requis une peine d'avertissement de six à huit mois avec sursis avec la possibilité de faire appliquer les articles 378 et 379 du code civil permettant au tribunal correctionnel d’ordonner le retrait d'autorité parentale pour la mère. Après en avoir délibéré, le tribunal a prononcé une peine de six mois de prison avec sursis à l’encontre de la mère et de huit mois avec sursis pour son compagnon.

 

* Le prénom a été changé

Estelle Gasnet