Achat des terrains Beauperthuy : "une opportunité" pour "sécuriser du foncier", "une opportunité historique"
Opportunité. Le substantif a été répété à plusieurs reprises par le président Louis Mussington, ses conseils et la directrice du service juridique de la Collectivité : l'acquisition par la COM de vingt-deux parcelles auprès de la succession Beauperthuy est «une opportunité». Cette délibération était inscrite à l'ordre du jour du conseil territorial qui s'est tenu vendredi.
Une opportunité d'empêcher des investisseurs étrangers de les acheter aux enchères comme cela était prévu, et ainsi générer «une spéculation foncière, immobilière». «Saint-Martin a trop perdu, a été trop dépossédée. Nous ne pouvons plus laisser disparaître ce qui appartient à notre histoire, notre identité», a déclaré Louis Mussington en introduction de la séance plénière.
Opportunité n'est pas le seul mot qui a rythmé les arguments de la majorité. Les verbes «protéger» et «sécuriser le foncier» ont aussi été repris maintes fois.
Une opportunité pour constituer «une réserve foncière» et permettre «aux jeunes qui reviennent au pays d'acquérir un lot et d'y construire leur demeure». Une opportunité «pour préserver les terrains de Saint-Martin», pour «protéger la population et construire un territoire stable, attractif et prospère». «Jamais dans l'histoire de ce territoire, une opportunité s'est offerte à nous, population de Saint-Martin : il s'agit essentiellement de devenir propriétaires de 200 hectares de terrain», a confié Louis Mussington.
«La Collectivité de Saint-Martin a une opportunité historique de montrer à la face du monde qu'elle est capable de faire quelque chose pour l'avenir. (…) D'autres élus à votre place auraient fait la même chose», a également commenté maître Dominique Nicolas, l'un des conseils qui accompagne la COM dans ce dossier.
En visioconférence, l'avocat martiniquais était invité vendredi par la COM pour répondre aux interrogations des élus. Sans surprise, elles sont venues des oppositions. Si la Team Gibbs et Hope Generation n'ont pas contesté le fond (éviter que ces terrains soient vendus à des étrangers en vue de réaliser des opérations immobilières), elles ont débattu sur la forme.
Pour Jules Charville, le recours à l'établissement public foncier de Guadeloupe et à un emprunt bancaire de 31 millions d'euros présentent «un risque très fort en raison de la situation financière de la COM», de «sa capacité financière qui s'affaiblit de plus en plus». Aussi a-t-il regretté que d'autres solutions comme un partenariat public/privé (via par exemple une société d'économie mixte) n'aient pas été étudiées.
La Team Gibbs a soulevé d'éventuelles irrégularités juridiques. D'une part selon elle, les élus du conseil territorial qui sont aussi membres du conseil d'administration de la Semsamar, n'auraient pas dû participer aux débats en raison d'un conflit d'intérêt. D'autre part, Daniel Gibbs estime que, comme «cela lui a été souvent répété» lorsqu'il était président, la COM ne doit pas servir des intérêts personnels. En l'occurrence, dans ce cas, ceux des Beauperthuy en faisant que leurs terrains ne soient pas vendus aux enchères à des personnes étrangères à Saint-Martin. D'autant plus que la COM n'a pas encore de projets définis à mener sur ces terrains.Ces inquiétudes ont «chagriné» maître Nicolas qui a tenu à assurer que le dossier était «sécurisé» et qu'il n'y avait «pas de difficultés ni techniques, ni juridiques, ni financières». «On n'utilise pas des arguments juridiques et techniques pour pouvoir développer un point de vue politique qui doit s'assumer tout seul. C'est non, c'est oui, j'aime pas, mais dire que juridiquement ce n'est pas sécurisé, c'est une erreur», a-t-il répondu.
Pour le conseil martiniquais, le débat vendredi ne pouvait que politique. Un «débat qui n'est pas le [sien] ». Toutefois il s'est permis d'afficher son soutien au président Mussington et à son équipe. «Si dans la collectivité dans laquelle je suis, nous avions eu l'opportunité de sécuriser un certain nombre d'hectares de terrains pour l'avenir de notre collectivité, nous l'aurions fait mais elle ne s'est pas présentée. Cette opportunité est unique à Saint-Martin et il faut absolument que les uns les autres soient debout derrière leur décision», a-t-il déclaré.
Malgré les réticences de ses opposants, Louis Mussington est resté déterminé. «Je déclare haut et fort que les 200 hectares appartiennent au peuple de Saint-Martin et non aux spéculateurs fonciers », a-t-il lancé. C'est «un moment inédit, historique» qu'il a pu savourer après trois heures d'explications et de débats. La délibération a été adoptée avec quinze voix pour et six contre. Louis Mussington a applaudi son adoption.
Si aucun projet précis sur ces parcelles n'a été présenté pour l'instant, la Collectivité entend mener des chantiers de "redynamisation urbaine, préservation des espaces naturels ou patrimoniaux, constitution de réserve foncière en vue de la revente et de la réalisation de logements sociaux". Quant à la Semsamar, elle veut conduire des programmes immobiliers à usage résidentiel.
Lire aussi : Achat des terrains Beauperthuy : les partenaires de la COM







