Les élus adoptent des mesures fiscales pour doper la construction de logements
En 2012, la Collectivité a obtenu la compétence logement/habitation, ce qui l'a dégagée de dispositifs nationaux financiers d'aide à la pierre. C'est-à-dire que la construction de logements notamment sociaux dans le cadre de programmes, ne peut plus bénéficier de crédits étatiques (comme ceux de la LBU, ligne budgétaire unique). Aussi la COM doit-elle «assumer la création d'un modèle local de financement pérenne».
Elle a élaboré son programme local de l'habitat (PLH) pour la période 2025-2030. Celui-ci prévoit la construction de «1 800 résidences principales supplémentaires d'ici 2030 dont 810 logements locatifs sociaux, 270 logements en accession sociale à la propriété et 720 logements dits libres». Il prévoit aussi la rénovation et la réhabilitation du parc existant, la restructuration des quartiers anciens, des opérations de renouvellement urbain. Sauf que la réalisation de ces ambitions est rendue difficile en raison des coûts de la construction et du foncier à Saint-Martin. Les élus du conseil territorial réunis en séance plénière lundi 6 octobre, ont été invités à adopter un «package fiscal» ou ensemble de mesures fiscales pour réduire ces surcoûts et inciter faciliter la construction de logements.
Tout d'abord, les élus ont étudié une réduction de 2 points du taux de la TGCA (taxe générale sur le chiffre d'affaires) sur les travaux de construction d’immeubles destinés à renforcer le parc de logements abordables de la Collectivité ainsi que sur les travaux de démolition, de reconstruction, de réhabilitation lourde, de rénovation (y compris mise aux normes de sécurité ou de confort actuelles) ou de transformation d’immeubles, en vue d’accroître le nombre de logements abordables*. Pour ce type de travaux, le taux de TGCA proposé est donc de 2%.
Il a aussi été décidé d'augmenter de dix ans la période d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties en la portant ainsi à vingt-cinq ans ; ne sont concernés que les programmes de construction de logements abordables des bailleurs publics et privés. Une mesure similaire existe aussi en métropole.
Par ailleurs, les élus ont débattu sur une mesure destinée aux personnes qui achètent leur première résidence principale. Elle consiste à fixer à 4% le taux de droit d'enregistrement - soit de le baisser de moitié - à la condition que le primo-accédant (personne physique) n'ait pas été propriétaire d’un bien immobilier en partie française au cours des cinq années précédant cet achat et que ce logement soit sa résidence principale durant les cinq prochaines années (inscription dans l'acte de vente).
Ce taux de 4% du droit d'enregistrement s'applique aussi pour l'acquisition de terrains nus en vue de l’édification de locaux à usage d’habitation type LLTS, LLS, PLS, PLI, PLSA et LES ; l'acquisition d’immeubles à démolir, réhabiliter, rénover (rénovation lourde et/ou mise aux normes de sécurité ou de confort actuelles), transformer, en vue de la livraison de locaux à usage d’habitation type LLTS, LLS, PLS, PLI, PLSA et LES ; l'acquisition par un bailleur social d’un immeuble détenu par un autre bailleur social en vue du maintien des locaux d’habitation dans le parc social.
«Ce dispositif fiscal marque une étape décisive dans la structuration de la politique territoriale du logement et de l’habitat. Il compense partiellement l’absence de LBU, sécurise la réalisation du PLH 2025-2030, et rapproche Saint-Martin des régimes applicables en métropole et dans les DROM », conçoit Louis Mussington.
Saisi sur le sujet, le conseil économique, social et culturel (CESC) reconnaît que ces mesures «constituent des leviers incitatifs susceptibles d'accroître l'attractivité des projets de logements sociaux et intermédiaires et contribuent à la résorption du déficit de logements sur le territoire», néanmoins il demeure prudent quant à leurs conséquences.
«La durée très longue d'exonération de taxe foncière pourrait peser durablement sur les recettes fiscales de la Collectivité», estime-t-il, et suggère «d'en évaluer l'impact budgétaire sur le moyen et long terme». Selon le CESC, le dispositif devra «être strictement encadré pour garantir qu'il bénéficie réellement aux ménages ciblés (ménages modestes, accession sociale) et qu'il ne soit pas détourné à des fins spéculatives». Au final, le CESC a émis un avis de réserve, il soutient «cette réforme fiscale en faveur du logement abordable mais appelle la Collectivité à conjuguer attractivité fiscale et soutenabilité budgétaire, tout en veillant à l'équité sociale et au suivi opérationnel du dispositif».
Quant aux élus, ils ont adopté avec 15 voix pour, 4 contre et 3 abstentions l'ensemble de ces mesures fiscales. Le code des impôts de Saint-Martin a été modifié en conséquence.
Lors des débats, le conseiller territorial Philippe Philidor a formulé un amendement afin de «de protéger les [Saint-Martinois] contre toute spéculation» en précisant le périmètre d'application de la mesure fiscale réservée aux primo-accédants. Il a proposé que soient aussi éligibles «les personnes physiques nées sur le territoire de Saint-Martin ou y ayant résidé habituellement pendant une durée continue d'au moins cinq années au cours de leur vie et qui établissent leur projet d'installation effective et durable au moment de l'acquisition». Si l'idée générale a été retenue, l'amendement n'a pas été retenu et fera l'objet d'analyses ultérieures. (lire ici).
*Les logements doivent remplir les critères requis pour la qualification de LLTS, LLS, PLS, LLI, PSLA et LES, tels que définis par le règlement d’intervention financier.