13.08.2025

François Castelain : soldat de la diversité, photographe de l’âme

Il ne veut pas « suivre le mouvement ». Et c’est peut-être cette volonté farouche de liberté qui façonne le parcours de François Castelain. À 38 ans, le photographe est à un moment charnière de sa vie, entre reconnexion à soi-même et aboutissement de projets. C’est en 2015, que le jeune homme découvre Saint-Martin, une île dont il ne repartira plus. « Ça a été une révélation, je suis tombé amoureux de tous ces visages et de la diversité dont regorge ce si petit territoire. On dirait que le monde y est concentré » poétise-t-il. Originaire du nord de la France, celui qui quittait la métropole à la recherche de sens, a tout de suite trouvé ici le sentiment de liberté qu’il recherchait. Depuis, son travail n’a cessé de décortiquer la friendly island pour mieux en révéler les nuances.

Si François Castelain faisait un peu de photographie à Paris, c’est à Saint-Martin « qu’il s’est révélé ». Autodidacte, il s’est naturellement tourné vers le portrait. Chez lui, la photo n’est pas une mise en scène mais une rencontre. « Je croise des gens dans la rue, et parfois, leurs visages ne me quittent plus. C’est à ce moment-là que je sais qu’il faut que j’aille leur parler » confie-t-il. Par sa vision unique, l’artiste repère en ses interlocuteurs un potentiel qu'ils ignorent souvent eux-même. « La plupart du temps, ils me disent non » explique-t-il en évoquant les jeunes hommes de Sandy-Ground ou Saint-James, méfiants face à l’objectif. Alors François prend le temps d’apprendre à connaître les personnes, leur histoire, leur culture mais aussi de déconstruire ses propres réflexes. Peu à peu, le respect s’installe et la confiance se tisse. Une connexion que l’on retrouve dans les images capturées. Ce qui frappe dans les portraits de François Castelain, c’est d’abord la puissance du regard. Cru, vrai et d’une honnêteté désarmante. S’il photographie aussi les femmes, c’est vers les hommes que son regard se tourne avec le plus de défi, pour questionner les codes de la masculinité. Son travail, comme sa vie, repose sur un fil rouge : la diversité. « S’il y a un mot à retenir, c’est bien celui-là » confirme l’homme.

Les soldats de l'amour

Parmi ses projets les plus puissants, Soldier of Love occupe une place à part. Tout est parti d’une rencontre imprévue, presque brutale : celle d’un jeune haïtien en République Dominicaine, vivant dans des conditions inhumaines. Un face-à-face qui bouleverse le photographe. Il capture son histoire et avec l’argent récolté par la vente des tirages, il décide de lui payer son visa. « L’art peut sauver des vies. J’en suis convaincu » affirme-t-il. Depuis, Soldier of Love est devenu une ligne conductrice. François y projette un rêve : celui d’une armée animée par la volonté de changer les choses, non pas par la force mais par la beauté de l’art. A terme, il aimerait même fonder une association. Ce ne serait pas la première fois que l’homme se lancerait dans des projets de grandes envergures. Car à ceux qui disent qu’à Saint-Martin, « il n’y a pas de culture », le photographe répond par l’action. Il a notamment créé La Piscine, un événement artistique dans une villa, mêlant fête, gastronomie, projection de courts-métrages, concerts et expositions. Pendant quatre éditions, il a transformé l’espace pour mettre en avant des talents locaux et internationaux.

Aujourd’hui, François Castelain est en pleine mutation. Il prépare Mako, un journal digital qui concentrera portraits, voyages, textes et visuels puissants. « Je vais mélanger tout ce que je suis. C’est un projet qui me ressemble » décrit celui qui a déjà vu l'Officiel lui dédier un article. Déjà actif, le compte Instagram se verra alimenté dès septembre, des prochains voyages du photographe dans des villes comme New York, Paris ou encore São Paulo. Le nom n’est pas choisi au hasard puisqu’il vient du créole et désigne péjorativement les curieux. Ainsi, l’homme prend le contrepied du sens premier pour en faire un symbole de curiosité bienveillante et de liberté. C’est dans cet esprit que le photographe souhaite voguer pour la suite. Fatigué un temps de ce monde trop divisé, l'anticonformiste avait décidé de faire une pause, en se tournant vers la restauration. En revenant avec Mako, le surnommé dandy moderne souhaite aussi se réconcilier avec lui-même et retrouver l’amour-propre qu’il a parfois sacrifié à force de vouloir valoriser les autres. En attendant de pouvoir suivre ses nouvelles aventures, il est possible de venir admirer ses photographies lors d’une exposition au restaurant La Belle Époque, jusqu’au 30 août.

Cyrile POCREAU