06.08.2025

Bibiana Clavel : une psychologue au cœur des luttes contre les violences

« Saint-Martin, c’est ma terre, j’y ai pris racine. Ici, j’ai été accueillie, on m’a donné une place » confie Bibiana Clavel avec le sourire. Psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée en LI-ICV (Intégration du Cycle de Vie), elle s’apprête à quitter la Friendly Island après 14 années sur le territoire. Son départ, prévu le 13 août, marque la fin d’un chapitre profondément humain, dédié à l’accompagnement des victimes de violences et à la promotion d’une écoute bienveillante.

Originaire de Colombie, Bibiana rêve dès l’enfance de devenir psychologue. Faute de moyens, elle se tourne d’abord vers des études d’aménagement du territoire. Ce n’est qu’une fois arrivée en France, devenue mère, qu’elle décide de réaliser son rêve en entamant des études de psychologie à Paris. Un parcours semé d’obstacles – la langue, l’intégration – mais où la détermination finit par triompher : « Dans la vie, je me fixe des objectifs et je fais tout pour y arriver » affirme-t-elle.

Installée à Saint-Martin depuis 2011, Bibiana débute à l’hôpital, avant de rejoindre l’association France Victimes à mi-temps. Après la crise du COVID-19, elle s’y consacre à temps plein. Rapidement, avec ses collègues, elle prend conscience que l’accompagnement des victimes nécessite une approche pluridisciplinaire : « Il faut tenir compte de la dimension juridique, sociale et humaine dans toute sa complexité » explique-t-elle. C’est dans cette logique qu’est née la Maison des Femmes, créée par Olivier Canale-Fatou et Sybel Aydin, pour mieux prendre en charge les femmes victimes de violences sexuelles, conjugales ou sexistes.

Au sein de cette structure, Bibiana joue un rôle essentiel : elle accueille, soutient, oriente et surtout, elle écoute. « Ce qui me guide, c’est d’aider. Quand j’étais plus jeune, je rêvais de changer le monde. Je pensais que cela passerait par de grands projets, mais j’ai compris avec le temps que le vrai changement commence dans la relation d’une personne à une autre. Agir à petite échelle, c’est déjà transformer le système, car chaque vie touchée a un impact » confie-t-elle.

Dotée d’une approche transculturelle, elle adapte sa pratique aux origines, croyances et parcours de chacun(e). Trilingue (français, espagnol, anglais), Bibiana s’est formée tout au long de sa carrière. « Quand on est psychologue, on doit faire ce travail permanent. C’est ce que j’adore dans ce métier : étudier, chercher… Je suis toujours curieuse de développer mes compétences. »

Depuis janvier, elle anime un groupe de parole pour les femmes victimes de violences. « Le collectif permet de sortir de l’isolement. Les femmes partagent, s’entraident. Il peut y avoir certains déclics » se réjouit-elle. Bibiana intervient aussi lors de sessions de sensibilisation auprès des gendarmes et de l’Éducation nationale, anime des ateliers bien-être et participe à des réunions de coordination avec les acteurs du territoire : hôpital, ASE, Croix-Rouge… Elle conjugue au quotidien consultations, travail d’équipe, accompagnement au tribunal et projets de prévention.

Dans quelques jours, Bibiana Clavel s’apprête à s’installer en métropole, près de Montpellier. En quittant Saint-Martin, elle dit au revoir un territoire qui l’a vue s’épanouir : « Grâce à la Maison des Femmes, j’ai évolué en tant que professionnelle, j’ai pris confiance en moi. Je suis reconnaissante. Ce projet m’a appris qu’il fallait croire en ses rêves et ne jamais lâcher ». Si c’est un au revoir, ce n’est certainement pas un adieu puisque Bibiana le promet : « Saint-Martin reste chez moi, je reviendrais, c’est sûr ».

Cyrile POCREAU