20.06.2019

Chambre à l'étage : une mesure qui laisse perplexe

La décision des services de l’Etat d’imposer une chambre à l’étage du moins au dessus de la cote de référence, soit la hauteur de l’eau relevée après Irma, laisse perplexe. «Et quand le toit s’envole ?... On dort à la belle étoile ?... Et aux personnes âgées, on va leur offrir un ascenseur», peut-on lire pêle-mêle sur les réseaux sociaux en réaction à l’annonce de la mesure. «C’est plus dangereux d’inonder une chambre qu’une cuisine pleine d’électroménager ?», s’interroge une habitante. En termes financiers non mais en termes de protection de la population, oui. Et c’est dans cet esprit que les services de la direction de l’environnement (Deal) ont réfléchi.

«Réduire la vulnérabilité» de la maison en «déplaçant les lieux de sommeil à l’étage» est une mesure prise pour protéger la population en cas de submersion marine. Le but étant que les habitants ne soient pas pris au piège durant leur sommeil comme ce fut le cas lors de la tempête Xynthia en métropole en 2010 qui avait fait 47 morts dont 29 dans la commune de La Faute-sur-Mer. Mais est-on dans le même cas de figure ? Les lieux de sommeil surélevés permettraient-ils de sauver des vies ? Pour rappel, Irma a causé la mort de 11 personnes dont une emportée par la mer dans son habitation, selon les autorités.

Aux Antilles, il est relativement rare que la population dorme durant le passage d’un cyclone. Qu'il s'agisse de nouveaux arrivants anxieux et inquiets de vivre pour la première fois un tel événement, ou de résidents habitués qui restent debout pour suivre l’évolution du phénomène, contrôler la résistance des protections installées ou colmater les infiltrations, celles-ci n’étant pas rares. Et c’est sans compter le bruit souvent assourdissant du vent lorsqu’il souffle très fort.

Durant Irma, les gens exposés à la submersion sont montés d’eux-mêmes dans les étages, qu’ils abritent des chambres à coucher ou non. En sachant qu’ils ont surtout cherché à se réfugier dans l’endroit le plus sûr de la maison. En l’occurrence, pour bien des cas, dans leur salle de bain, voire dans la douche. 

C’est d’ailleurs suite à ces retours d’expérience que la Collectivité a décidé d’imposer une pièce sécurisée. Le 1er mars 2018, le conseil territorial a rendu obligatoire «la création d’au moins une pièce sécurisée par logement ou groupe de logements afin de mettre les habitants en sécurité en cas de catastrophes naturelles». Cette mesure est inscrite dans le code de l’urbanisme ; son non respect a déjà entraîné deux refus de permis de construire. Quatre demandes de construction de «safe room» ont été accordées et quatre autres refusées car le POS n’était pas respecté ou car l’architecte était suspendu pour raison disciplinaire. Reste toutefois à voir si une safe room peut protéger de la submersion.

Si l’on considère uniquement le phénomène de submersion, la mesure de déplacement des lieux de sommeil paraît pertinente. Elle l’est d’autant plus en cas de tsunami survenant la nuit puisqu’aucun dispositif d’alerte n’est en place sur l’île. Durant la journée on peut supposer que la circulation des informations serait plus rapide pour permettre à un plus grand nombre de se protéger. Mais la mesure prise pour lutter contre une submersion générée par un cyclone, laisse davantage perplexe. Puisque, par définition, un cyclone est accompagné de vents, parfois violents, qui menacent logiquement plus les étages.

Si l’on comprend que l’Etat doit réviser le PPRN après Irma et essayer d’imposer de nouvelles mesures pour limiter sa responsabilité en cas d’autres cyclones, sa marge de manœuvre semble faible.

La mesure la plus efficace serait - comme la Semsamar ou les hôtels l’ont fait - de supprimer les logements ou chambres en rez-de-chaussée. Mais l’appliquer à l’ensemble de la population est irréalisable à Saint-Martin.

L’île présente une topographie particulière avec de nombreux mornes et montagnes. Il a donc été logique, il y a plusieurs décennies, de s’installer dans les parties les plus basses, soit celles situées près des littoraux. Déloger ces populations signifierait les déplacer sur les mornes. Ce qui augmenterait le risque de ruissellement (tel est déjà le cas à Quartier d’Orléans et à Concordia où la COM est obligée de construire des bassins de rétention) et les exposerait davantage aux risques sismiques. Car comme le rappelle l’Etat dans ses ouvrages sur la question, il n’est pas conseillé de construire en haut d’une colline.

Tous ces aléas témoignent de la singularité des territoires d'outre-mer, précisément des Antilles où les risques sont multiples et permanents. Ainsi il est difficile de chercher à dupliquer des mesures de métropole. Outre Atlantique, pour protéger les populations des inondations, on leur interdit de vivre dans les lits des rivières. Sauf à Paris où les berges de la Seine sont habitées depuis des siècles et où il est donc inconcevable de déloger les populations. Aux Antilles où le risque est permanent et où le foncier est rare, l’opération est délicate.

Elaborer ou réviser un PPRN en fonction d’un événement de référence, est une contre partie de la solidarité exercée via le Fonds Barnier, que l’Etat doit assumer. Il faut certes protéger la population mais aussi les biens. Et par conséquence limiter les indemnités à verser. C’est pourquoi l’Etat aujourd’hui n’a pas d’autre choix que de réviser le PPRN de Saint-Martin suite à Irma. Mais peut-on appliquer cette logique aux Antilles ?

Certes les métropolitains ont choisi de vivre sur ces territoires et ils doivent en assumer les conséquences en acceptant que leurs biens soient détruits ou de payer une prime d’assurance plus élevée que celle qu’ils paieraient dans un paisible village de l’Hexagone, mais qu’en est-il des Antillais ? Qui, eux, n’ont pas choisi de naître ici. Et qui ont accepté l'idée de devoir reconstruire leur bien après chaque cyclone

Estelle Gasnet
2 commentaires

Commentaires

qu'est ce que c'est que le dernier paragraphe, en métropole on ne choisit pas de naitre la bas pourtant on paye une assurance et on risque les inondations, les tempêtes, les incendies, les glissements de terrain, etc... déjà qu'ici beaucoup non pas d'assurance et se sont fait rembourser avec la solidarité... faudrait sortir un peu de son trou pour se rendre compte que les métros aussi reconstruisent leur bien après les cyclones , c'est un peu sectaire et débile comme raisonnement surtout pour un pseudo journaliste.. et puis des cyclones franchement y'en a pas tant que cela c'est presque aussi paisible qu'un village de l'hexagone qui se trouve près d'une rivière qui risque de déborder, d'une forêt qui risque de bruler, etc... chaque endroit à ses risques. Par contre y'a pas mal d'Antillais qui vivent à Paris...

En effet ce dernier paragraphe est d'une indigence intellectuelle stupéfiante !
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