22.02.2017

Élections COM 2017 : entretien avec Daniel Gibbs, leader de l'Union pour la Démocratie

Les élections territoriales pour désigner les 23 nouveaux membres du Conseil territorial de Saint-Martin auront lieu les dimanches 19 et 26 mars 2017. SoualigaPost a posé aux candidats douze questions identiques. Chaque jour, un entretien sera publié. Retrouvez aujourd’hui Daniel Gibbs, leader de l'Union pour la démocratie.

Comment se décide-t-on à se (re)présenter aux élections territoriales ?

Conduire une liste aux élections territoriales est une décision aussi grave que murement réfléchie. Plus que jamais, les électeurs ont besoin d’être réconciliés avec la chose politique : cette réconciliation passe nécessairement par toujours plus d’exemplarité, de responsabilité et d’implication. J’ai la chance d’être entouré de femmes et d’hommes honnêtes et compétents, animés des mêmes valeurs : ensemble, nous avons mis sur pied, mois après mois, un véritable projet de société au service de la population saint-martinoise. Aujourd’hui, nous sommes prêts à prendre les rênes de la Collectivité et déterminés à remettre Saint-Martin sur la voie du développement.

Aujourd’hui, on parle beaucoup d’identité saint-martinoise, le Saint-Martinois ayant en effet le sentiment de l’avoir perdue. En tant que Saint-Martinois(e), partagez-vous ce constat ? Pensez-vous avoir perdu votre identité ?

Une part de la population saint-martinoise s’est sentie dépossédée de son île dans les années qui ont suivi la défiscalisation, c’est indéniable. Ce sentiment génère chez certains Saint-Martinois une nostalgie pour le Saint-Martin d’antan, je veux bien l’entendre.

Personnellement, je n’ai aucun problème avec mon identité : j’ai une mère métropolitaine, un père saint-martinois, mon épouse est d’origine slave, mes enfants métisses... j’ai toujours vécu le métissage comme une chance, le multiculturalisme comme une force et non pas comme une menace. Les temps ont changé, la société change et je n’ai aucun mal à définir celui qui, selon moi, est Saint-Martinois : c’est celui qui a décidé de poser ses valises sur l’île, de s’y investir, d’y travailler, d’y élever ses enfants. Les « sachants » me contrediront peut être, cela reste néanmoins ma définition.

Depuis plusieurs mois, certaines pensées peuvent être très nationalistes. Alors qu’en métropole, on dénonce ce genre d’idées en y voyant un danger pour la société, ici on aurait tendance à les entretenir. Selon vous, est-ce moins dangereux localement ?

Vous posez un constat qui n’est absolument pas le mien, je ne crois pas que Saint-Martin soit tout à coup devenue un repaire de dangereux nationalistes. Je vis, je cultive, je pense Friendly Island. Si repli communautariste il y a, celui-ci est contextuel et trouve sa source, comme partout ailleurs dans le monde malheureusement, dans la crise socioéconomique que nous subissons depuis des années.

On entend toujours que le développement économique doit être une priorité parce qu’il va permettre de créer des emplois, de la richesse, etc. Bien que la fiscalité soit attractive, rare sont les investisseurs intéressés à venir à Saint-Martin. Au regard des chiffres du chômage, toutes les actions menées jusqu’à aujourd’hui ont été un échec. Si vous êtes élu en mars, quels dispositifs allez-vous mettre en place pour créer des emplois ? Avec quel objectif ?

Le développement économique est notre grande priorité : notre objectif est bien de créer un cercle vertueux, car créer de la richesse, c’est créer des emplois, c’est créer du progrès social.

Nos leviers sont pluriels : la fiscalité tout d’abord, parce que celle-ci est devenue aujourd’hui totalement illisible pour les investisseurs et perçue comme profondément injuste par une majorité de Saint-Martinois. Or, pour créer de la richesse, nous avons besoin d’investisseurs privés, que nous devons rassurer par une fiscalité à la fois juste, simple et transparente. Ce chantier de la réforme fiscale, nous le lancerons dès les premiers jours de notre mandat.

Nous devons aussi nous équiper d’outils performants et modernes pour être toujours plus innovants et compétitifs, c’est pour cela que nous mettrons sur pied une Agence de développement économique, composée d’élus et socio-professionnels, et qui sera notamment chargée de mettre en œuvre notre plan de développement économique…

Nos entreprises doivent être soutenues : c’est le sens par exemple de la mise en place d’un Small Business Act spécifique à Saint-Martin, qui leur garantira un cadre juridique pour faciliter leur participation aux marchés publics.

Parallèlement à la nécessaire diversification de notre économie, par le soutien aux filières traditionnelles que sont l’agriculture et la pêche, nous repenserons notre tourisme, premier secteur d’activité, et nous développerons des activités à haute valeur ajoutée, notamment dans le développement durable ou les nouvelles technologies…

Voilà quelques exemples de ce que nous impulserons une fois élus et qui sont autant de solutions pour endiguer le fléau du chômage à Saint-Martin…

En matière d’emploi plus précisément, nombreux sont ceux, dont vous, qui veulent donner la priorité aux Saint-Martinois. Ce qui peut sembler juste mais il faut être réaliste et admettre qu’il y a un manque de compétences localement, notamment pour les postes d’encadrement. Comment, selon vous, est-il possible d’y remédier ? Comment peut-on former les jeunes et moins jeunes (salariés durant leur carrière pour qu’ils puissent évoluer) sur le territoire ?

Le constat est douloureux : 80% de nos concitoyens sans emploi n’ont aucune qualification. Il faut donc nécessairement mettre sur pied une politique volontariste en matière de formation. Oui, nous manquons de structures dispensant des formations de qualité et cela peut décourager l’embauche locale. Mais les jeunes Saint-Martinois ont beaucoup d’atouts, qu’il faut savoir valoriser. C’est pour cela que nous souhaitons créer un pôle d’excellence en tourisme et interprétariat, au sein de notre futur organisme autonome de formation. C’est pour cette raison également, que nous travaillerons avec l’université des Antilles pour pouvoir offrir la chance, à nos jeunes qui n’ont pas la possibilité d’aller poursuivre des études supérieures hors du territoire, d’accéder au moins à un niveau licence à Saint-Martin.

La formation de nos jeunes passe aussi bien sûr par les filières professionnelles : il faut valoriser ces filières techniques, en réorientant l’apprentissage vers des secteurs créateurs d’emplois localement, je pense particulièrement aux métiers de la mer. Quant aux trop nombreux jeunes inscrits auprès de la mission locale ou, à ceux qui - quand ils ne « jobbent » pas - sont purement et simplement sans activité, je pense que nous devons pouvoir bénéficier d’une école de la 2ème chance et d’un RSMA à Saint-Martin, ces dispositifs ayant largement fait leurs preuves...

Les entreprises locales doivent aussi jouer le jeu : nous contraindrons celles répondant aux marchés publics à embaucher un certain pourcentage de ces jeunes en insertion. Mais il faut aussi encourager l’embauche locale : encore une fois, nous disposons du levier fiscal pour y parvenir. Nous pourrions par exemple créer un avantage fiscal pour les entreprises recrutant des jeunes saint-martinois.

Et oui bien entendu, il y a un vrai problème à Saint-Martin où nos concitoyens restent sous-représentés à des postes d’encadrement : il faut améliorer l’accès aux postes à responsabilité de la fonction publique territoriale aux Saint-Martinois et aux titulaires de la Collectivité d’ores et déjà en poste, par exemple, en finançant les formations dispensées dans le cadre des Classes préparatoires intégrées. Plus globalement, nous devons former une élite dans de nombreux domaines : la santé, l’enseignement, la fonction publique de catégorie A, de l’entreprise… La COM doit miser sur son avenir en jouant le jeu elle aussi, en facilitant la formation de ses meilleurs éléments.

En matière d’éducation, le constat dressé depuis plusieurs années est alarmant : le niveau est très bas. Pour plusieurs raisons : problème au niveau de la langue, manque d’implication des parents dans la scolarité de leurs enfants, etc. Selon vous, quel est le premier frein à la réussite de nos enfants ? Et comment peut-on le lever ?

Sans vouloir faire de sociologie de comptoir, il y a un manque cruel d’investissement de nombreux parents dans la scolarité - et plus globalement dans l’éducation - de leurs enfants, qui s’explique par de nombreux facteurs sociaux. Le niveau de nos élèves est certes bas à Saint-Martin mais je refuse d’y voir une fatalité. Notre multilinguisme apparaît  aujourd’hui comme un handicap majeur, ce qui est totalement ubuesque à l’heure de la mondialisation ! Nous ferons de ce « handicap » une véritable richesse quand nous disposerons d’outils et de structures mieux adaptés : la loi organique nous permet d’ores et déjà d’agir sur le bilinguisme dans les petites classes.

Pour faciliter l’apprentissage du français, il faudrait que dès la maternelle, l’écolier et son professeur des écoles puissent bénéficier de l’aide d’un « référent » en langue maternelle anglais saint-martinois qui pourrait être recruté dans un corps spécifique d’instituteurs, constitué par exemple de jeunes bacheliers de l’île. À partir du collège, il faut à mon sens une véritable généralisation des classes euro-caribéennes... Mais pour pouvoir agir sur les contenus pédagogiques, sur l’organisation de l’enseignement dans nos établissements scolaires, sur le recrutement des professeurs, nous devons pouvoir bénéficier localement d’un vice-rectorat à Saint-Martin : c’est un besoin prévu par le 74, dont bénéficient toutes les autres Collectivités d’outremer régies par ce statut, et sur lequel je ne transigerai pas.

Concernant l’aménagement de la baie de Marigot, le projet de la majorité actuelle semble ne pas avoir attiré de nombreux investisseurs. Certains en ont déjà tiré les leçons et veulent un projet à plus petite échelle. Quelle est votre position sur cet aménagement ?

L’aménagement d’infrastructures touristiques à Marigot est l’une de nos grandes priorités parce que l’on veut se donner les moyens de redéfinir et doper notre tourisme, premier secteur d’activités à Saint-Martin et remettre ainsi la partie française de l’île sur la voie du développement. C’est dans cet objectif que nous créerons « Le Grand Marigot » qui s’étendra de Morne Valois à Bellevue en passant par Galisbay. Notre démarche ambitieuse mais nécessaire prévoit la rénovation de la Marina Port la Royale, le développement de la capacité d’accueil de la Marina Fort-Louis, la réalisation d’un quai de croisière et d’un terminal d’accueil, la création de chantiers navals à Galisbay, l’implantation d’hôtels et de logements en centre-ville ou encore la création d’un centre d’affaires à Morne Valois. L’aménagement de la Baie de Marigot est crucial pour notre économie, c’est un facteur clé pour notre développement.

♦ En matière fiscale, il est difficile pour la Collectivité de recouvrer l’ensemble des impôts. Il est aussi difficile pour les contribuables de s’acquitter de l’impôt et autres taxes alors que durant des années, ils ne le faisaient pas. Les impayés ont rapporté plus de 20 millions d’euros l’an passé à la COM. Comment selon vous le système peut-il être plus performant ? Doit-on supprimer des taxes ? Baisser le taux de certaines pour inciter la population à les payer ?

La fiscalité, c’est le nerf de la guerre : il nous faut des recettes pour faire fonctionner pleinement la Collectivité et réaliser les nécessaires investissements qui nous remettront sur la voie du développement économique et donc, encore une fois, du progrès social. Nous ne voulons pas d’une économie sous perfusion, totalement dépendante des fonds Etat/Europe et pompée par le fonctionnement.

La fiscalité est devenue totalement contre-productive : notre code général des impôts fait la taille d’un annuaire téléphonique, elle rebute les investisseurs, nourrit chez les entrepreneurs et les particuliers un sentiment d’injustice fiscale totalement justifié. Il faut inverser la donne : après quelques mois d’audit et de concertation, nous mettrons sur pied une réforme totale de notre fiscalité, pour les entreprises et pour les particuliers, pour que celle-ci soit à la fois plus simple, plus juste et plus transparente.

Sans préjuger des résultats de cette réforme, nous sommes néanmoins convaincus aujourd’hui qu’il faut un impôt simplifié, qui récompense le travail par la suppression de l’impôt sur la rémunération par exemple, ou qui favorise la transmission et la conservation du patrimoine saint-martinois en étendant les dispositifs d’exonération des droits de succession… La fiscalité se devra d’être plus juste également, par l’élargissement de l’assiette fiscale, parce qu’il est inacceptable que des entreprises ou des particuliers puissent encore échapper à l’impôt. Il est insupportable de faire porter aux plus fragiles les manquements de mauvais contribuables et c’est pour cette raison que nous supprimerons le droit de 100 euros pour la délivrance de l’avis de non-imposition… Enfin, la fiscalité doit être plus transparente : un impôt compris est un impôt qui rentre dans les caisses de la Collectivité. On parle d’argent public : le contribuable doit comprendre l’utilisation de l’impôt à Saint-Martin.

♦ Depuis plusieurs années, l’écologie et d’une manière plus large l’environnement, prend une place de plus en plus importante dans le débat politique national et international. Il y a eu les Grenelles de l’Environnement, puis récemment les Cop 21 et 22. Ici, à Saint-Martin, c’est un sujet absent des débats. Ne pensez-vous pas pourtant que l’environnement devrait être le dénominateur commun à toutes les actions réfléchies et proposées ?

Saint-Martin a sans nul doute beaucoup de retard sur ces sujets et longtemps, nos responsables ont opposé développement économique et défense et préservation de l’environnement. Les deux vont pourtant de pair, ne serait-ce que parce que l’équation est simple : nous vivons du tourisme, si nos plages sont polluées, notre cadre de vie repoussant, nos visiteurs se choisiront des contrées plus écoresponsables.

Plusieurs actions peuvent être mises en place pour faire entrer Saint-Martin dans un cercle écologique plus vertueux. Je pense à l’incitation des promoteurs à construire des bâtiments durables et exemplaires par exemple; je pense aussi à un schéma de déplacement moins gourmand en CO2 ou à l’étude de sites propices aux énergies propres… Non seulement ces questions sont cruciales, mais elles participent du développement économique de Saint-Martin, car l’environnement est très clairement une filière d’avenir pour la création d’emplois localement.

Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut un grand nettoyage de l’île. Ici, les ordures ménagères sont ramassées tous les jours, ce qui n’est pas le cas ailleurs, même en outre-mer, dans un territoire aussi petit. Que doit-on mettre en place pour que l’île soit plus propre ?

Actions, pédagogie, répression ! Nous avons certes un ramassage d’ordures quotidien, mais nous avons aussi des concitoyens peu scrupuleux, qui sortent leurs poubelles à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit alors même qu’un arrêté existe, ou qui laissent pourrir des carcasses de voitures au fond de leurs jardins. Tout cela donne une impression de laisser-aller généralisé, inacceptable sur une île qui vit du tourisme. Une pollution visuelle qui n’est pas sans conséquences en termes sanitaire. Un grand nettoyage s’impose donc et dès les premières semaines de notre mandat, nous réunirons toutes les forces vives de l’île afin de mener une grande opération nettoyage dans tous les quartiers. Cette opération sera reconduite annuellement. Nous poursuivrons également la lutte engagée pour la récupération des épaves automobiles et nous comptons renforcer la pédagogie sur le tri sélectif, en mettant par exemple à la disposition des particuliers des bacs de tri domestiques…

Qui aimeriez-vous affronter au second tour le 26 mars ?

Je ne me suis pas posé la question. Les électeurs de Saint-Martin auront peut-être à choisir entre deux projets différents : la Team Gibbs 2017 est au travail pour porter et faire gagner son projet pour Saint-Martin.

Enfin, quelle question auriez-vous aimé que vous l’on pose ?

Il y a tant de thèmes que nous n’avons pas pu aborder aujourd’hui ! Je pense à l’urbanisme par exemple, ou à la question complexe et sensible du foncier et particulièrement des 50 pas géométriques. La prise en charge de nos aînés, la question de la valorisation de la culture et du patrimoine saint-martinois, celles des transports, de la santé ou de la sécurité… sont autant de thèmes qui figurent au cœur de notre programme.

Entretien à télécharger

Estelle Gasnet
2 commentaires

Commentaires

Je souhaiterais un chiffrage de vos projets..

il a déjà été aux commandes!! est sous sa responsabilité que le code fiscal a été écrit donc sa responsabilité a été engagé .On voit qu il a bien appris sa leçon de cours politique a l assemblée .jamais responsable!!!