01.01.2016

Frais de déménagement : un prof muté obtient gain de cause

Un professeur avait saisi la justice car l'Education nationale lui refusait le remboursement du trajet Guadeloupe/Saint-Martin dans le cadre d'une mutation.

L'affaire apparaît cocasse, mais pourtant bien significative. Un professeur alors en poste à Mayotte est muté à Saint-Martin à la rentrée 2011-2012. Sans aucune difficulté, il vient donc s'installer à Saint-Martin. Comme tout fonctionnaire d'Etat, il a droit au remboursement des frais engagés pour le voyage et le déménagement. Ce qu'il n'obtient qu'en partie.

En effet, il n'est indemnisé que des frais occasionnés entre Mayotte et la Guadeloupe (continentale), le billet entre Pointe-à-Pitre et Grand Case ne lui est pas remboursé. Le recteur de Guadeloupe le lui refuse. Débute alors le litige entre ce professeur et l'Education nationale, un litige qui reflète particulièrement bien la non prise en considération de Saint-Martin par le système français.

Pour informations, les fonctionnaires sont remboursés des frais de déménagement selon un tarif défini par un arrêté ministériel. Le calcul des indemnités prend notamment en compte les distances, dites «orthodromiques», entre l'ancienne et la nouvelle résidence. Or Saint-Martin ne figure pas dans la liste de ces destinations. Ce qui peut être trompeur pour des fonctionnaires ne connaissant pas la géographie de l'académie et surtout cette subtilité. Par ignorance ou négligence, ce professeur mentionne donc Mayotte qu'il quitte et le nom de l'académie où il est muté, la Guadeloupe, mais sans préciser Saint-Martin. C'est pourquoi le recteur ne lui a pas remboursé le trajet Guadeloupe/Saint-Martin.

Voyant que ce dernier n'avait pas l'intention de revenir sur sa décision, le professeur saisit alors le tribunal administratif qui lui donne un première fois raison en mars 2013. Mais le ministère de l'Education tente un pourvoi auprès du secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat en vue d'annuler la décision du tribunal administratif au motif que celui-ci a fait référence au mauvais arrêté ministériel pour annuler la décision du recteur (lire par ailleurs). Il y a quelques jours, deux ans et demi plus tard, le Conseil d'Etat vient d'une part d'annuler l'article du jugement du TA contesté, et d'autre part la décision du recteur par laquelle celui-ci avait rejeté la demande de remboursement du trajet entre les deux îles.

 

  • La subtilité législative non vue par le tribunal administratif

En France existent deux décrets fixant les conditions et les modalités de remboursement des fonctionnaires dans le cadre d'une mutation : celui du 12 avril 1989 pour les déplacements «à l'intérieur des DOM, entre la métropole et ces départements et pour se rendre d'un DOM à un autre», et celui 22 septembre 1998 pour «les déplacements à l'intérieur d'un territoire d'outre-mer (TOM), entre la métropole et un TOM, entre deux TOM et entre un TOM et un DOM, la collectivité territoriale de Mayotte ou celle de Saint-Pierre-et-Miquelon » les TOM étant la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Saint-Martin étant devenue une COM en 2007, on aurait pu penser qu'elle soit concernée par le second arrêté (celui de 1998) puisqu'il mentionne les collectivités territoriales. Ce que le tribunal administratif a fait. Et bien, non ! «La COM de Saint-Martin doit être regardée comme figurant au nombre des collectivités visées par le décret du 12 avril 1989», précise le Conseil d'Etat. Et de souligner : «le tribunal administratif a commis une erreur de droit en faisant application, pour prononcer l'annulation de la décision de refus attaquée, des dispositions du décret du 22 septembre 1998». Il avait une chance sur deux de se tromper.

Estelle Gasnet