28.10.2016

Affaire Bianca : le bon diagnostic a été posé 6,5 ans après sa mort

Un rebondissement s’est produit lors du procès des deux médecins accusés par négligence d’avoir causé la mort de la petite Bianca en 2010. Le pédiatre a montré, malgré lui, que le bon diagnostic aurait pu être posé à temps et permettre à Bianca d'être opérée.

L’enquête qui a été menée, a montré que le pédiatre, le docteur FC, qui suivait Bianca, ainsi que le chirurgien PL, qui l’a observée, ont fait preuve , entre autres, de négligence à son égard et ont ainsi entraîné sa mort le lundi 1er mars 2010. Ils sont ainsi poursuivis pour homicide involontaire. Ils ont comparu jeudi 27 octobre devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin.
De l’instruction qui a duré cinq ans et des trois expertises médicales qui ont été ordonnées, il en résulte un point majeur : Bianca aurait dû être transférée en Guadeloupe pour y être opérée dès le dimanche matin. Or, l’évacuation sanitaire (Evasan) n’a été décidée que dans la nuit de dimanche à lundi, lorsque Bianca était en état de choc à 3 heures. Elle est décédée quelques heures plus tard, au petit matin le lundi.
LES FAITS DU VENDREDI ET DU SAMEDI
Bianca est emmenée à l’hôpital dans la soirée du vendredi 26 février 2010 par son grand-père car elle souffre de maux de ventre et vomit. Le médecin urgentiste décide de la garder la nuit en vue d’examens le lendemain. Le samedi matin, elle est prise en charge par le pédiatre, FC. Une première radio est réalisée en milieu de journée. Quatre potentiels diagnostics sont posés, dont une occlusion sur bribe.
Le pédiatre est en parallèle informé par la famille que Bianca a été opérée deux mois plus tôt en Guadeloupe. Le pédiatre contacte alors le chirurgien qui a pratiqué une péritonite. Sans voir la radio et sur la base du rapport du pédiatre, le chirurgien de Guadeloupe met en garde contre des risques d’une occlusion sur bride et conseille de solliciter l’avis d’un chirurgien viscéraliste.
Ce que fait le pédiatre en appelant le docteur PL. Celui-ci n’observe pas non plus la radio et se fie au rapport de son collègue. «Je n’avais pas à remettre en cause son rapport», explique-t-il. Le chirurgien diagnostique une adéno-lymphite mésentrique, soit une inflammation des ganglions lymphatiques de l’abdomen qui ne nécessite pas une intervention chirurgicale.
Mais l’état de santé de Bianca va se dégrader. Elle vomit toujours verdâtre. Elle se déshydrate. Dans la soirée de vendredi, l’une des infirmières alerte le pédiatre afin de lui demander de poser une sonde gastrique. Le médecin va la prescrire oralement.
LES FAITS DU DIMANCHE
Dimanche matin, Bianca ne va toujours pas mieux. Son état s’empire. Elle vomit toujours. Son abdomen est gonflé. Le pédiatre demande au chirurgien de venir observer la fillette. Ce dernier maintient son diagnostic mais précise qu’il souhaite une seconde radio. À la barre, il explique en effet qu’une radio de l’abdomen ne vaut que si elle comparée.
Et effectivement, à la lecture de cette seconde radio, le docteur PL constate la nécessité d’une opération. Donc d’une évacuation sanitaire en Guadeloupe car les moyens sont insuffisants à Saint-Martin pour la pratiquer. Seulement, ce diagnostic est posé six ans et demi plus tard. Soit le jour même du procès, le 27 octobre 2016. Stupeur à l’audience.
LA SECONDE RADIO
Les magistrats aiment à dire que, souvent, lors des audiences, les explications des uns et des autres permettent de révéler des éléments cruciaux pour dénouer les affaires. Dans celle de Bianca, certainement ne s’attendaient-ils pas à autant.
Jusqu’au procès, il apparaît anormal que la seconde radio n’ait pas été interprétée plus tôt le dimanche. Une évacuation vers la Guadeloupe était possible et chacun savait qu’elle ne pouvait se faire après le coucher du soleil.
Il est donc reproché au pédiatre de ne pas avoir sollicité cette radio dans la matinée pour anticiper une éventuelle Evasan. Ce qu’il va chercher à nier à la barre. Son avocate va brandir un cliché de cette seconde radio daté du dimanche 10h50 ; un cliché que son client a retrouvé la veille du procès alors qu’il consultait de nouveau le dossier médical de Bianca. Et en voulant se discréditer, il va s’inculper lui-même.
Ce cliché qui n’avait jamais été fourni aux enquêteurs, qui apparaît pour la première fois ce 27 octobre, apporte la preuve que la seconde radio a bien été réalisée le dimanche matin et que si elle avait été interprétée comme elle aurait dû l’être ce même dimanche matin, une évacuation sanitaire aurait été ordonnée. Ce qui aurait pu sauver Bianca.
À l’audience, le vice-procureur, Yves Paillard, demande au chirurgien de lire le cliché. Puis au pédiatre. Si le premier diagnostique aisément l’opération, le second est plus embarrassé pour répondre qu’effectivement, la radio n’est pas bonne.

LA NON RÉACTION
À partir de ce moment, va déferler une vague de questions et de critiques à son égard. Pourquoi ne réagit-il pas en voyant la radio le dimanche ? Pourquoi y a-t-il deux copies du même examen ? Pourquoi le cliché de 10H50 ne figure-t-il pas dans le dossier ? Pourquoi ne sollicite-t-il pas le chirurgien ? Et sans compter toutes les autres fautes relevées par les experts (pose tardive de la sonde gastrique, réhydratation insuffisante par rapport aux pertes, etc.)
Le pédiatre tente de se défendre en expliquant qu’il devait assurer les visites dans les services de pédiatrie et de maternité. Qu’il ne parvenait pas à joindre le chirurgien qui aurait réceptionné Bianca en Guadeloupe pour l’opérer…
Son avocate martèle qu’il n’avait pas la compétence pour lire la radio et décider d’une opération. «Mon client n’est pas chirurgien», répète-t-elle. Elle met en valeur «un problème d’organisation du service de pédiatrie au sein du centre hospitalier de Saint-Martin».
«C’est émotionnellement assez dur. Ce n’est pas normal qu’elle soit décédée… Mais ce n’est pas normal de dire que mon client soit responsable de sa mort», veut-elle faire admettre. «C’est l’évolution naturelle de l'état de l’enfant…», conçoit-elle en cherchant à montrer qu’aucun geste direct n’a provoqué la mort de Bianca. «Rien ne prouve que l’opération aurait réussi», poursuit-elle en demandant la relaxe de son client.
Une peine de dix-huit mois de prison avec sursis a été requise par le parquet à son encontre.
À l’égard du chirurgien, le vice-procureur a requis six mois de prison avec sursis car il est apparu moins impliqué dans l’affaire. Il est lui reproché d’avoir fait le mauvais diagnostic en auscultant Bianca le dimanche matin mais il se défend en disant qu’il n’avait pas vu la seconde radio et qu’il ne suivait pas la fillette. Il est intervenu en tant que consultant.

Estelle Gasnet
1 commentaire

Commentaires

une péritonite est un diagnostic et non une intervention chirurgicale ...
l absence d interprétation des radios par un radiologue a l hôpital est éventuellement a souligner ...
les évacuations sanitaires ont toujours été possibles 24h/24 sauf circonstances exceptionnelles ...