25.11.2022

Accident mortel à Bellevue : cinq ans de prison dont trois assortis du sursis, requis contre le motard

Un choc violent entre une moto et un scooter. Un décès sur le coup. Ce dramatique accident sur la route de Bellevue qui avait soulevé une grande vague d’émotion fin mai, a été examiné jeudi par le tribunal de proximité de Saint-Martin. Le motard, un homme de 37 ans, était le prévenu, il était poursuivi pour homicide involontaire avec deux circonstances aggravantes.

Dans la nuit du 22 au 23 mai dernier, la victime âgée d’une trentaine d’années, SL, est avec son compagnon. Ils sont partis faire un footing de nuit. Il est 00h05 quand SL sur son scooter, un 50 cm3, est sur le point de partir du parking de la pépinière de Bellevue. Son compagnon doit la suivre en voiture.

SL ne s’engage pas tout de suite sur la route nationale, elle laisse passer une voiture qui roulait en direction de la partie hollandaise. Puis son compagnon la « voit s’engager sur la route». «Elle me fait signe et je la vois traverser la chaussée pour se rendre sur sa voie. J’ai entendu le bruit d'un moteur et j'ai vu un faisceau lumineux. Je n'ai pas vu l'impact car un arbre se trouvait dans mon champ de vision», a déclaré son compagnon.

Monsieur R. est l’automobiliste que SL a laissé passer. Il est également témoin de l’accident. Il a confirmé avoir aperçu le scooter s’engager derrière lui puis il a ensuite entendu une «grosse explosion, des débris sont arrivés sur sa voiture, des flammes et le scooter qui s’est envolé pour atterrir plus loin». «Je me suis mis au milieu de la chaussée pour bloquer la circulation et j’ai couru vers les blessés. En premier lieu sur la femme, puis un homme est arrivé sur elle, j’ai compris qu’il la connaissait alors je me suis dirigé plus loin vers l’autre blessé», a-t-il expliqué.

Les secours sont appelés et malgré les massages prodigués, la victime décède sur place. Elle souffrait de multiples fractures et d’une hémorragie au niveau du crâne. Selon les témoins de l’accident, la victime portait un casque, les phares de son véhicule fonctionnaient et elle se trouvait dans sa voie au moment de l’impact. Des analyses ont été réalisées pour déterminer le taux d’alcool dans le sang, les résultats ont été négatifs. En revanche des substances dérivées du cannabis ont été détectées.

En ce qui concerne le motard, il a été emmené au centre hospitalier Louis-Constant Fleming, où il a été placé dans l’unité de soins intensifs. Il a admis avoir consommé de l'alcool avant de prendre la route. Les prélèvements ont révélé 1,72g/l de sang, soit plus de trois fois le taux légal.

Le soir de l’accident, le prévenu quittait la partie française pour rentrer à son domicile en partie hollandaise. «Je ne me souviens de rien», dit-il au tribunal. Le sol ne portait aucune trace de freinage, il dira ne pas avoir freiné. «Jai juste senti limpact », confie-t-il. «Je n'ai pas vu le scooter ni de lumière et je ne pense pas qu’elle mait vu », conçoit-il.

A contrario, il n’a pas admis un excès de vitesse et a déclaré : « je roulais normalement ». Les témoins sur place indiquent pourtant une vitesse estimée entre 150 et 170 km. Mais, aucune expertise n’a pu le prouver car la moto a disparu du lieu de l’accident. «Elle m’a été volée», affirme-t-il à la barre en ayant aucune autre explication. Il avouera toutefois pendant l’audience que son engin n’était pas assuré.

L’impact de l’accident a été si violent, que le scooter a été coupé en deux, écrasé. Cela indique, notamment, que l’impact a eu lieu à l’arrière, sur la voie de la victime décédée. Selon les éléments dont dispose le tribunal, le scooter était en bon état et la route était éclairée au moment de l’accident.

«C’est avec une très vive émotion que j’interviens aujourd’hui. Le décès de SL a créé une vive émotion à Saint-Martin, elle avait 37 ans et était mère d’une petite fille », a déclaré l’avocat de la partie civile. Un décès occasionné par la « dangerosité du comportement des gros cylindres sur les routes de Saint-Martin. Ces motos sont criminelles et deviennent des armes ». Un accident inévitable pour la victime sur son scooter de 50 cm3.

«Ne pensiez-vous pas que, parce que vous étiez très alcoolisé et, avec une vitesse très importante, vous n’avez pas vu la victime ? », a demandé l’avocate de la partie civile au prévenu. «Non», a-t-il rétorqué.

La mère de la victime s'est exprimée à la barre avec une vive émotion. Elle souhaite que le motard «reconnaisse par respect pour ma fille sa vitesse qui était vraiment excessive ». Et d’ajouter : «j’ai vu dans quel état le corps de ma fille».

«J’ai rarement été confronté à une situation avec des circonstances aussi tragiques. Bien entendu que la défense s'incline devant la douleur de la partie civile. L’alcoolémie de mon client n’est pas contestée ici mais aucun élément n’a prouvé la vitesse excessive de celui-ci», a déclaré l’un des avocats de la défense. Il a rappelé également la consommation de stupéfiants de la victime. Il ajoute que son client souffre aujourd’hui de ce décès «avec humilité et respect». «Il devra vivre avec cela». La défense a plaidé pour une justice qui fait preuve d’équilibre et de sagacité dans cette lourde affaire.

Le prévenu a déclaré au tribunal « être désolé qu’il y ait eu ce décès, je sais que c’est dur pour la famille de perdre quelqu’un. J’ai été victime aussi de l’accident, j’y pense tous les jours. C’était un accident.»

«Une affaire dramatique, une douleur immense pour la famille de SL. Il n’y a pas de fatalité dans ce drame car il y a la consommation de l’alcool et la vitesse excessive avec lesquels intentionnellement le prévenu prend la route ce soir là», a convenu le procureur lors de son réquisitoire. «Une vitesse excessive qui était motivée uniquement pour le plaisir de la vitesse», a-t-il poursuivi. Il a également rappelé que SP a échappé à la détention provisoire car il était hospitalisé mais cela est requis dans un cas comme celui-ci.

Le représentant du ministère public a demandé au tribunal d’entrer en voie de condamnation et a requis une peine de cinq ans d’emprisonnement dont trois ans assortis du sursis, la révocation du permis de conduire et une interdiction de conduire un véhicule pendant deux ans. Le tribunal rendra son délibéré le 15 décembre.

Siya TOURE