17.05.2022

Comment la justice restaurative peut apaiser les victimes et auteurs d’un crime

Dans le cadre de la journée nationale d’accès au droit mardi prochain, le professeur émérite de criminologie et président fondateur de l’institut français pour la justice restaurative (IFJR), Robert Cairo sera à Saint-Martin pour présenter les mesures de justice restaurative. Ces mesures non obligatoires, permettent aux auteurs et victimes d’un crime d’échanger sur ledit crime et ainsi de tenter de se reconstruire. Comment ces pratiques sont-elles nées ? En quoi peuvent-elles être efficaces ? Entretien avec Robert Cario.

Vous êtes l’un des pionniers de la justice restaurative en France. Comment ce pan de la justice est-il né ?

L’enjeu de la justice restaurative est d’offrir aux personnes concernées par un crime, qu’elles soient auteures ou victimes, un espace, un temps pour échanger sans jugement sur les conséquences et, surtout, sur les répercussions qu’a eues ce crime sur leur vie sans refaire ou anticiper le procès pénal bien sûr.

Cette idée de dialogue n’est pas nouvelle : depuis les peuples premiers d’Amérique du Nord, d’Afrique ou d’Océanie, toutes les communautés humaines ont connu des telles modalités de régulation des conflits. Y compris en France, avant que l’Etat ne s’arroge le monopole de la justice.

Au milieu du siècle dernier, des chercheurs et praticiens, démunis face aux alarmants taux de récidive et, surtout, face à l’insatisfaction très prononcée des justiciables, ont redécouvert ces pratiques basées sur le dialogue entre les protagonistes, leurs proches.

En France, la première expérimentation a eu lieu en 2010 à Poissy.  La loi Taubira du 15 août 2014 a prévu la généralisation du recours à la justice restaurative dans toute procédure pénale, à tous les stades de celle-ci. Mais ces ateliers restauratifs se sont surtout développés à la suite de la mise en place d’une formation spécifique des animateurs en 2016, dans le cadre d’une convention tripartite entre l’Institut français pour la justice restaurative (IFJR), l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) et la Fédération France-victimes.

En quoi consiste précisément la justice restaurative ?

Il s’agit de permettre d’identifier et d’exprimer les souffrances subies pendant un crime, de favoriser la compréhension mutuelle de ce qui s’est passé et de rechercher ensemble des solutions disponibles pour remédier à ces souffrances.

Lors de ces échanges, les personnes peuvent ainsi aller plus loin dans l’expression de leurs émotions qu’elles ne l’ont fait, ou ne le feront, dans le cadre de la procédure pénale classique. Le plus souvent, leurs questions convergent autour du « pourquoi moi ? », « pourquoi toi ? ».  Mais aussi du «comment» reconquérir l’estime de soi après tout cela ? C’est en ce sens qu’on peut affirmer que, contrairement à la justice pénale qui elle s’attache légitimement aux faits passés pour sanctionner au mieux, la justice restaurative s’intéresse d’abord à l’avenir des personnes impliquées.

Ces mesures de justice restaurative ne relèvent toutefois pas d’un acte de procédure et ne sont donc pas ordonnées par un juge. En revanche, l’autorité judiciaire doit informer toutes les parties impliquées dans un procès pénal de leur possibilité de recourir à ces mesures et ce à tous les stades de la procédure. C’est un droit. 

Pourquoi croyez-vous en la justice restaurative ?

Car on observe en général chez les participants un mieux-être à l’issue du processus. Ils vont mieux parce qu’on leur offre les moyens de leur empowerment, c’est à dire de se prendre en charge après les avoir préparés à toutes les éventualités de l’échange en face à face. En toute liberté, la seule limite étant le respect de l’autre et de sa parole.

Dans le cadre de faits graves, quand l’action publique ne peut pas, ou ne peut plus, apporter de réponse suite à un classement sans suite, un non-lieu, en cas de prescription, les cercles restauratifs extra-judiciaires restent la seule réponse possible. Ils peuvent occuper une place importante en termes de reconnaissance des personnes, quand la justice est «impuisssante».

Mais pour que la justice restaurative fonctionne, il faut que toutes les parties soient d’accord de participer aux rencontres et reconnaissent – même partiellement – les faits. Faute de quoi, rien ne pourra être mis en place, même si la victime le réclame.

Robert Cario animera une conférence mardi 24 mai de 8h30 à 9h30 dans le cadre de la journée nationale d’accès au droit qui aura lieu à la CCISM à Saint-Martin.

Estelle Gasnet