18.01.2022

Le parquet requiert la relaxe à l’encontre de V. Damaseau et aussi de D. Gibbs sur une partie des faits reprochés

Après trois demi journées d’instruction, l’audience s’est poursuivie mardi après-midi avec les réquisitions du procureur de la République, Xavier Sicot. Il est venu spécialement de Basse Terre pour le procès. Toutefois il n’est pas le magistrat du parquet qui avait reçu en 2019 les signalements de la préfète et la dénonciation anonyme, qui avaient déclenché la saisie de la section de recherche de Saint-Martin pour mener les enquêtes sur les faits de délit de favoritisme que la préfète soupçonnait à l’égard de Daniel Gibbs, Valérie Damaseau et Annick Petrus.

Xavier Sicot a précisé qu’il n’a pas vécu le passage de l’ouragan Irma et qu’il n’est ainsi pas en mesure d’apprécier «le contexte particulier» de l’époque, néanmoins il a confié s’être fait une idée de la complexité de la situation en discutant avec plusieurs personnes.

Ces éléments rappelés, le procureur estime avoir «l’avantage d’avoir un regard neuf» sur le dossier qu’il a récupéré de son prédécesseur. «Je vais vous dire ce que je pense de ce dossier… Peut-être que les poursuites méritaient d’être menées différemment», a-t-il annoncé au tribunal en préambule de ses réquisitions. Avant de rappeler à certains de faire preuve de «vigilance» en parlant et de ne pas accuser les élus «d’être tous des pourris à mettre dans le même sac». Le ton était donné.

Le procureur est ensuite revenu sur chacune des affaires. Globalement, il a reconnu le caractère d’urgence qui a motivé les élus à prendre certaines décisions, précisément celles de sélectionner un expert d’assuré quelques jours après Irma pour aider la collectivité à obtenir le maximum de l’indemnité d’assurance, de vouloir rénover la maison d’une personne centenaire dont la maison avait été détruite par l’ouragan, de vouloir poursuivre la solidarité nationale en rénovant 400 toitures de particuliers.

Il a ainsi sollicité la relaxe à l’encontre Daniel Gibbs dans trois dossiers et à l’encontre de Valérie Damaseau dans un dossier.

En revanche, il admet la culpabilité du président de la COM dans un autre dossier, celui où le président a validé des protocoles transactionnels pour régulariser des contrats passés avec trois entreprises locales de manière irrégulière dans une période sans lien avec l’urgence post Irma. Il a alors demandé la reconnaissance de culpabilité mais une dispense de peine.

«Pourquoi ces dossiers arrivent-ils devant la justice ? », s’est interrogé le représentant du ministère public. S’il considère d’un point de vue juridique que le président de la COM est fautif car il a signé les documents et que, de par son expérience politique, il est censé un minimum connaître les règles de marchés publics et de la commande, le procureur soulève cependant «l’injustice à ne stigmatiser que Daniel Gibbs » d’avoir eu recours à des entreprises pour des prestations de services notamment, sans passer par des marchés publics comme cela aurait dû se faire.

Ce dossier dit des fournisseurs a mis en lumière que les pratiques reprochées à Daniel Gibbs étaient en vigueur depuis plusieurs années et que les entreprises avaient été sélectionnées par l’ancienne mandature. «Monsieur Gibbs pouvait-il changer la donne à son arrivée au pouvoir en avril 2007 ? Doit-il payer pour tout le monde ? », a également demandé le procureur. Il n’en est pas sûr. Et de faire remarquer que jamais avant les signalements de l’ancienne préfète, la préfecture et son contrôle de légalité n’avaient dénoncé des délibérations de la COM. «L’Etat est aussi fautif sur certaines choses », admet Xavier Sicot.

Il a ajouté que selon lui, l’Etat qui avait voulu remettre de l’ordre après Irma, n’avait pas correctement accompagné la Collectivité, «qu’il n’avait pas eu de véritables propositions ». Et que son nouveau représentant aujourd’hui, pour en avoir discuté avec lui, adopterait d’autres méthodes pour agir en urgence si un nouveau cyclone survenait.

Enfin Xavier Sicot a dénoncé les personnes qui ont voulu «instrumentaliser la justice» en faisant des dénonciations anonymes ou en «montrant des dossiers tout en précisant que le parquet ne pouvait pas s’en servir».

Le tribunal a mis en délibéré sa décision au 24 février.

Estelle Gasnet