10.08.2021

Escroquerie : "il a réussi un cambriolage sans arme"

Deux affaires en une. Deux affaires compliquées en raison des liens qui ont existé entre les prévenus et qu’ils contestent mutuellement. Fin juin, le tribunal de proximité de Saint-Martin examinait une double affaire d’escroquerie et d’abus de confiance sur fond de faux et usages de faux. Les faits ont débuté à la fin des années 2000.

En résumé, AC et son époux HP (décédé depuis) s’associent à PM. Des sociétés sont créées et PM et HP alternent la gérance de certaines.

Tout se passe bien jusqu’à ce que le couple reproche dans un premier temps à PM de détourner à son profit les loyers de neuf des dix appartements situés dans une même résidence. Selon le couple, PM est chargé de récupérer les loyers et de les verser à leur propriétaire, soit la SCI que détient le couple. Seulement, il ne le fait pas ; il les encaisse sur le compte d’une autre société dans laquelle il a des parts. A la barre du tribunal, les explications de PM sont peu claires, il répond mal aux questions du tribunal qui cherche à comprendre le lien entre PM et le couple et entre leurs sociétés. PM et son avocate affirment qu’il existait à cette époque un contrat de gestion (attestant que la société de PM était chargée de récupérer les loyers) mais personne ne peut le fournir aux magistrats.

Le couple reproche dans un second temps à PM d’avoir hypothéqué un bien – en l’occurrence un terrain situé en partie française – appartenant à l’une de ses sociétés, pour obtenir un prêt auprès d’une banque de la partie hollandaise.

PM a fourni à l’établissement financier un procès verbal d’assemblée générale autorisant l’hypothèque, signé par la gérante de la société, soit AC. Or celle-ci a toujours nié avoir tenu et assisté à cette AG et donc signé le document. Elle accuse PM d’avoir rédigé un faux PV d’AG et d’avoir imité sa signature. Durant l’enquête, un graphologue a été sollicité afin de voir si la signature était une imitation ou non. L’expert a confirmé qu’il s’agissait d’une imitation et que c’était bien PM qui en est l’auteur. «Il est très doué : il s’est fait remettre 1,275 million de dollars sur la base d’un faux document», commente l’avocat de la banque qui s’est constituée partie civile. «PM a réussi un cambriolage sans arme. C’est un vrai braquage.»

Interrogé sur l’usage de ce million de dollars par le tribunal, PM reste flou. Les parties civiles précisent que PM s’est fait construire une maison dans un quartier prisé de la partie hollandaise.

«On attend toujours des éclaircissements du prévenu qui conteste les faits», souligne le vice-procureur. Il reproche à PM de «répondre aux questions du tribunal en posant lui-même d’autres questions». Il requiert une peine d’un an de prison avec sursis, une amende de 100 000 euros et une interdiction d’exercer toute activité commerciale et de gestion.

Le tribunal a rendu son délibéré une semaine plus tard et a condamné PM à une peine d’un an de prison avec sursis, à une amende de 10 000 euros, à une interdiction d’exercer une activité commerciale pendant cinq ans. PM devra verser 10 000 euros au titre des dommages et intérêts et 5 000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale à la banque, et 5 000 euros de dommages et intérêt à la société détenu par AC pour les loyers non perçus.

A noter que PM n’a toujours pas à ce jour remboursé le prêt auprès de la banque ; ce volet de l’affaire fait l’objet d’une autre procédure devant le tribunal civil. Celui-ci attendait la décision du tribunal pénal pour continuer l’examen de l’affaire. Avec le délibéré, la banque est maintenant en mesure de demander le remboursement du prêt à PM. De même pour AC au sujet des loyers détournés.

Enfin, accusée de faux et usages de faux par PM, AC a été relaxée.

Estelle Gasnet