19.07.2021

Deux ans de prison pour avoir blessé un gendarme lors d’un run sauvage

Dont un an de prison accompagné d’un sursis probatoire pendant 18 mois.

Deux jeunes Saint-Martinois de 19 ans ont été présentés mercredi 7 juillet en comparution immédiate devant le tribunal de Saint-Martin et ont choisi d’être jugés le jour-même.

Le 7 février dernier, environ trente jeunes s’approprient les routes de Saint-Martin et démarrent un tour de l’île en chevauchant leurs deux-roues. Ils roulent pour la plupart sans permis, ni casque ni la moindre considération pour les autres usagers de la route. Il slaloment entre les voitures, montent sur les trottoirs, prennent des contre-sens, se cabrent sur leur roue arrière… Un comportement bien évidemment illégal, mais somme toute assez banal à Saint-Martin où le mot d’ordre de beaucoup de jeunes est Ride or die.

Ils passent devant un premier poste de contrôle des gendarmes à Grand Case, puis un deuxième à Friar’s Bay mais, peut-être à case de l’adrénaline, de l’effet de groupe ou tout simplement par insouciance, ils poursuivent leur course. Arrivés au rond-point de Bellevue qu’ils prennent à contre-sens, ils remarquent un troisième poste composé de quatre gendarmes à pied et freinent. Sur les ordres de l’adjudant-chef V.B qui ne veut risquer la vie de personne, les militaires restent sur le bord de la chaussée s’apprêtant à relever de quoi identifier les motards. Les jeunes se concertent puis décident de continuer quand même en direction de la partie hollandaise. Tout va très vite et une fois la meute passée, l’adjudant-chef qui se trouvait en face de ses hommes, de l’autre côté de la route, gît sur le bitume, inconscient.

"Je ne l'ai pas fait exprès"

« Les investigations ont été très compliquées » avance le procureur lors de l’audience au tribunal de Saint-Martin ce mercredi 7 juillet. C’est grâce à des témoignages anonymes que les prévenus ont finalement été identifiés. J.J-F, qui reconnaît sa participation au rallye, est poursuivi pour sa conduite dangereuse et sans permis, tandis que J.S-F est poursuivi pour les mêmes faits ainsi que pour avoir renversé le gendarme.

« Je l’ai vu au dernier moment et j’ai voulu l’éviter. Je l’ai touché avec mon guidon sans faire exprès mais pas suffisamment fort pour le faire tomber. Je conduisais un 125 et j’avais un passager, si j’avais fait tomber le gendarme nous aurions été déséquilibrés et nous serions tombés aussi » se défend-il avant de s’excuser. Même si au cours de l’enquête son passager a dit avoir vu tomber le gendarme. Son avocate explique que ce n’est pas la première fois qu’elle défend ses intérêts. Il y a quelques années il avait reçu un coup de machette dans le bras alors qu’il tentait d’interrompre une bagarre entre jeunes devant un établissement scolaire. Un acte de bravoure qui lui avait valu un handicap à vie et l’arrêt de ses études de restauration. Son casier judiciaire est vierge. « C’est surtout un jeune qui a besoin d’aide » souligne-t-elle.

Une carrière "anéantie"

« V.B a sans doute été percuté par d’autres mais c’est la première moto qui l’a mis à terre » rétorque le parquet avant d’insister sur la gravité des conséquences pour la victime qui a subi, entre autres, un traumatisme crânien « extrêmement grave », a dû être évacuée sanitairement vers la Guadeloupe puis soignée à l’hôpital des armées en métropole.

V.B suit l’audience en visio depuis le tribunal d’Auxerre. Et si l’on est d’abord touché par la détresse des prévenus, on l’est d’autant plus par le récit de la victime et son état de santé. Sa main droite tremble en permanence et il a du mal à articuler.

« Je suis un marathonien à la retraite. Avant je courrais tous les jours mais depuis l’accident je ne peux plus. Ma main tremble et personne ne sait pourquoi » explique-t-il avec pudeur et des difficultés d’articulation. « Je suis gendarme mobile depuis 30 ans mais je crois que c’est la fin de ma carrière » ajoute-t-il. « J.S-F a gâché sa vie et celle de son épouse qui a été obligée de quitter son emploi pour s’occuper de lui car il ne peut plus rien faire tout seul. La carrière de mon client a été anéantie simplement parce qu’un jeune n’a pas voulu s’arrêter » avance son avocat.

Après en avoir délibéré le tribunal a reconnu les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés et a condamné :

- J.J-F à huit mois de prison avec sursis avec en plus une obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière d’une valeur de 150 euros et une interdiction de conduire tout véhicule pendant un an.

- J.S-F à deux ans de prison dont un assorti d’un sursis probatoire pendant dix-huit mois, une obligation de travailler ou de suivre une formation, une obligation d’indemniser la victime, et une obligation de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière d’une valeur de 150 euros. Le tribunal n’a en revanche pas prononcé de mandat de dépôt compte tenu de la personnalité et du casier judiciaire du prévenu. Sa moto a été confisquée et il lui est interdit de conduire un véhicule pendant un an.

Le tribunal a par ailleurs reconnu la constitution de partie civile de la victime, lui a alloué une provision de 15 000 euros et ordonné une nouvelle expertise médicale. L’audience sur intérêts civils a été renvoyée à janvier 2022.

 

Fanny Fontan