28.06.2021

Elle est transférée en prison… par erreur

Mercredi à 6 heures il y a une dizaine de jours, les gendarmes se rendent au domicile d’un jeune couple qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Lui a été condamné à une peine de deux ans de prison, elle à un an pour vol, violence avec usage d’une arme et recel de bien.

Le procès a eu lieu début mai à Saint-Martin mais le couple ne s’est pas présenté à l’audience. La jeune femme âgée de 23 ans, explique qu’elle n’avait pas reçu de convocation contrairement à son ami. Elle s’est toutefois rendue au tribunal pour accompagner son compagnon. Ils se sont présentés au palais de justice mais du mauvais côté : ils sont allés à l’entrée à côté de La Poste alors qu’ils auraient dû aller à l’entrée où se trouvait l’ancienne bibliothèque municipale*. C’est pourquoi ils ont été jugés en leur absence. Même s’ils ont été condamnés tous les deux à de la prison ferme avec mandat d’arrêt, l’exécution de leur peine diffère en raison de leur jugement.

Une même peine de prison mais deux jugements différents

Celui du garçon est un «contradictoire à signifier» car il avait reçu sa convocation au procès mais ne s’est pas présenté. Le jeune doit donc être emmené en prison directement. Il est transféré le même jour que son arrestation à son domicile.

Le jugement de la fille est, lui, dit par défaut. Le parquet avait mandaté un huissier pour remettre à la jeune femme sa convocation au procès, mais il ne l’a pas trouvée. Elle a donc été citée à parquet. Cette procédure particulière impose que la personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, soit présentée devant le procureur et le juge des libertés avant d’être incarcérée. C’est ce qui a été expliqué à la jeune femme à la caserne de gendarmerie après son arrestation : elle doit rencontrer le juge à Basse-Terre.

Cependant, au regard de l’heure tardive, le voyage par avion ne peut avoir lieu le mercredi. La jeune femme reste donc à la caserne et est transférée jeudi par le premier vol vers la Guadeloupe. Mais au lieu d’être escortée à Basse Terre, elle est conduite au centre pénitentiaire de Baie Mahault.

«J’ai vu ce grand portail, j’ai compris que c’était la prison, je ne comprenais pas», raconte-t-elle. «Lorsque les gendarmes ont donné le document qui leur avait été remis à Saint-Martin et ont dit qu’ils me transféraient, les gens de la prison ont demandé qui j’étais car ils n’avaient pas été mis au courant de mon arrivée, ils semblaient surpris… Personne à la prison ne savait qui j’étais et pourquoi j’étais là…», continue-t-elle de relater. La situation est d’autant plus compliquée que la jeune femme est anglophone et que les agents de la prison ne parlent que français ou créole à l’exception d’un.

La jeune femme est tout de même incarcérée dans une cellule dans le quartier des femmes. On lui donne un carte téléphonique pour qu’elle puisse passer des appels comme le veut la loi. Elle s’installe dans sa cellule et regarde la télévision.

Les autorités s’aperçoivent de leur erreur

En parallèle en début d’après-midi à Basse Terre on s’inquiète de ne pas la voir arriver. Des investigations sont rapidement menées et permettent d’apprendre qu’elle est incarcérée à Baie Mahault. Par erreur donc. Aussitôt l’ordre est donné de la libérer, confirme le parquet. Apparemment il y a eu «un manque de communication» entre les services, un mandat d’écrou a été délivré au lieu d’une convocation devant le juge.

«Vers 16 heures, un agent de la prison vient dans ma cellule et me dit : tu es libre. Tu peux sortir et rentrer chez toi», raconte-t-elle. «J’ai demandé plusieurs fois si c’était vrai, si je rentrais bien chez moi … A chaque fois, la personne me disait, oui tu es libre »… Les autorités lui réservent un billet d’avion retour. Mais un nouveau problème se pose : on est jeudi en fin d’après-midi et le dernier vol pour Saint-Martin est déjà parti. La jeune femme ne connaît personne en Guadeloupe et ne sait pas où aller. Alors les employés de la prison lui proposent de passer la nuit en cellule «mais libre ». Ce qu’elle accepte. «On m’a apporté de la nourriture… mais je n’ai pas dormi car il y avait trop de moustiques !», confie-t-elle.

Le vendredi matin, elle prend le premier vol. A l’embarquement, on lui demande son test PCR. Elle répond qu’elle n’a rien, qu’elle en a passé un le mercredi et que les gendarmes ont tous les documents. Quelques minutes plus tard, elle monte dans l’avion et rentre.

A son arrivée, comme on lui avait expliqué en Guadeloupe et comme la loi le lui permet, elle fait opposition à son jugement assistée d’un avocat. C’est-à-dire qu’elle demande à être rejugée pour les faits de vol, violence avec arme et recel de bien. Elle est convoquée en décembre prochain. Le vendredi matin, elle devait aussi passer un entretien d’embauche mais elle n’a pas pu se présenter.

Enfin, la jeune femme vivait avec son copain mais aussi avec le bébé de celui-ci. Au moment de son arrestation, elle a confié l’enfant âgé de trois ans à sa tante. Lorsque cette dernière est allée à la caserne le mercredi après-midi lui rendre visite et lui apporter de la nourriture, elle s’est vu retirer l’enfant par les services sociaux qui l’ont placé. En effet, la jeune femme et sa tante n'ont pas de lien biologique avec l’enfant et ne peuvent donc le garder légalement.

* Jusqu’en 2017, il n’y avait qu’une seule entrée, rue de la Liberté. Depuis l’ouverture de la chambre détachée, les personnes convoquées en justice doivent se présenter de l’autre côté, où se trouvait l’ancienne bibliothèque. Il n’est pas rare de voir des gens se tromper d’entrées.

Estelle Gasnet