03.05.2021

«Détresse» et « misère sociale» à la barre du tribunal

La jeune fille âgée de quatorze ans se trouve «dans un état de détresse» selon le médecin psychiatre qui l’a examinée. Fin octobre l’année dernière, elle est allée à la gendarmerie pour déposer plainte contre sa mère : elle l’accuse de la battre violemment. Elle a décrit plusieurs scènes avec une machette, une bouteille en verre, une barre et confie recevoir de manière régulière des coups.

Les gendarmes ouvrent une enquête. La mère, ND âgée de trente-et-un ans, est entendue et nie une partie des faits qui lui sont reprochés. «Elle a inventée cette histoire car elle s’est dit que si je vais en prison, elle pourra aller vivre chez la voisine où elle aura davantage de liberté», estime la mère qui a comparu devant le tribunal de proximité de Saint-Martin la semaine dernière pour violences sur mineure. Elle avoue toutefois lever parfois la main sur sa fille qui «est agressive et qui n’obéit pas» et avec laquelle elle a une relation conflictuelle.

La voisine a également été auditionnée et confirme que la mère frappe de temps en temps sa fille. L’adolescente précise que cela arrive notamment lorsque sa mère est saoule. A la barre du tribunal ND, avoue «boire des bières quand elle est stressée et être souvent stressée».

L’autre fille de ND est aussi entendue par les gendarmes, elle corrobore les propos de sa sœur et raconte l’histoire de la robe coupée. «Oui j’ai coupé la robe de ma fille.. Elle voulait sortir avec cette robe mais elle était trop courte, alors pour l’en empêcher, je l’ai coupée», relate la mère qui veut «protéger sa fille». «Je ne veux pas qu’elle sorte et se retrouve enceinte», lâche-t-elle.

Dans le cadre de la procédure, la mineure victime a été placée puis est retournée vivre chez sa mère. Elle a été accompagnée par un administrateur ad hoc auprès de qui elle a avoué avoir en partie menti aux gendarmes. «Elle a dit avoir juste reçu des gifles et veut rester avec sa mère», précise l’administrateur ad hoc aux juges.

La mère habite avec sa fille à Quartier d’Orléans dans un lieu qu’elle ne loue pas car «personne ne connaît le propriétaire». Interpellés, les juges demandent si l’habitation dispose tout de même de l’eau et de l’électricité. «Non il n’y a pas d’eau, je l’achète. Il n’y a plus d’électricité non plus depuis qu’il y a eu le feu», répond-elle. Les juges lui demandent si elle ne peut pas  aller vivre chez son fiancé, mais elle répond par la négative.

ND, originaire de République dominicaine, fait des petits jobs et se trouve en situation irrégulière sur le territoire. Elle ne peut remplir de dossier de demande de carte de séjour car elle doit fournir une attestation qu’elle comprend le français, attestation délivrée par un organisme qui coûte 250 euros. Or, elle n’a pas assez d’argent pour payer.

Sa fille victime est scolarisée en partie hollandaise car elle ne parle pas le français. Elle a été entendue par les services de l’aide à l’enfance (ASE) mais le suivi a été interrompu car ils sont dans l’attente d’un interprète en langue anglais pour poursuivre l’enquête sociale.

L’autre fille de ND vit chez sa grand-mère. La prévenue a aussi un fils qui vit avec son père. Quant au père de la mineure victime, il est décédé dans un accident en Guadeloupe il y a une dizaine d’années.

«On est dans une situation de misère sociale», commente le vice-procureur qui requiert un simple stage de parentalité. «Il faudrait que ND se fasse soigner pour son addiction à l’alcool mais imposer des soins ne peut se faire que dans le cadre d’une peine de prison avec un sursis probatoire», précise-t-il. Or, il ne veut pas demander une peine de prison.

«J’accepte toute l’aide que vous pouvez me donner», a confié ND au tribunal avant que celui-ci lève l’audience pour aller délibérer. Finalement les juges ont prononcé une amende de 500 euros avec sursis.

L’association d’aide aux victimes Trait d’Union (qui exerce aussi le rôle d’administrateur ad hoc) a mis en contact ND avec une autre association qui pourrait l’aider à améliorer sa relation avec sa fille.

Estelle Gasnet