18.10.2018

Accident du Voyager : le capitaine jugé pour mise en danger d’autrui

H.T comparaissait ce jeudi 18 octobre devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour des faits remontant à août 2017.

Le 26 août 2017, le Voyager heurtait par l’avant le rocher Le Bœuf, près de Saint-Barthélemy, lors de la dernière traversée de la journée entre Oyster Pond et Gustavia. Trois personnes, parmi les 31 passagers et les trois membres d’équipage étaient légèrement blessées. Après vérification et appel du CROSS, le bateau, toujours navigable, reprenait la direction de Saint-Barthélemy où il débarquait les passagers avec l’assistance des pompiers.

H.T, le capitaine du navire, et ex employé de la compagnie Voyager, comparaissait ce jeudi 18 octobre devant le tribunal correctionnel de Saint-Martin pour « mise en danger d’autrui par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence ». Il s’agissait de déterminer si le capitaine avait manqué de vigilance.

A la barre, le prévenu âgé de 32 ans revient sur le déroulé de la traversée et les mauvaises conditions de navigation : « C’était la dernière liaison de la journée. Le ciel était couvert dans l’après-midi mais aucun bulletin météo ne signalait de mauvais temps. Il n’y avait rien d‘anormal. Pas de pluie au départ d’Oyster Pond mais nous avons pris un grain après cinq minutes de navigation ce qui a réduit la visibilité. Un autre grain localisé vers Gustavia, masquait la visibilité du port. J’ai perdu mes repères visuels habituels : les lumières de la côte et les bouées de la réserve naturelle. La mer était mauvaise, et avec la pluie et le vent on prenait de l’eau. Les essuie-glaces ne fonctionnaient pas. On a donc fait un écart de route. Quand je suis arrivé dans la zone j’ai cherché à voir le rocher et demandé au chef mécanicien assis à ma gauche d’en faire autant mais il ne l’a pas vu non plus. Lorsqu’il s’est arrêté de pleuvoir on était déjà dans l’environnement du rocher. J’ai compris qu’on était déjà devant lui. J’ai manœuvré : réduit les gaz et passé la marche arrière. Mais ça n’a pas suffi et on est entré en collision. Le rocher a tapé le casque, la zone de choc relativement souple située à l’avant ».

Il explique que le bateau qu’il conduit ce jour-là est vétuste. Il s’agit du Voyager 1. Le Voyager III, « fleuron de la flotte », beaucoup plus récent, sur lequel il navigue habituellement, est en réparation. « Ils ont choisi de récupérer le vieux et de le remettre sur la ligne. Ils ont réparé les appareils principaux mais plein d’accessoires pas forcément nécessaires ont été laissés pour compte » avance H.T. En l’occurrence, l’embarcation, autorisée à naviguer par les Affaires maritimes de Martinique, n’est pas équipée de radar, mais simplement d’un vieux GPS. Le capitaine dit n’avoir pas pu non plus exploiter 100% de la puissance du moteur. « Comme nous naviguons près des côtes, nous prenons des repères visuels. De jour, il est possible de s’orienter sans GPS, mais s’il y a des complications on a besoin d’un radar » poursuit-il.

En dehors des conditions météo difficiles et de l’état du matériel, le tribunal cherche à établir si la présence de deux passagères dans la cabine a pu nuire à la vigilance du capitaine. « Il s’agit d’une ancienne employée et de son amie qui sont venues se réfugier sur la passerelle lorsqu’il s’est mis à pleuvoir » déclare H.T avant d’assurer qu’au moment des faits, « elles ne discutaient même pas entre elles et moi je suis resté dans mon truc ». Son avocat précise qu’il n’y a pas d’interdiction formelle que des personnes soient présentes dans la cabine et qu’au contraire « la courtoisie » avec les passagers est encouragée dans la compagnie.

Le parquet s’étonne par ailleurs que compte tenu de l’état du bateau et des conditions météo le capitaine n’ait pas refusé d’effectuer la traversée. « On ne peut pas reprocher à un salarié d’avoir refusé d’exercer son droit de retrait » s’indigne l’avocat de la défense. Il glisse qu'H.T a été embauché pour remplacer un salarié licencié pour refus d’obtempérer.

H.T est au chômage depuis qu'il a signé une rupture conventionnelle avec son employeur en décembre 2017. Son avocat rappelle que le gérant de la compagnie avait déclaré après l’accident : « à mon avis il n’y a pas de faute flagrante mais une succession de circonstances ». H.T n’a pas fait l’objet de sanctions disciplinaires et par ailleurs, son casier judiciaire est vierge.

« On ne dit pas qu’il n’y avait pas de conditions particulières ou que qu’H.T est un mauvais navigateur » précise le vice-procureur. « Il faut assumer ses erreurs d’appréciation ou de jugement. » considère-t-il. Selon lui, H.T qui n’a pas refusé de partir, n’a pas fait suffisamment attention à la position du rocher sur le GPS. « Il aurait dû freiner, faire un tour à 180° pour chercher le rocher ». Et lui reproche donc une « mauvaise appréciation des conditions de navigation ». « Il n’est pas question de prison ou d’interdiction de naviguer. Je pense que c’est le pire cauchemar pour un capitaine de toucher un rocher. Au contraire cette expérience va être enrichissante pour lui et il saura mieux gérer à l’avenir ». Estimant que « ce jour-là, il a mis en danger ses passagers », le parquet requiert symboliquement une amende de 3000 euros dont 2000 avec sursis « pour lui rappeler son obligation de vigilance ».

"Il n'a pas été question de jouer avec la vie des gens" plaide l’avocat de la défense qui demande la relaxe de son client. Si, après les faits, des rumeurs circulaient sur l'éventuel état d'ébriété du capitaine, l'avocat souligne que l'éthylotest de son client était négatif. « On lui a donné un outil de travail inopérant. Il n’y a pas eu de distraction ou de perte de vigilance ». Il plaide l’inégalité de la poursuite car « des responsabilités supérieures ne sont pas recherchées ». « Nous ne pouvons pas porter le poids d’une responsabilité qui ne nous incombe pas » conclut-il.

Le jugement a été mis en délibéré au 15 novembre prochain.

(Photo d'archive)

 

Fanny Fontan
2 commentaires

Commentaires

Bizarre cette justice locale?
Soit l article n est pas complet car on n aborde pas les expertises sur le bateau qui était vieux.....

Ne pas s'en tenir aux déclarations des uns ou des autres... Les constatations des Affaires Maritimes ou de la Gendarmerie ont démontré que le bateau était parfaitement en règle, qu'il avait bien le droit de naviguer, et que tout le matériel obligatoire fonctionnait... L'age du navire n'a donc rien à voir ou alors il faudrait interdire 90% des autres navires qui transportent des passagers depuis Sxm (et qui sont pour la plupart bien plus agés) ! !