03.04.2018

Une gérante de trois établissements à Saint-Barth poursuivie en justice

Elle est accusée d’abus de bien social, de travail dissimulé et de blanchiment d’argent.

Une «pratique courante sur l’île de Saint-Barthélemy» mais qui vaut à la gérante de trois établissements (restaurants, night clubs) d’être poursuivie en justice. Elle est accusée d’avoir versé entre 2011 et 2015 à ses employés des «compléments de salaires en espèces» sans avoir payé les charges sociales correspondantes.

A la barre du tribunal devant lequel elle a comparu assistée de deux avocats parisiens, le 22 mars, la gérante, CG, a expliqué que les sommes en question correspondaient aux pourboires ou tips laissés par les clients, qu’ils soient en espèces ou en carte bancaire. Les tips étaient répartis selon un système de points, selon le poste de l’employé.

Or, la pratique, selon le parquet et le gendarme, ne respectait pas la réglementation. Celle-ci impose que les pourboires exonérés de charges sociales doivent apparaître sur le bulletin de salaire, ce qui n’était pas le cas pour les salariés de CG. Les tips doivent aussi être répartis uniquement entre les employés «qui sont en relation directe avec la clientèle» ; or, des employés comme le cuisinier ou les managers étaient aussi destinataires de tips.

Les quinze employés interrogés dans le cadre de l’enquête, ont affirmé qu’au moment de leur recrutement, CG leur avait expliqué qu’ils percevraient un salaire fixe et «un complément de salaire en espèces». Ils ont aussi précisé que le fait que cette part de salaire n’était pas déclarée n’avait, pour eux, pas d’incidence dans la mesure où ils ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu à Saint-Barth.

L’enquête a fait apparaître que CG centralisait les pourboires réglés en carte bancaire ce qui est hors la loi et s’en octroyait aussi une partie.

Par ailleurs, la gérante des établissements est poursuivie pour travail dissimulé, précisément pour ne pas avoir déclaré et rémunéré des heures supplémentaires. Six de ses employés dont les contrats stipulent 43 heures de travail par semaine, ont déposé plainte à son encontre et l’ont accusée de ne pas avoir déclaré entre 25 et 32 heures de travail.

Au total, les sommes non déclarées et non versées aux organismes sociaux avoisineraient les deux millions d’euros.

Devant les magistrats, CG a souhaité s’exprimer, ce qu’elle n’avait pas fait durant l’enquête et sa garde à vue. Elle a confié être victime d’un piège. Il y a quelques années l’un de ses clients lui a affirmé qu’une partie de ses employés l'a volée. Perplexe, elle s’est mise à les surveiller. Elle a aussi recruté un contrôleur de gestion. Elle explique avoir découvert que plus de mille bouteilles (prix moyen 88 euros) manquaient. Selon elle, ses employés grossissaient les additions pour augmenter les pourboires (souvent proportionnels au montant de la note) et ensuite, une fois que les clients avaient payé, réédité les tickets de caisse pour la comptabilité sans faire apparaître lesdites bouteilles. Toujours selon elle, ils récupéraient ainsi les bouteilles facturées mais non consommées. «Ils avaient l’habitude de faire la fête après la fermeture de l’établissement», confie-t-elle.

«Ils n’ont pas aimé que je les soupçonne et les surveille », assure CG, ainsi persuadée que ses salariés ont voulu se venger. «Nous étions une famille. Mes salariés ont toujours été bien payés. Les managers gagnaient 3 000 euros par mois que je déclarais, pourquoi aurais-je été leur donner 200 euros en plus de tips sans les déclarer ? », fait-elle remarquer aux magistrats. Et de préciser que les serveurs gagnaient entre 6 000 et 10 000 euros par mois avec les pourboires.

Ses avocats accusent l’enquêteur d’être contre leur cliente. «Le gendarme qui a mené l’enquête l’a uniquement fait à charge. De plus, il n’a aucune compétence en matière financière», ont-ils souligné. Des arguments mis en avant pour faire annuler la procédure. Ils estiment aussi curieux que «le procès verbal ne comporte aucune faute d’orthographe, ni de syntaxe». Il a été rédigé rapidement ce qui, pour eux, prouve que tout était arrangé. «CG en veut aux gendarmes», a effectivement noté le vice-procureur. «Ils avaient l’habitude de venir dans mon établissement, c’était des amis », a pour sa part confié CG.

Le parquet a requis la confiscation de la villa de la prévenue, dont la valeur est estimée à 1,6 million d’euros et une amende de 75 000 euros contre la personne morale. Il a aussi demandé la publication du jugement dans les journaux.

Après plus de six heures d’audience, le tribunal a mis en délibéré le jugement. Il sera rendu le 21 juin prochain.

La CGSS de Guadeloupe a elle demandé un renvoi sur un intérêt civil, le temps qu’elle puisse estimer son préjudice. Elle n’a pas encore pu le faire car elle n’a pas reçu le dossier.

Aujourd’hui CG n’exploite plus qu’un seul établissement.

Estelle Gasnet
5 commentaires

Commentaires

St Martin et St Barth refuges de personnes malhonnêtes et peu scrupuleuses .....sans foi ni loi ,des voyous

Tout à fait vrai.

On retrouve les même pratique dans les restaurants de la pointe du bout en MARTINIQUE

je ne comprend pas

Quelle arrogance.....! Cette personne a bien de la chance que le gendarme n était pas spécialisé en matière financière .....la brigade financière aurait soulevé d autres lièvres ....et l argument de ses avocats stupide.... le procès verbal du gendarme fait foi jusqu à preuve du contraire ...s ils n ont pas été capables de démontrer le contraire ce n est pas la faute du policier