09.06.2016

Transats de Grand Case : comprendre l’affaire en 5 questions

Huit restaurateurs de Grand case ont saisi le tribunal administratif de Saint-Martin pour demander l’annulation de la décision du conseil exécutif du 17 novembre 2015 relatif à l’interdiction de toute utilisation commerciale de la plage de Grand Case. Comment comprendre cette affaire en 5 questions.

Une plage peut-elle être utilisée à des fins commerciales ?

Les plages sont considérées en France comme faisant partie du domaine public maritime. En métropole et dans certains territoires d’outre-mer, ce domaine est géré par l’Etat. A Saint-Martin, depuis l’obtention du statut de Collectivité, ce domaine est géré par la COM directement. Sauf dans les zones naturelles protégées (Pinel et le Galion) gérées par le Conservatoire national du littoral. L’usage de la plage par un commerce (restaurant, bar, watersports, etc.) est réglementé. Le commerce doit demander une autorisation d’occupation temporaire d’une partie de la plage, ce que l’on appelle une AOT.

Les AOT sont délivrées localement par la Collectivité. Les demandes sont formulées par les commerçants et soumises au conseil exécutif qui se prononce favorablement ou non. Le contrat stipule la durée de l’autorisation et le montant du loyer mensuel à verser. A noter qu’à Saint-Martin certaines plages sont privées et donc soumises à une AOT ; elles ont été vendues par l’Etat à des particuliers. Telles est le cas de parcelles à la Baie Nettlé, Friar’s Bay, Baie orientale ou l’Anse Marcel.

Les restaurateurs actuels à Grand Case bénéficient-ils d’une AOT ?

Non. Autrement dit, ils n’ont aucun droit d'utiliser la plage. Néanmoins, ils ont bénéficié d’une tolérance par les autorités pour pouvoir poser transats et parasols sur la plage. Par contre, les restaurants de la Baie orientale bénéficient tous d’une AOT, que ce soit les restaurants de Sindextour ou les nouveaux carbets.

Que s’est-il passé en novembre 2015 ?

Quelques jours après les blocages de Marigot le 22 octobre 2015, la commission d’aménagement du territoire de l’urbanisme et du transport de la Collectivité s’est réunie pour se prononcer sur l’utilisation de la plage de Grand Case. Elle a ainsi rendu un avis favorable à l’interdiction de toute occupation commerciale de ce domaine public.

Deux semaines plus tard, soit le 17 novembre, le conseil exécutif se réunit à son tour et suit l’avis de la commission. «Toute occupation commerciale du domaine public de la plage de Grand Case (tables, chaises, transats, parasols et stands) est interdite. Aucune Autorisation d’Occupation Temporaire du domaine public à des fins commerciales sur la plage de Grand Case ne sera délivrée par la Collectivité de Saint Martin.»

À noter qu'outre rappeler que l’occupation par les restaurateurs de la plage est interdite, la COM a décidé d’interdire la délivrance des AOT sur la plage de Grand Case.

Quelle a été la réaction des restaurateurs ?

Ceux-ci n’ont pas respecté la délibération de la Collectivité et continuent de poser des transats sur la plage. Huit gérants (Société du Soleil, Zen’it, Love Résidence, Rainbow, Yellow Blue Spot, Valérie Robert, Caribbean Creole Food Sarl, Effet Mer) ont décidé de saisir le tribunal administratif de Saint-Martin. Ils demandent l’annulation de la délibération du 17 novembre 2015. L’affaire sera examinée ce vendredi 10 juin par les magistrats.

Quelle conséquence pourrait avoir le jugement du tribunal administratif ?

Si l’annulation est rejetée, la situation restera comme aujourd’hui et les exploitants pourront faire appel du jugement.

Si la délibération du 17 novembre est annulée, cela ne signifiera pas pour autant que les restaurateurs auront le droit de mettre des transats sur la plage. En effet, la plage étant le domaine public, son occupation doit être réglementée. Et sans AOT, ils ne peuvent l’utiliser. Ils pourront donc solliciter une AOT auprès de la Collectivité et le conseil exécutif devra se prononcer. Il aura le choix d’accorder ou non l’autorisation en sachant que le refus devra être motivé correctement. Et si une AOT est accordée, elle devra indiquer le montant à verser et pourra limiter le nombre de transats. Restera toutefois à voir si la Collectivité peut décider de ne pas vouloir lancer de procédure d’AOT pour la plage de Grand Case.

 

Le tollé politique suscité par l’affaire

L’affaire des transats de Grand Case avait défrayé la chronique en fin d’année 2015. Par voie de presse, le 11 novembre, la Collectivité avait annoncé son intention d’interdire toute occupation commerciale de la plage de Grand Case et précisé que cela serait l’un des points de l’ordre du jour du conseil exécutif le 17 novembre suivant. Entre temps, les restaurateurs concernés se sont mobilisés et ont reçu, la veille du conseil exécutif, la visite de l’élu en charge du développement économique. Le mardi, après une longue séance, la proposition est adoptée par une seule voix ; les cinq autres élus et membres du conseil exécutif se sont abstenus.

Estelle Gasnet