01.01.2016

18 mois de prison ferme pour avoir tiré sur un présumé voleur

Au vu de la gravité des faits, une procédure criminelle avait été ouverte mais le juge d'instruction a requalifié l'affaire et c'est donc devant le simple tribunal correctionnel de Saint-Martin, en juge unique, que le prévenu, un homme de cinquante et un ans, a comparu ce matin pour avoir tiré avec un fusil de chasse le 21 mars 2012 à Grand Case sur un individu qu'il croyait en train de voler des pièces sur sa voiture.
A 4 heures du matin, le prévenu entend ses chiens aboyer et du bruit provenant de l'extérieur. Il pense aussitôt à un voleur. Il prend alors son fusil, deux cartouches et en met une dans l'arme. Il sort dehors, demande «qui est là ?», ce qui provoque la fuite d'un individu qui se trouvait proche de la voiture du prévenu. Dans la précipitation et la panique, ce dernier ne parvient pas à démarrer sa propre voiture. Le prévenu, le fusil à la main, s'approche du véhicule aux vitres teintées. Malgré l'obscurité, il parvient à apercevoir un mouvement. L'homme prend peur à son tour et tire, blessant grièvement l'individu au larynx et à la mâchoire. Son pronostic vital engagé, il est évacué vers le centre hospitalier de Fort-de-France. Il y reste trois semaines et a une ITT de deux mois. Trois ans après les faits, il présente toujours des séquelles. Il ne s'est néanmoins pas constitué partie civile et n'est pas venu à l'audience ce matin.
«Vous auriez pu aller devant les Assises», lui fait remarquer la présidente du tribunal Sylvie Hanoteaux ; mais visiblement, nul besoin de lui rappeler la portée de son geste. A la barre, le prévenu qui a effectué deux mois de détention provisoire, est pris de remords. Il est loin d'être fier d'avoir tiré sur quelqu'un. «Je ne sais toujours pas comment le dire à mon fils, je ne veux pas que mon fils ait une mauvaise image de moi», dit-il. Il sèche ses larmes à plusieurs reprises. Son avocate apporte au dossier des attestations de moralité. Mais le vice-procureur avoue ne pas en avoir besoin. «Je n'ai aucun doute sur sa moralité. Il a lui-même appelé les secours alors que d'autres ne l'auraient pas fait et que la victime le suppliait de ne pas avertir les gendarmes», confie-t-il. «Il est dans la culpabilité ; il reconnaît les faits qui ont eu des conséquences économiques sur son entreprise. Visiblement les événements l'ont marqué et il va savoir les assumer», poursuit Michaël Ohayon qui va requérir quatre ans de prison dont deux assortis du sursis simple.
Des expertises psychologiques et psychiatriques* ont été réalisées sur le prévenu et ont toutes révélé qu'il n'est pas dangereux et que les risques de récidive sont très minces. C'est une personne «équilibrée» ayant «le sens aigu des responsabilités», qui «s'inquiète pour son fils de cinq ans» et «regrette avec une grande culpabilité» ce qui s'est passé. Selon les experts, une accumulation de facteurs l'ont poussé à agir ainsi.
«Mon client était fatigué de sa journée de travail. Il était rentré chez lui à 2 heures du matin (il est restaurateur, NDLR). A cette époque, de nombreux vols étaient commis dans ce quartier de Grand Case et des pièces avaient déjà été volées sur sa voiture. Mon client n'avait pas l'intention de tirer sinon il aurait pu le faire bien plus tôt. S'il a tiré à ce moment précis, c'est parce qu'il a eu peur en voyant l'individu se pencher dans la voiture», explique l'avocate qui insiste aussi sur la personnalité de la victime. «Elle était recherchée par la police de Sint Maarten...», souligne-t-elle.
La magistrate a en outre observé que la victime s'était contredite dans ses déclarations. Dans un premier temps, elle a expliqué se trouver à cet endroit à 4 heures du matin car elle allait récupérer ses sandales oubliées sur la plage, et dans un second temps, elle a prétendu venir récupérer une jeune femme.
La défense demande «une peine juste». Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné l'auteur du tir à quatre ans de prison dont dix-huit mois ferme. Cependant, il ne retournera pas en prison et bénéficiera d'un aménagement de peine.

* Ce type d'expertises est obligatoire dans le cadre d'une procédure criminelle.

Estelle Gasnet