Une parcelle à Galisbay au cœur d'un litige entre la COM et une société
En juillet cette année, deux Saint-Martinois signent avec une société une promesse de vente d'un terrain non bâti de 982 mètres carrés situé à Galisbay. Une semaine plus tard, le notaire en informe la Collectivité en fournissant, comme le veut la procédure, une déclaration d'intention d'aliéner.
Cette déclaration est soumise au conseil exécutif qui doit se prononcer sur l'exercice ou non du droit de préemption urbain, c'est-à-dire dire si la COM laisse la vente se faire entre les deux parties ou si elle veut, elle, acquérir ce terrain. Et c'est ce second choix que les élus font, celui d'exercer le droit de préemption. La COM propose d'acheter la parcelle au prix de 196 400 euros selon l'estimation de France Domaine, alors que les Saint-Martinois avaient négocié avec la société 758 000 euros.
Les élus justifient l'acquisition de la parcelle pour créer un nouvel ouvrage hydraulique visant à réduire les inondations dans la zone Galisbay/Howell Center. Brièvement, la forte urbanisation du bassin versant de Marigot a augmenté l'imperméabilisation des sols et donc le ruissellement des eaux de pluies ; les deux ravines de Spring et Concordia ne sont plus assez grandes pour absorber toutes les eaux ce qui crée un risque d'inondation en amont, soit dans la zone d'Howell Center. La COM a alors imaginé «un nouvel ouvrage de franchissement de la rue de Hollande pour rejoindre le canal de Galisbay». Des parcelles avaient été «conservées en anticipation d'un futur aménagement hydraulique», notamment celles situées entre le parking du supermarché et le fast food, mais elle lui manquait une autre parcelle, celle que les deux Saint-Martinois veulent vendre. En exerçant son droit de préemption, elle peut ainsi acheter cette parcelle.
Quelques jours après la décision du conseil exécutif, début octobre, la société qui avait signé la promesse de vente, saisit le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Martin afin qu'il suspende l'exécution de la délibération du conseil exécutif et autorise l'acquisition de ladite parcelle. Elle soutient deux arguments du droit administratif.
Le premier a trait à «la condition d'urgence». Pour la société, il y a urgence à suspendre la décision des élus car ceux-ci n'ont pas suffisamment précisé les caractéristiques du projet et son état d'avancement dans leur délibération prouvant que la COM doit être prioritaire dans l'achat de la parcelle. Toutefois, «il peut en aller autrement», rappelle le juge, en l'occurence si les élus démontrent que le projet doit être réalisé rapidement. Or la COM «n'a pas produit d'observations en défense et n'a pas allégué de la nécessité de réaliser le projet dans des délais rapides», souligne le juge. La condition d'urgence soulevée par la société doit donc être regardée comme «satisfaite».Le second argument fait valoir l'existence d'un «doute sérieux quant à la légalité» de la délibération ; en d'autres termes, la société estime ne pas avoir été informée en temps et en heure de la volonté de la COM d'acheter la parcelle à sa place. Le tribunal rappelle que la COM avait deux mois pour le faire, à partir du jour de la réception de déclaration d'intention d'aliéner. Elle doit aussi informer le propriétaire de sa décision. Si ce délai est dépassé, le silence signifie que la Collectivité refuse d'exercer son droit de préemption, que la vente entre les deux parties peut se faire.
A la lecture des documents fournis, le juge constate à l'audience, le 21 octobre, que la déclaration d'intention d'aliéner a été signée le 28 juillet et reçue en Collectivité le 29 juillet «et non le 30 juillet ainsi qu'il est incorrectement indiqué dans les visas de la délibération» des élus. «Ainsi, le délai de deux mois dont disposait la collectivité pour exercer son droit de préemption expirait le 29 septembre. Il ne ressort pas des pièces du dossier (...) que la délibération attaquée (…) aurait été notifiée au propriétaire dans le délai imparti à [la COM] », a en outre constaté le juge pour qui cette absence d'information est «de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération».
Au final, si le tribunal considère que la société est bien fondée à demander la suspension de la décision du conseil exécutif car les deux conditions juridiques sont remplies, il émet des nuances. Il estime qu'«aucun élément suffisant et précis n'a été fourni par la société de nature à justifier de l'urgence à poursuivre la réalisation rapide de son projet, avant qu'il soit statué sur leur demande d'annulation. Il n'y a donc pas lieu, en l'état, de suspendre la décision de préemption en tant qu'elle fait obstacle à [la vente du terrain] au profit de la société». La décision est suspendue «uniquement en tant que ces actes permettent à la collectivité de disposer ou d'user du bien litigieux dans des conditions qui rendraient irréversible ces décisions».








