Selon Marine Le Pen, il y a, au niveau juridique, une "différence de traitement entre les élus" des COM d'outre-mer et de métropole
Le 31 mars dernier, Marine Le Pen a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris à quatre ans de prison dont deux avec sursis, au paiement d'une amende de 100 000 euros et à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Le 10 avril, elle a été démise d'office de son mandat de conseillère départementale par le préfet du Pas-de-Calais, une décision qu'elle a contestée devant le tribunal administratif de Lille.
Dans un premier mémoire, elle soutient que plusieurs dispositions du code électoral, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du code des relations entre le public et l'administration n'ont pas été respectées par le préfet.
Dans un second mémoire, Marine Le Pen soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) et demande au tribunal administratif de Lille de la soumettre au Conseil d'Etat. Elle se justifie en faisant à nouveau valoir plusieurs articles des codes électoral et de procédure pénale, très techniques. Parmi la vingtaine de points évoqués, des dispositions concernant les élus de Saint-Martin, des collectivités régies par la Constitution d'une manière plus générale, qui seraient discriminatoires.
Selon Marine Le Pen, le code électoral présente «des différences de traitement injustifiées entre élus locaux, placés dans une même situation», ce qui serait ainsi contraire à la Constitution, d'où sa demande d'examiner sa QPC.
Dans son cas, elle a été démise de son mandat de conseillère départementale pour des faits antérieurs et extérieurs à ce mandat. Or, selon sa compréhension de plusieurs articles du code électoral, un élu peut être sanctionné pour «une fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales» à une peine d'inéligibilité sans que celle-ci n'ait d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. Elle ajoute : «le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses pour altérer la sincérité du scrutin peut être déclaré inéligible, sans là encore que cette inéligibilité n'ait d'effet sur le mandat antérieurement acquis à la date de la décision».
Marine Le Pen complète son argumentation avec le cas précis des élus de Saint-Martin, Saint-Barth et Saint-Pierre et Miquelon qui, selon elle, bénéficient d'«une différence de traitement» à leur faveur alors qu'ils exercent aussi «des compétences» de conseiller départemental. Elle argue que les élus de ces COM condamnés à une peine d'inéligibilité peuvent être «démis d'office de leur mandat» par arrêté préfectoral uniquement si «cette condamnation résulte d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée», c'est-à-dire à l'issue d'un jugement qui n’est plus susceptible de recours (soit parce que les recours ont été épuisés, soit que les délais sont expirés). Ce qui n'a pas été le cas pour elle, puisqu'elle a été démise alors qu'elle avait des recours.Pour Marine Le Pen, cette disposition du code électoral présente «une méconnaissance caractérisée du principe d'égalité entre élus exerçant des compétences substantiellement identiques, sans qu'apparaisse une justification, laquelle ne saurait trouver de fondement dans les "intérêts propres" des collectivités d'Outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution».
La situation est la même pour les élus de Nouvelle Calédonie et de Polynésie. «Une telle discrimination, qui affecte l'exercice des droits civiques en fonction des liens d'un élu avec une partie du territoire de la République méconnaît le principe d'indivisibilité de la République dès lors qu'elle affecte l'exercice des droits civiques», estime l'élue du Rassemblement national.
Le tribunal administratif de Lille a répondu point par point et considère que «la requérante ne peut utilement faire état des règles applicables aux parlementaires qui se trouvent dans une situation différente de celle des conseillers départementaux». Le tribunal a rejeté l'ensemble des arguments de Marine Le Pen et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat sa QPC.