26.05.2025

L'acquisition d'une parcelle pour construire des logements sociaux a posé des difficultés juridiques

La Collectivité nourrit l'ambition de construire 159 logements sociaux à Chevrise, précisément sur la parcelle AW 797 à l'angle de l'intersection des routes menant à Cul de Sac et Mont Vernon. Elle a alors sollicité l'établissement public foncier de Guadeloupe (EPF), Terres Caraïbes, pour acquérir ce terrain auprès de la SIG en 2024 pour un montant de quelque 1,73 million d'euros. Ce projet devait être porté par la Semsamar avec une filiale de l'EPF, l'office foncier de solidarité (portage foncier) et proposer des logements à la location et à la vente en BRS, bail réel solidaire.

Or, les services de la préfecture ont indiqué il y a un an que la filiale de l'EPF n'était pas autorisée à intervenir sur le territoire de la Collectivité de Saint-Martin dans le cadre d'un programme de logements BRS car le droit local le lui interdit ; la COM n'a pas adapté la disposition nationale (le permettant) dans son code.

Dans ce contexte, la COM a mis en place «un plan B» : l'établissement public foncier de Guadeloupe rétrocède cette parcelle à la Semsamar pour que celle-ci mène l'opération. Et c'est cette proposition qui a été soumise aux élus du conseil territorial réunis vendredi matin en séance plénière. A la différence qu'il ne s'agit plus de logements en BRS mais en LLS (logements locatifs sociaux).

Afin de convaincre ses collègues de voter pour «à l'unanimité», le président Louis Mussington a insisté sur «l'urgence sociale» de construire des logements pour la population. Si les membres de la Team Gibbs et de Generation Hope ont reconnu ce besoin, ils ont souligné les interrogations «techniques» liées à la délibération.

Marie-Dominique Ramphort et Jules Charville ont, chacun leur tour, demandé pour quelles raisons, il y a un an lorsque cet obstacle juridique a été découvert, la COM n'a pas décidé simplement d'adopter son code local en inscrivant la disposition nationale et ainsi permettre à la filiale de l'établissement public foncier d'intervenir, au lieu de proposer aujourd'hui la rétrocession du terrain à la Semsamar.

Louis Mussington n'a pas apporté de réponse précise à la question posée deux fois. «On ne l'a pas fait mais rien ne nous empêche de le faire», s'est-il contenté. Et d'assurer : «on vote aujourd'hui [la rétrocession du terrain] car il y a une urgence sociale. On sait qu'il y aura des adaptations à faire demain et on prendra les bonnes mesures pour pouvoir adapter les textes de loi.»

Daniel Gibbs s'est en outre montré inquiet et a voulu interpeller ses collègues sur des situations similaires qui pourraient se produire à l'avenir. Il a fait allusion aux moments lorsque l'établissement public foncier de Guadeloupe et vraisemblablement sa filiale OFS seront sollicités pour acheter d'autres terrains en vue de réaliser des politiques sociales. Le pourront-ils ? Ou cet obstacle juridique sera-t-il toujours existant ?

Louis Mussington a toujours argué de «l'urgence sociale». «Il y a peut-être un obstacle» mais une «stratégie » a pu être trouvée en «apportant les modifications nécessaires». Cette «porte de sortie, vous allez voter pour ou contre, mais il faut aller de l'avant », conçoit le président de la COM.

Lors du débat qui a duré pratiquement une heure, les élus qui siègent aussi au conseil d'administration de la Semsamar se sont déportés. Jules Charville et sa collègue Angeline Laurence se sont abstenus lors du vote et la Team Gibbs n'y a pas pris part. Le conseil territorial a approuvé la rétrocession par l'EPF de la parcelle AW 797 à la Semsamar pour un montant de 1,88 million d'euros (tous frais compris).

Adoptée, la délibération ne signifie toutefois pas que le programme de logements va pouvoir sortir de terre très prochainement. En effet, le financement doit encore être trouvé. La Semsamar a estimé le coût du projet à 27 millions d'euros, or, seuls, 6 millions semblent pour l'instant financés par le contrat de convergence (3 millions par l'Etat et 3 millions par la COM). «La boucle n'est pas bouclée», a reconnu Louis Mussington qui mise sur son déplacement à Paris en juin et son entretien au ministère du Logement pour obtenir des fonds supplémentaires.

«Nous devons exiger notre dû car nous faisons partie de la République. En 1914, 215 des hommes les plus vaillants de Saint-Martin, sont allés défendre la patrie alors qu'ils n'avaient pas connaissance où se trouvait l'hexagone, mais animés d'une seule volonté de défendre la patrie, [ils sont partis]. Donc, en retour, nous avons aussi aujourd'hui des besoins, il est tout à fait naturel qu'on demande au gouvernement français de nous accompagner», a déclaré Louis Mussington.

Estelle Gasnet