Partager vos photos de tortues marines avec la réserve naturelle peut faire avancer la science
«Cette année et pour la première fois, nous avons mis en place un protocole qui étudie les populations de tortues marines qui sont "en alimentation" sur le territoire » explique Aude Berger, cheffe de projet à la Réserve naturelle de Saint-Martin. Depuis 2009, l’association étudie les populations de tortues « en reproduction» sur le territoire via la méthode du comptage de traces.
Avec l’aide d’écovolontaires, celle-ci consiste à relever les informations laissées par les empreintes des femelles venues pondre sur la plage. Il existe sept espèces de tortues marines dans le monde dont cinq visibles à Saint-Martin : la tortue imbriquée, la verte, la luth, la caouanne et l’olivâtre. «Il faut savoir que les tortues en reproduction et celles en alimentation sont deux populations différentes puisqu’il s’agit d’espèces migratrices. Les tortues qui pondent sur nos plages ne sont pas celles qui vivent sur notre île et inversement» détaille l’experte.
Depuis décembre dernier, les scientifiques de la Réserve commencent donc à étudier les populations qui résident sur l’île. Pour ce faire, ils utilisent la photo identification. Grâce à une subvention allouée par la direction de l’environnement de la Guadeloupe, un compagnonnage avec l’ATE (Agence Territoriale de l’Environnement) de Saint-Barthélemy a pu être mis en place. Cette dernière a pu transmettre à la réserve de Saint-Martin, le protocole de terrain qu’elle applique déjà depuis plusieurs années.
Le principe est simple : une fois une tortue localisée, deux plongeurs professionnels se mettent à l’eau. Le premier scaphandrier reste à la surface pour prendre les observations ainsi que le point GPS en note. «Le deuxième approche de la tortue avec une méthode qui n’implique aucun dérangement. Il capture des photos du dessus de sa carapace mais aussi, et surtout, de ses deux jours, le profil droit et le profil gauche» décrit Aude, en précisant que ces dernières sont l’équivalent de nos empreintes digitales. Avec un petit étalon, le plongeur mesure également la longueur de la carapace de l’animal.
Un réseau de science participative
«De retour au bureau, on répertorie toutes ces informations dans une base de données. On utilise un logiciel qui s’appelle Torsooi, mis en place par nos collègues du centre des tortues marines de la Réunion, dans lequel on va enregistrer chaque photo. En fonction des écailles que l’animal a sur les joues, un code unique va être généré et enregistré en ligne» détaille la professionnelle.
Cette collecte de données répond à plusieurs objectifs. En premier lieu, celui d’avoir un inventaire d’individus résidents à Saint-Martin. Dans la même idée, si la tortue est déjà connue du catalogue, «le match ADN» permettra de suivre son itinéraire sur le territoire, ou ailleurs dans le monde. En second lieu, elle permet de mettre en place des mesures de gestion et de sensibilisation en déterminant les sites à fort enjeu de protection.
Ainsi, l’objectif de la Réserve est de collecter des photos de façon régulière. Les quatre sites pré-identifiés sont Tintamare, Anse Marcel, la Baie orientale jusqu’à Cul-de-Sac (incluant Pinel à Caye-verte) ainsi que Grand Case et son Rocher Créole. Pour l'aider à renforcer leur catalogue, la Réserve souhaite lancer en plus un réseau de science participative.
«On demande aux citoyens qui ont des photos de tortues marines, de nous les envoyer avec comme informations la date et le lieu. Aucune limite de temps n’est imposée, au contraire, les photos peuvent même avoir 20 ans, du moment que les joues et la carapace sont visibles». Et si certains aimeraient partir en excursion les photographier, la cheffe de projet rappelle que cela doit se faire dans le respect de cette espèce protégée avec un comportement qui limite le dérangement.