04.12.2019

Protocole Etat/COM: que dit-il ?

Depuis plusieurs mois, l’application du premier volet du protocole d’accompagnement de la COM par l’Etat signé en 2017 est dénoncée par la COM. Que dit ce protocole ? Quels sont les faits ?
Le contexte de rédaction du protocole

Dans le contexte socioéconomique post Irma, l’Etat reconnaît que «la COM est confrontée à la disparition d’une part importante de ses sources de financement alors qu’elle doit, parallèlement, faire face à des dépenses d’intervention et d’équipement urgentes et massives ». Il a donc «proposé au titre de la solidarité nationale, à la COM de l’accompagner globalement pour faire face à la situation inédite ». C’est ainsi qu’un «protocole entre l’Etat et la collectivité de Saint-Martin» a été rédigé. Il comprend deux volets : le premier porte sur «le soutien au budget de fonctionnement» de la COM, le second sur «la coopération en matière de reconstruction exemplaire et solidaire ».

Le premier volet a été signé le 6 novembre 2017 à Marigot par le président de la COM et le Premier ministre Edouard Philippe lors du déplacement de celui-ci à Saint-Martin.

Le second volet a été signé le 21 novembre 2017 à Paris par le président de la COM et la ministre des Outre-mer, Annick Girardin.

Premier volet : trois dotations prévues

Le premier volet du protocole établit «les engagements de l’Etat et des autorités locales de Saint-Martin quant au recouvrement des capacités financières de la collectivité».

Il s’agit d’un «accompagnement exceptionnel et dérogatoire destiné à lui permettre de couvrir ses dépenses de fonctionnement dans le contexte d’une chute brutale de ses recettes et d’un besoin d’intervention sans précédent».

Le 6 novembre 2017, Edouard Philippe et Daniel Gibbs ont notamment signé «le versement anticipé du solde des dotations sur l’année 2017 à hauteur de 10,38 millions d’euros», ainsi que «la compensation sur l’année 2017 du dégrèvement demandé [par la COM, ndlr] sur les taxes foncières soit 12,12 millions d’euros».

Ces deux dotations ont été versées comme elles le devaient même si Daniel Gibbs estime que le montant de la deuxième est inférieur à ce qu’il aurait aurait dû être. «Il s’agissait de compenser les pertes de recettes de la taxe foncière. L’Etat a versé 12,12 millions d’euros alors que le produit s’élevait à 18 millions d’euros», estime-t-il.

Quant à la troisième aide accordée, il s’agit d’une «dotation exceptionnelle de fonctionnement et, le cas échéant, des concours de trésorerie, pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020». Il est acté que «le niveau sera défini chaque année sur la base d’une analyse conjointe de la situation financière de la COM et de la trajectoire de la reprise des activités économiques et des ressources propres de la COM». «Sous réserve du respect des engagements dudit protocole, le besoin sera ajusté sur la base des rentrées financières réelles et la dotation sera versée sur la base trimestrielle. Une dotation de 50 millions d’euros sera inscrite en loi de finances rectificative 2017», est-il précisé.

A ce jour, la COM a reçu 25 millions d’euros en 2018 au titre de cette dotation exceptionnelle.

Au total depuis la signature du premier volet du protocole, l’Etat a versé 37,12 millions d’euros (12,12 M en 2017 et 25 M en 2018) et s’apprête à débloquer 16,1 millions d’ici à la fin de l’année 2019.

Le désaccord sur l’attribution de la troisième dotation

Depuis plus d’un an, la COM conteste les conditions d’application de la troisième dotation et considère que «l’Etat ne cesse de changer les règles du jeu» en versant uniquement 25 millions en 2018 et ne prévoyant que 16,1 millions en 2019.

La COM estime que l’engagement de l’Etat était de 50 millions d’euros au titre des années 2018 et 2019

Les 50 millions d’euros étaient-ils dus ?

La réponse est complexe : selon les affirmations des représentants de l’Etat oui, selon le protocole non.

Selon les déclarations gouvernementales

Le 6 novembre 2017, le Premier ministre annonçait que l’Etat allait continuer à travailler pour l’année 2018 «à éviter les ruptures de trésorerie et permettre à la COM de faire face à ses charges». «Cela représente plus de 62 millions d’euros à la collectivité», avait-il déclaré devant l’hôtel de la COM ; 62 millions soit 12 millions de compensation de la taxe foncière en 2017 et 50 millions en 2018 pour assurer le fonctionnement de la COM.

En mars 2018, lors du 6e comité interministériel pour la reconstruction, Edouard Philippe déclarait de nouveau : «la situation reste toutefois tendue et l’aide financière de l’État cruciale. En 2018, l’État apportera 50 millions d’euros à la Collectivité au titre de son budget de fonctionnement.»

Dans son dossier de presse sur le bilan des actions de l’Etat un an après Irma, le ministère des Outre-mer le confirmait : «la Collectivité de Saint-Martin s’est vue octroyer une aide non-remboursable de 12,2 millions d’euros en 2017 et 50 millions d’euros en 2018.»

Fin septembre 2018 lors d’une conférence de presse à Saint-Martin, le président de la République rappelait que «l’Etat [avait] compensé la chute des recettes fiscales à hauteur de 12,2 millions d’euros en 2017, 50 millions d’euros en 2018 et 2019 ».

Selon les déclarations gouvernementales, l’octroi des 50 millions d’euros semble acquis pour l’année 2018. Voire aussi 2019 selon aussi le président de la République, sauf si on comprend dans ses propos que les 50 millions sont valables pour 2018 et 2019, (auxquels cas les 25 millions d’euros versés l’an passé sont justes).

Selon le protocole

Une dotation de 50 millions est acquise pour l’année 2017 puisqu’elle est inscrite dans la loi de finances rectificative 2017.

Toujours selon le document, le montant de la dotation doit être ajusté chaque année selon les recettes fiscales, autrement dit le protocole ne prévoit pas automatiquement une dotation de 50 millions en 2018, 2019 et 2020, il indique que la somme doit être estimée chaque année.

Quelles ont été les recettes fiscales ?

L’objectif du protocole est de compenser les pertes de recettes fiscales de la COM. L’ont-elles été ?

La COM indique que le produit de ses recettes fiscales s’est élevé à 97 millions d’euros en 2016 et à 84 millions d’euros en 2018. Le manque à gagner est donc de 13 millions par rapport à 2016. Il a été compensé puisque l’Etat a accordé 25 millions. C’est certes la moitié de la somme qu’il avait annoncé, mais la différence de recettes est largement compensée.

A fin octobre 2019, les recettes fiscales sont de l’ordre de 86 millions, elles devraient donc recouvrer un niveau dit normal ce qui justifie que l’Etat ne verse plus d’aides en fonctionnement.

Qu'en est-il pour 2019 et 2020 ? 

Si l'on se réfère au protocole, il n'y a plus lieu d'aider financièrement la COM dans son fonctionnement puisque ses recettes ont augmenté. C'est pourquoi l'Etat a décidé de rédiger un avenant au protocole pour accorder cette année une aide en investissement et non en fonctionnement d'un montant de 16,1 millions d'euros.

Toutefois, le document de politique transversale/projet de loi de finance 2020 indique qu'au titre du fonds de soutien destiné à la reconstruction de Saint-Martin, «en 2019, 50 M€ ont été inscrits en AE=CP (autorisation d’engagement/crédit de paiement), en 2020, 50 M€ en AE sont inscrits dans le projet de loi de finances».

Estelle Gasnet
2 commentaires

Commentaires

Pour plus de précisions :
https://www.economie.gouv.fr/cedef/quelle-difference-entre-autorisation-...

https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publiq...

Mais ou sont-ils passés tout ces millions?
si je compte bien, chaque citoyen inscrit sur les listes électorales aurait du toucher un dédommagement d'au moins deux millions d'euros?
j'en conclue que la distribution n'est pas encore terminée, qui sait, peut être à Noël ou....à la saint glin-glin? Merci Papa Gibs!!