20.06.2019

Assistant familial : « un métier passionnant qui peut être épuisant »

DÉBUT MAI, LA COLLECTIVITÉ PUBLIAIT UNE ANNONCE POUR RECRUTER DES ASSISTANTS FAMILIAUX. RENCONTRE AVEC SABRINA, ASSISTANTE FAMILIALE DEPUIS PLUS DE DIX ANS.

Sabrina* 58 ans, est assistante familiale depuis 2006. « C’est ma mère qui m’a poussée à le faire » se souvient-elle aujourd’hui. « J’avais plusieurs chambres de libres car mes enfants avaient grandi. J’ai vu des enfants en souffrance et ai décidé de leur tendre la main ». 

Elle entame les démarches pour obtenir un agrément, délivré à l’époque par le conseil général de Guadeloupe et depuis par la collectivité de Saint-Martin. Et continue jusqu’au passage d’Irma à travailler à mi-temps dans l’hôtellerie. 

Il ne faut pas confondre assistant(e) familial(e) et assistant(e) maternelle. Un ou une assistant(e) familial(e) est ce qu’on appelle couramment une famille d’accueil. Suite à une décision de justice, ou à la demande des parents des enfants qui courent un danger dans leur environnement familial, sont provisoirement placés dans une famille d’accueil qui est alors rémunérée. L’objectif est que ces enfants retournent un jour dans leur famille biologique, s’ils en ont une. Toutefois, le plus souvent, ils restent chez Sabrina jusqu’à leur majorité. « C’est un travail passionnant. On découvre la psychologie de l’enfant. Mais il peut aussi être épuisant. Il faut aimer les enfants et l’humain en général. Sinon on ne tient pas ». 

Sabrina a un agrément pour recevoir trois enfants, et parfois quatre sur dérogation « pour ne pas séparer les fratries ». « Je ne reçois que des ados » indique-t-elle. Pour elle qui bouge beaucoup, accueillir des enfants plus âgés est moins contraignant, même si c’est souvent les plus difficiles. En ce moment, elle s’occupe de deux adolescentes. « Comme je le dis à tous les enfants que je reçois, mon but est de les accompagner à être autonomes » précise Sabrina qui met un point d’honneur à combler leurs lacunes scolaires, quitte à leur financer sur ses fonds propres des cours de soutien, pour qu’au moins ils sachent lire et écrire quand ils sortent de chez elle. D’ailleurs elle est fière d’annoncer que l’une des deux adolescentes qu’elle accueille chez elle en ce moment, a reçu le prix d’excellence ce trimestre. 

Elle leur apprend aussi à entretenir leur espace de vie après leur avoir montré les techniques de nettoyage. « Je ne suis pas votre boniche » leur répète celle qu’ils nomment « Tati ». Et ils lui sont généralement reconnaissants. Tous les enfants dont elle s’est occupée jusqu’à leur majorité et qui sont désormais en métropole l’appellent régulièrement. Parfois c’est pour demander une recette de cuisine, d’autres fois pour la remercier. « Mon plus beau souvenir c’est lorsqu’un jeune m’a dit au téléphone : « j’avais du mal à comprendre tout ce que tu me disais de faire. Mais maintenant que je suis adulte je vois tout ce que tu m’as appris. Tu as été comme une maman pour moi » rapporte-t-elle avec émotion.

Le métier d’assistant familial n’est pas toujours tout rose. Certains enfants ont des comportements violents qui mettent en danger à la fois les autres qui sont placés dans la même famille mais aussi l’assistant familial lui-même. Divorcée, Sabrina vit seule et il lui est arrivé de devoir refuser un enfant pour se protéger. « Un jour un jeune de seize ans qui m’accusait d’avoir pris son portable a voulu me tabasser. Je suis restée calme et j’ai appelé l’éducateur puis j’ai expliqué que je ne pouvais pas garder un adolescent aussi violent. ». 

En plus de carences éducatives certains enfants ont des pathologies lourdes pour lesquelles les familles d’accueil ne sont pas préparées. Sabrina a déjà accueilli un enfant qui avait le SIDA et depuis quelques mois, elle s’occupe d’une jeune diabétique. « Il y a eu des moments difficiles. Elle est restée plusieurs semaines à l’hôpital car les médecins n’arrivaient pas à stabiliser sa glycémie. Je devais y aller tous les jours pour lui faire prendre son bain et aussi l’accompagner sur le plan scolaire ».

En plus de ces va-et-vient stressants, Sabrina est partie suivre une formation en Guadeloupe pour pouvoir s’occuper de la jeune fille chez elle et lui faire ses piqures d’insuline. « Au début j’étais paniquée je me réveillais plusieurs fois par nuit pour contrôler sa glycémie. Depuis j’ai appris à détecter les signes d’hypo ou d’hyperglycémie » avance celle qui dit être en quelque sorte devenue son infirmière. D’ailleurs plutôt que de la confier à une collègue quand elle part en congés, elle emmène l'adolescente en croisière avec elle. 

La vingtaine d’assistantes familiales de Saint-Martin, auxquelles s’ajoutent dix autres en Guadeloupe chargées d’accueillir des enfants de Saint-Martin, sont regroupées au sein de l’association AKAFSM (association kangourou des assistants familiaux de Saint-Martin). Elles se réunissent pour échanger sur les difficultés comme un groupe de parole et organisent également des sorties communes avec les enfants. Mais aimeraient bénéficier de plus d'accompagnement psychologique. 

« Le service de la protection de l’enfance de la Collectivité a fait beaucoup d’efforts depuis deux ans. Mais au départ on vous confiait un enfant sans explication » note Sabrina. Elle explique qu’à la différence de son propre enfant que l’on a vu naître et grandir, on ne connaît pas l’historique d’un enfant confié. Il faut alors arriver à décoder certains comportements ou réactions. « Parfois une réaction violente de la part d’un enfant est un cri d’appel » considère-t-elle. 

Depuis 2012 la collectivité a mis en place une formation pour préparer le DEAF (diplôme d’Etat des assistants familiaux). Diplôme que Sabrina a obtenu en plus du CAP Petites Enfances auquel elle avait pris l’initiative de s’inscrire avant la mise en place du DEAF. « J’ai appris beaucoup sur la psychologie de l’enfant, la maltraitance, les comportements pour détecter ce qui ne va pas et aborder cette problématique » avance-t-elle. Pour elle, c’est uniquement avec des formations qu’on acquiert ce genre de compétences et il faudrait les développer, notamment  des formations en immersion pour les nouvelles recrues avec un système de tutorat. « Il faut non seulement apprendre à gérer des enfants en difficulté mais aussi des parents parfois problématiques qui n’acceptent pas le placement » explique-t-elle. 

Malgré les difficultés, Sabrina prévoit de continuer jusqu’à la majorité de la plus jeune des ados placées chez elle, soit jusqu’à la retraite. « On sait qu’on ne les sauvera pas tous. Mais on est là pour adoucir leurs souffrances. Ils vont devoir vivre avec leur passé il faut les aider à en faire une force. » 

 

*Le prénom a été modifié pour assurer l’anonymat de la personne interviewée et des enfants accueillis chez elle

Fanny Fontan
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Comment Je poux fait une Accueille familiale