22.08.2018

Les Compagnons bâtisseurs vont entamer la deuxième phase de leur chantier

Cette deuxième phase vise à réhabiliter les toitures de 120 bénéficiaires, détruites par Irma.

Les Compagnons bâtisseurs s’apprêtent à entamer la deuxième phase de leur chantier à Saint-Martin. L’association, qui œuvre notamment pour l’amélioration de l’habitat, a débuté en janvier dernier sa mission sur l’île, financée par la Fondation de France. L’objectif étant de mettre hors d’air et hors d’eau les sinistrés d’Irma.

Avec un budget de 500 000 euros, la première phase a consisté en seize chantiers démarrés en mars à Quartier d’Orléans et menés par une équipe restreinte composée d’un coordinateur, Olivier Scherrer, de deux animateurs techniques et de quatre volontaires en service civique.

En plus de la logistique : achat de camions, repérage de fournisseurs d’outillage et de matériaux, les Compagnons bâtisseurs ont mis en place des partenariats avec les associations locales comme le Centre symphorien d’insertion et Sandy Ground on the Move afin de sélectionner dix-huit familles bénéficiaires. Les charpentes et toitures de treize maisons à Quartier d’Orléans et trois à Sandy Ground ont ainsi été entièrement réparées dans les repect des nouvelles normes établies par l’institut caribéen après Irma. L’association d’insertion AIDESM, est intervenue par la suite pour réinstaller portes et fenêtres. Puis, des associations comme SOS Enfants des îles du Nord ont aidé au réaménagement.

L’enjeu n’était pas seulement de reconstruire, mais de mieux préparer la société saint-martinoise aux catastrophes climatiques. C’est pourquoi les Compagnons bâtisseurs ont également mené des réunions d'information à l’auto-reconstruction chaque samedi matin à Quartier d’Orléans où ils ont entreposé un container, et prêté des outils professionnels à la population.

La deuxième phase s’appuie sur un budget exceptionnel de 3, 5 millions d’euros, supérieur à celui de toutes les antennes de métropole réunies. Des moyens beaucoup plus conséquents qui devraient permettre de remettre en état les logements de 120 familles d’ici un an. La main d’oeuvre sera ainsi considérablement renforcée et comprendra six équipes. Quatre professionnelles composées d’un chef de chantier et de trois ouvriers polyvalents, et deux équipes destinées à l’auto-réhabilitation accompagnée, composées d’un chef de chantier et de quatre volontaires en service civique, dont la moitié, dans l'idéal, recrutés localement.

Mardi 21 août, s’est déroulée la première commission d’attribution avec des représentants de l’Etat, de la COM, mais aussi les associations Sandy Ground on the Move, Trait d’Union, le Secours Catholique, et SOS Enfants des îles du Nord. Dix bénéficiaires de Sandy Ground ont ainsi été sélectionnés. La mise en place des premiers chantiers est prévue entre le 10 et le 15 septembre prochain. Le projet doit se poursuivre au rythme d’une commission par mois, définissant à chaque fois le nombre de bénéficiaires. 

Selon le diagnostic du bâti établi par un collectif d’architectes à la demande de l’Etat et de la COM et présenté début juillet lors du conseil territorial, 13,5 % des 2751 logements examinés étaient encore partiellement ou entièrement recouverts de bâches. Toutefois, trouver des bénéficiaires qui correspondent aux critères sociaux et architecturaux établis par les Compagnons n’est pas si aisé. Les chantiers se réduisent au fur et à mesure du temps. 

Les critères sont effectivement plutôt précis : la surface de toiture à réparer ne doit pas excéder 110 m2. La maçonnerie doit être en bon état, car ce n’est pas là-dessus que les Compagnons vont intervenir. La maison doit normalement être inscrite sur le cadastre, il ne doit pas s’agir d’une copropriété. Les bénéficiaires sont des personnes non assurées qui se trouvent dans une situation de précarité voire de grande précarité. Les familles prioritaires sont les monoparentales, ou celles qui comprennent une personne âgée, des enfants, ou une personne handicapée. Elles sont incitées à participer, soit en aidant aux travaux, soit financièrement. Certains propriétaires, bénéficiaires des premiers chantiers, généralement des personnes âgées et malades impécunieuses, se sont ainsi engagés à réduire les loyers pendant une période déterminée. Sinon, avec l’aide d’une assistante sociale, leur participation a été calculée pour être échelonnée dans le temps. Parfois, les familles ont contribué en préparant à manger aux Compagnons.

La première phase, envisagée comme un test, a permis de soulever plusieurs difficultés : « Parfois les personnes n’avaient d’autre choix que de rester vivre dans leur maison pendant les travaux. Les équipes ont donc dû gérer pour causer le moins d’inconfort possible. Ce qui n’a pas permis d’avancer aussi vite que prévu. » explique Thierry Guenand, qui remplace provisoirement Olivier Scherrer à la coordination. « Nous avons aussi été confrontés à des difficultés d’approvisionnement extraordinaires. Les délais vont en s’améliorant mais la demande augmente également comme les assurances ont commencé à verser les indemnités » ajoute-t-il. Il recherche donc un espace de stockage tampon, en plus de véhicules utilitaires qu’il va certainement devoir faire venir de Guadeloupe.

Au-delà des difficultés matérielles, les Compagnons bâtisseurs ont surtout du mal à recruter localement. Ils cherchent douze personnes pour compléter leurs équipes. Non seulement des ouvriers multitâches (OP1) mais aussi des jeunes en service civique. « S’ils tiennent les six premiers mois, ils seront embauchés comme ouvriers pour les six suivants et auront l'opportunité, s’ils le désirent, d'entrer dans le cycle des Compagnons du devoir, avec lesquels nous avons des passerelles, afin de choisir la voie d’excellence » avance Thierry Guenand.

Par ailleurs, dans le cadre de leur programme d’auto-réhabilitation accompagnée, les Compagnons bâtisseurs vont mettre en place un deuxième container, cette fois à Sandy Ground afin de continuer leurs sessions « d’information formative » et de prêt d’outillage professionnel à ceux qui voudraient faire de l’auto-construction. Toutefois, après avoir constaté que 90% des maisons qui n’ont pas tenu lors du passage d’Irma avaient, soit reçu un projectile, soit été construites en dehors de toute norme, ou bien possédaient des charpentes vétustes, non traitées et souvent infestées de termites, les Compagnons conseillent de reprendre les toitures légères (tôles et bois) sur les maisons prévues à cet effet pour se prémunir des risques parasismiques. 

 

"L’origine des Compagnons Bâtisseurs remonte à la fin de la seconde guerre mondiale dans le contexte de la guerre froide. Des millions de personnes originaires des pays de l’Est viennent trouver refuge en Allemagne et en Autriche. En 1953, le père fondateur Werenfried Van Straaten fait appel à des étudiants pour aider les réfugiés à construire des logements. Cet appel donne naissance aux Compagnons Bâtisseurs. En France, le mouvement voit le jour en 1957. De jeunes volontaires participent alors à des chantiers castors (des ouvriers qui construisent leur maison). Petit à petit, le mouvement grandit et se structure" peut-on lire sur le site internet des Compagnons Bâtisseurs.

 

Photo : charpente "d'exposition" destinée aux réunions d'information à Quartier d'Orléans (avril 2018)

Fanny Fontan
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Comment ça se structure à Sandy ground ? Le nouveau conseil de quartier se mobilise t'il pour la réfection des toitures des pauvres non-assurés ? Une enquête JOURNALISTIQUE de terrain serait utile en complément d'information.