26.12.2016

Timeshare : « On n'est pas là pour casser le business des autres »

Des "rabatteurs" (Outside Personal Contact) assurent ne pas vouloir importuner les riverains et nous expliquent leur travail.

« A chaque fois qu’un article paraît sur le timeshare c’est toujours à cause de ce spot, donc il faut qu’ils bougent » considèrent Julie et Léa* qui travaillent en binôme comme OPC (Outside Personal Contact). La semaine dernière, la presse s’est fait l’écho de la gronde des riverains d’Oyster Pond. L’un d’entre eux dénonçait dans un courrier adressé à la préfète le 29 novembre dernier, les pratiques des vendeurs de timeshare qu’il accusait de nuire à la tranquillité du voisinage.

"UN SYSTEME QUI MARCHE"

Les OPC sont tous indépendants et travaillent principalement pour le Westin Dawn Beach Resort ou le Divi Little Bay Beach Resort. Leur mission est d’y ramener des touristes. Ils les abordent ainsi sur la voie publique et leur font gratter un coupon, toujours gagnant, qui leur permet de remporter un cadeau (bons d’achat en bijouterie, pour un repas au restaurant, excursions, location de voiture…). Pour récupérer ce cadeau bien réel, ils doivent se rendre dans l’un des complexes hôteliers et consacrer 60 à 90 minutes de leur temps à une équipe de vendeurs. Ces derniers tenteront de leur faire acquérir le droit d'occuper chaque année une résidence pendant une durée déterminée. Ou, plus fréquent aujourd’hui, un nombre de points. Une valeur en points est en effet attribuée à chaque résidence/semaine et ces points peuvent s’utiliser comme monnaie d’échange pour partir en vacances dans l’une des 3000 résidences d’un réseau de 80 destinations. Les clients cibles sont des couples qui gagnent au minimum 50 000 $ par an et partent en vacances en famille au moins deux fois par an. Avec 20% de « closing », les filles peuvent affirmer : « c’est un système qui marche ! ».  

Chaque fois qu’un couple se rend à l’hôtel, le binôme d’OPC, qui n’a aucun salaire fixe, reçoit entre 150 et 200$. Pour y parvenir, à chacun sa stratégie. « Le management ne nous dit pas de nous placer à tel ou tel endroit » affirme Julie. Il y a des spots très prisés comme le parking de Grand Case, ou le marché de Marigot. « Oyster Pond, c’est un très bon spot » reconnaît-elle. L’endroit où se mettent les OPC a effectivement l’avantage de combiner beaucoup de passages et un ralentisseur.  Et quand on lui expose les reproches des riverains (trop de bruit, occupation des places de parking des résidents…) elle répond : « Leur spot est un peu leur bureau. Si j’habitais là je pèterais un câble. Je pense qu’ils devraient quitter ce spot, il y en a plein d’autres sur l’île ». Avant d’ajouter : « L’image que les locaux ont de nous est importante et la bonne entente est plus intelligente. On n'est pas là pour casser le business des autres ou importuner les habitants».

"AVOIR UNE GRANDE RESISTANCE À L'ÉCHEC"

Pour cause, en règle ni côté français, ni côté hollandais, les OPCs ont plutôt intérêt à ne pas faire de vagues. « Nos patrons paient des taxes côté hollandais mais nous ne sommes pas autorisés à travailler à Saint Martin. La police nous y fait vraiment la guerre ». Côté français, les OPC sont logiquement tenus de faire une déclaration préalable au registre du commerce, et doivent détenir une autorisation d’occupation du domaine public. « C’est dur de gagner notre vie aujourd’hui. On a une image de gros friqués mais on ne gagne pas autant d’argent que les gens le pensent. Si on devait être déclarés et payer des taxes, on n’aurait plus grand chose… ». Avec environ vingt couples par mois en haute saison les jeunes filles déclarent gagner chacune une moyenne de 2000$ par mois et travailler six jours sur sept. Leur voiture de location est en partie remboursée par leur employeur, dès lors qu’ells atteignent un certain quota de clients par mois. Mais les frais d'essence (10$/jour) sont à leur charge.

Ce travail ne comporte pas « des masses d’avantages si ce n’est d’être payé rapidement » confie Léa. Pour être embauché, nul besoin d’être diplômé, il faut toutefois selon Julie « une grande résistance à l’échec » et une bonne condition physique. Toujours au volant, les OPC sont soumis aux risques de la route (trafic, risques d’accident) et ont souvent des problèmes de dos.« Y’a des journées super drôles et d’autres qui font vraiment péter un câble » résument-elles. Leur réussite dépend aussi du nombre de vendeurs disponibles à l’hôtel une fois qu’elles y arrivent avec un couple « qualifié ». En haute saison, il n’est pas rare qu’ils doivent attendre plus d’une heure. Certains clients perdent patience et s’en vont alors les OPC ne touchent pas leur commission. 

« On est très critiqué et on est toujours en train de s’excuser, mais ce qu’on fait est important pour l’économie de l’île » avancent Julie et Léa qui rappellent que la plupart des hôtels de la partie hollandaise sont vendus en timeshare, ainsi que certains côté français, même s’ils ne sont plus commercialisés. Et la majorité de la clientèle américaine vient à Saint-Martin grâce au timeshare. 

 

*les prénoms ont été modifiés

Fanny Fontan
2 commentaires

Commentaires

C'est toujours la même chanson. Les gens à Sxm crachent sur les opc toute l'année mais sont bien content de récupérer la clientèle une fois de retour sur l'île pour qu'ils viennent dépenser leur sous dans leur établissements. Sans la clientèle de timeshare la partie française peut fermer boutique.

Vous avez bien raison ; les hôteliers de la partie française sont les seuls légitimes à la complainte, bien que les tarifs sont parfois un peu exorbitants pour des prestations (équipement des chambres etc. ...)au rabais. Le time share est un mode de consommation très prisé de la clientèle nord américaine et fidélise pour tous les acteurs du tourisme une clientèle bien ancrée dans ses "petites habitudes". J'ai vendu des fleurs entre autres dans les restaurants de Grand Case et ai retrouvé grace au time share les memes clients américains chaque année, et à la meme période ! Souhaitant une belle saison et de belles fêtes de fin d'année à tous ces OPC bien précaires dans leur statut qui préparent avec les vendeurs, le gagne-pain des autres acteurs économiques du tourisme, en montant des tours qu'il pleuve, qu'il vente et closant des ventes avec brio !