01.01.2016

Hôpital : un déficit de 4,4 M€

La Chambre territoriale des comptes de Saint-Martin a rendu public un avis sur la situation financière du centre hospitalier.

Saisie par le directeur de l'Agence régionale de la santé (ARS) en avril dernier, la CTC a procédé à l'analyse financière du centre hospitalier Louis-Constant Fleming et sans grande surprise, elle a constaté «un déficit» de quelque 4,4 millions d'euros. Bien qu'un «contrôle des comptes annuels d’un tel établissement ne peut être réalisé de manière exhaustive dans un délai de deux mois», souligne-t-elle, la CTC a relevé un «manque de fiabilité». Au 31 décembre 2014, « le compte financier provisoire présente un déficit comptable de 870 041 €» contre -1,52 million d'euros un an plus tôt et -1,97 M€ en 2012, révèle le rapport qui précise en outre que si les «aides exceptionnelles de l'ARS» à hauteur de 3,5 M€ n'étaient pas prises en compte, le déficit «corrigé» s'établirait alors à 4,37 M€ en 2014, contre -2,98 M€ en 2013.

La CTC observe toujours des difficultés structurelles de trésorerie. Celle-ci est «de 1,2 M€ au 13 avril 2015» et «le solde de trésorerie prévisionnelle estimé fin avril (tenant compte des mandats non payés) s’élève à - 9,6 M€». Une situation qui génère notamment des dettes «importantes» envers les fournisseurs (3,1 M€ d’impayés fin avril 2015).

 

23,1 M€ DE RESTES A RECOUVRER

L'une des principales raisons à ces difficultés est un trop faible taux de recouvrement des créances, seulement 30 %. Le solde des restes à recouvrer sur hospitalisés et consultants s’élève à 23,1 M€ au 31 décembre 2014. Ce manque de performance s'explique notamment par le fait que les patients disposent de faibles revenus, indiquent de fausses adresses et des droits aux mutuelles erronés, que 45 % d'entre eux sont non assurés et que nombreux d'entre eux sont d'origine étrangère avec aucune convention de prise en charge. A noter que le centre hospitalier recourt depuis mai 2014 à une société d'affacturage dont la mission est de recouvrer ses créances sur les patients étrangers. La prestation est facturée à hauteur de 15 % du montant de la créance, 15 % qui sont prélevés directement sur la facture du patient. Mais si le patient ne paie pas, la facture à la société est réglée par l'hôpital. La CTC met aussi en cause les longs délais de traitement de la Sécurité sociale, «plusieurs mois», «alors même que le délai de prescription des créances sur la Sécurité sociale est court (un an)». Et d'admettre ainsi que «ce délai réduit aussi les chances de retrouver le patient», donc qu'il paie.

 

PLAN DE RETOUR A L'ÉQUILIBRE

La CTC s'est aussi intéressée aux propositions de mesures de redressement, lesquelles doivent permettre une réduction de ses charges de 4,4 M€ entre 2014 et 2017. Le centre hospitalier entend faire des économies au niveau des charges du personnel, qui représentent deux-tiers des charges, soit 26,38 M€, des charges à caractère médical et hôtelières, des dotations aux amortissements et aux provisions. La chambre territoriale des comptes estime effectivement que le centre hospitalier de Saint-Martin «dispose de réelles potentialités d’amélioration de sa situation» mais semble réservée quant aux chances de succès du plan de retour à l'équilibre, car les efforts affichés sont trop timides. Et de suggérer entre autres de «réduire davantage les charges de personnel en ne remplaçant pas certains personnels partant à la retraite, en ne renouvelant pas certains CDD, en engageant un plan de lutte contre l’absentéisme, d'améliorer le fonctionnement et la performance du bureau des entrées, d'améliorer le codage des actes médicaux».

L'ARS et la Sécurité sociale sont aussi invitées à fournir des efforts en vue d'aider l'hôpital à recouvrer un équilibre budgétaire, parmi lesquels la prise en charge d’une partie de l’apurement des créances irrécouvrables, de raccourcir les délais relatifs à l’ouverture des droits des patients, au besoin en organisant l’instruction des dossiers à Saint-Martin.

 

  • Une tarification des actes peu avantageuse

La chambre territoriale des comptes souligne en outre une différence de tarification des actes hospitaliers entre les établissements de Saint-Martin et de Guadeloupe, une différence au détriment du CH de Marigot dont les recettes en sont d'autant réduites. Les actes pratiqués en médecine et obstétrique sont en effet facturés 25 % plus chers à Pointe à Pitre qu'à Saint-Martin. Aussi la CTC suggère-t-elle  à l'Agence régionale de santé qui fixe ces tarifs, de les revoir à la hausse afin d'augmenter les recettes du CH de Saint-Martin.

  • Réduire le coût des Evasan

Les évacuations sanitaires (Evasan) par avion vers la Guadeloupe et la Martinique pèsent aussi beaucoup dans les comptes de l'hôpital ( 1 M€ en 2014, 2,5 M€ estimé cette année). Elles sont facturées 10 000 euros chacune et sont à l'unique charge de l'hôpital ; la Sécurité sociale ne les prenant pas en charge pour des raisons administratives. En effet, l’aéroport de Grand Case ne permettant pas une évacuation par avion de ligne régulière vers les CHU de Pointe-à-Pitre ou de Fort-de-France, le CH de Saint-Martin doit avoir recours à un prestataire opérant à partir de Juliana, soit une ligne non régulière. Or, la Sécurité sociale ne rembourse les Evasan uniquement lorsqu'elles sont assurées sur une ligne régulière. La CTC invite néanmoins le centre hospitalier à relancer rapidement un appel d’offres pour les évacuations sanitaires. Dans cette attente, elle demande à la Sécurité sociale d'adapter modalités de prise en charge de certains de ces transports.

Estelle Gasnet