26.01.2016

RUP ou PTOM : Daniel Gibbs poursuit sa réflexion

Loïc Grard, professeur de droit public à l'université de Bordeaux

C'est une question que le leader de l'opposition se pose depuis longtemps : quel est le meilleur statut européen pour la partie française de l'île ? Faut-il conserver celui de région ultrapériphérique (RUP) dans lequel le droit communautaire doit être appliqué ou opter pour celui de petit territoire outre-mer (PTOM) qui permet de sortir du périmètre européen en matière de législation ? La réponse n'est pas évidente et les deux statuts présentent chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Pour Daniel Gibbs, il est par contre évident qu'«une harmonisation» doit se faire au niveau de l'île.

Dans sa réflexion, l'élu local se fait accompagner de spécialistes de la question. Il a ainsi missionné un professeur de droit européen à l'université de Bordeaux pour lui apporter des éléments d'analyse. Loïc Grard, professeur spécialiste du droit européen à l'université Bordeaux IV, a été invité à Saint-Martin pour présenter son travail et surtout le compléter au gré de rencontres avec les institutions et les socioprofessionnels locaux.

 

UN TERRITOIRE AVEC TROIS DROITS ET UN AUTRE AVEC UN SEUL DROIT

Résumée, la situation est la suivante. D'un côté de l'île, il y a un territoire sur lequel s'appliquent trois droits : le droit local (compétences de la Collectivité), le droit national français et le droit européen, c'est Saint-Martin qui est RUP. De l'autre côté, il n'y a qu'un droit, le droit local, celui de Sint Maarten qui est un PTOM. Il est évident que plus il y a de directives à respect, plus le fonctionnement d'un territoire est compliqué. Néanmoins, le choix de devenir un PTOM pour justement ne plus être soumis à toutes ces règles, ne peut être aussi aisé à prendre. Car, le statut de RUP présente un avantage certain, celui des fonds structurels. En effet, la partie française bénéficie d'une enveloppe de 70 millions d'euros sur une période de sept ans pour financer des projets dans des domaines divers (économique, environnemental, santé, social, etc.) alors que Sint Maarten ne reçoit que 3 millions sur une période de temps similaire au titre du fonds européen de développement (FED). Outre des chantiers comme la médiathèque ou la cité scolaire financés en grande partie par l'Union européenne, de nombreuses structures associatives et entreprises reçoivent des subventions de la part de Bruxelles pour démarrer. Et créer des emplois. Parmi ces entreprises, celle justement qui a construit le bâtiment où Daniel Gibbs a tenu sa conférence de presse à ce sujet...

Pour chacun des statuts, le professeur a articulé son exposé en thèse antithèse. «Tout dépend du projet de société et de développement de Saint-Martin que souhaitent les élus», est-il tenté de dire. Car changer de statut est possible. La COM doit en faire la demande à Paris qui ira défendre le dossier à Strasbourg. «Les changements de statuts de certains territoires comme Mayotte devenu RUP et de Saint-Barth devenue elle PTOM, sont passés comme des lettres à La Poste. Donc si Saint-Martin en faisait la demande, il ne devrait pas y avoir de problème à ce que les 28 pays membres n'approuvent pas. Sauf, peut-être les Pays-Bas de qui dépend Sint Maarten», a commenté Loïc Grard.

 

UN MELANGE DES DEUX STATUTS

Toutefois, le professeur a donné d'autres pistes de réflexion allant vers un mélange des deux statuts. Autrement dit de conserver le statut de RUP tout en demandant des dérogations pour que des décisions propres à un PTOM soient appliquées. Il est en effet possible de solliciter la non-application de certaines directives européennes sur le territoire de Saint-Martin, des directives considérées comme trop contraignantes et freinant le développement du territoire. La COM doit en faire part à Paris qui doit défendre le dossier auprès des instances européennes. Si ces demandes de dérogations n'étaient pas faciles à motiver, elles le sont beaucoup plus, selon le professeur de droit, depuis qu'un arrêt a été rendu en ce sens en décembre dernier au sujet de Mayotte.

Enfin, Loïc Grard a attiré l'attention de l'élu local et des personnes qu'il a rencontrées, sur l'évolution du statut de PTOM. «Bruxelles cherche à contraindre un peu plus ces territoires qui prennent trop de liberté à son goût... Dans une décision du 25 novembre 2013, le Conseil européen introduit l'idée d'un glissement du statut de PTOM vers celui de RUP afin de les intégrer davantage à l'Union européenne», confie-t-il. Celui-ci ne serait ainsi pas surpris de voir naître des contraintes pour les PTOM, dont Sint Maarten, d'ici les années à venir. «La question du statut européen de Saint-Martin ne peut être tranchée avec précipitation. L'évolution des RUP et des PTOM ainsi que le devenir européen de Sint Maarten incitent à une analyse poussée des possibilités offertes», admet Daniel Gibbs qui entend poursuivre sa réflexion.

Estelle Gasnet