06.06.2025

Sargasses : comment les collectivités se sont organisées pour gérer ce phénomène

Les chambres régionales des comptes Antilles-Guyane se sont intéressées à la gestion de la lutte contre les sargasses en Martinique, Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les travaux ont été menés en 2023 et 2024 et portent sur la période 2018-2023. Sept collectivités ont été contrôlées : Capesterre à Marie Galante, Saint-François, Terre de Haut en Guadeloupe, Le Robert, le Vauclin en Martinique, Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Les communes et COM sont responsables de la gestion de ces algues car celles-ci «ne font pas l'objet d'une définition juridique et d'une classification dans la catégorie déchets» ; les maires ou présidents des COM sont donc «seuls à pouvoir agir directement dans la lutte contre les échouements». Ils doivent «veiller à réduire au maximum l’exposition de la population aux conséquences des échouements de sargasses par la mise en œuvre de moyens de prévention, de ramassage et de stockage» sur leur territoire respectif.

Les chambres régionales des comptes rappellent par exemple que la population doit être informée des risques or, les collectivités ont «peu intégré cet enjeu de gestion dans leur politique de prévention des risques». «L'information à la population reste incomplète et variable malgré les outils de prévention mis à disposition», notent les chambres.

Aspects financiers

Concernant le coût financier de la politique de lutte contre les sargasses, il est estimé pour la période 2018-2023 pour les sept communes/collectivités contrôlées (hors Saint-Barth) à 15,6 millions d’euros. «Les dépenses des collectivités représentent en moyenne 55 % du coût global soit 8,8 millions d’euros et 45 % pour les partenaires institutionnels (État, EPCI, Feder) soit 6,7 millions d’euros», précise le rapport. A noter que Saint-Barth est le seul territoire à avoir financé cette politique sur ses fonds propres (6,1 millions d'euros). Après le Robert, Saint-Martin enregistre le coût le plus important (4,42 millions d'euros).

Selon les chambres régionales des comptes, «le suivi financier et la capacité des collectivités à justifier les dépenses auprès de leurs partenaires financeurs afin d’obtenir les soldes de subventions sont insuffisants. Ainsi, les collectivités ont perçu 3,5 millions d’euros de subventions soit, en moyenne, 36 % des recettes qui leur avaient été notifiées». A Saint-Martin, les fonds notifiés à la COM se sont élevés à «1,26 M€» et les «fonds perçus à 98 400 €».

Les chambres régionales des comptes relèvent toutefois que «la comptabilisation du coût réel de la gestion des sargasses n'est pas fiable hormis pour les îles du nord» car celles-ci ont mis en place «des systèmes de contrôle : pesée sur la balance de l’écosite à Saint-Martin et suivi des quantités à l’occasion du marché de prestation de service à Saint-Barthélemy»*.

Par ailleurs, le rapport indique «une performance inégale» selon les collectivités dans la lutte contre ces algues avec des «modes de gestion différents». De manière générale, il est souligné que «les organisations internes des collectivités ne sont pas adaptées et [que] de nombreux équipements ont été financés à perte faute d’entretien et de disposer des ressources internes qualifiées». Sur ce point, Saint-Martin est citée de même que Saint-François et Capesterre de Marie-Galante.

Les collectivités ont également recours à des prestataires en dehors des procédures formalisées des marchés publics ou selon des critères d’attribution non objectivés, Saint-Martin ne fait pas exception avec le «recours à des réquisitions en contradiction avec le cadre juridique précis de cette procédure»**.

Stockage des algues, compostage

Le rapport note que «le stockage des sargasses est traité sur le mode de l'urgence sans aucune stratégie» alors que «le phénomène est récurrent depuis dix ans», «hormis à Saint-Martin». Il explique que la COM a fait le choix de stocker les sargasses à l'écosite contrairement aux autres communes : «d'abord facturées en déchets verts triés, les sargasses ont été basculées dans la catégorie des déchets de casier de [la déchetterie] correspondant aux matériaux de recouvrement. Néanmoins, l'entreposage en qualité de déchets verts ou de matériaux de recouvrement pour l’ISDND (déchetterie, ndlr) ne garantit pas le respect des normes de récupération des métaux lourds.»

Les chambres régionales ont en outre observé que la solution du compostage expérimentée à Saint-Martin, Saint-Barth et au Robert, a finalement été abandonnée à cause de la présence trop importante de sable et que cette commercialisation implique le contrôle strict (donc contraignant) des concentrations en arsenic, métaux lourds et sels. De plus, les chambres des comptes estiment que l'utilisation des sargasses «pour recharger les plages et contenir le phénomène d'érosion côtière» comme au Vauclin ou à Saint-Martin (par les privés) est «opérée sans avoir évalué le risque sanitaire, lié notamment à l’arsenic, pour la population. De la même manière, aucune étude sur les conséquences environnementales n’a été réalisée.»

Les chambres des comptes ont pris en compte l'ambition de «l’entreprise qui exploite [la déchetterie à Cul de Sac à Saint-Martin de prévoir] d’ici 2026 la construction d’une unité de valorisation énergétique (UVE) des déchets capable d’absorber la totalité des tonnages de sargasses collectés sur le territoire pour produire par pyrogazéification 10 % des besoins en électricité de Saint-Martin ».

Enfin, à titre informatif, la quantité d’algues dans l'océan Atlantique a atteint un niveau record de 8,7 millions de tonnes entre décembre 2022 et janvier 2023.

*Dans le rapport de gestion de la COM de Saint-Martin pour la période 2018-2023, la chambre territoriale des comptes avait constaté que ces coûts étaient surévalués.

** Dans le rapport de gestion de la COM de Saint-Martin pour la période 2018-2023, la chambre territoriale des comptes avait constaté ces irrégularités.

Estelle Gasnet