22.03.2024

Hôpital : comment les services ont été stabilisés en termes d'effectifs

Prioriser le recrutement de médecins de manière pérenne était une des volontés de l’ancienne direction du centre hospitalier (CH) Louis-Constant Fleming de Saint-Martin afin de stabiliser les effectifs du personnel soignant et assurer un meilleur parcours de soins. La nouvelle direction par intérim, en place depuis juillet, fait le point sur la situation des services où les effectifs étaient manquants et évoque les perspectives des services de soins. 

Le CH connaissait des difficultés dans le service anesthésie qui, depuis 2019, ne fonctionnait qu'avec des intérimaires. Selon l'ancienne directrice, Mme Lampis, «ce n'était pas un mode de fonctionnement qui satisfaisait puisque cela coûtait cher et rendait difficile la conduite de projets à moyenset long termes ». Quelle est la situation aujourd'hui ? 

Anne Calais, directrice par intérim du CH : Il y a eu une très nette amélioration dans la permanence médicale puisque nous avons désormais une cheffe de service, le docteur Foumann. Actuellement, nous avons une stabilité sur les effectifs avec quatre anesthésistes à temps plein, qui des contrats de longue durée et au moins, deux d’entre eux envisagent d’être titulaires, praticiens hospitaliers. Si le métier d'anesthésiste reste en tension, le fait d'avoir un projet, une équipe qui se reconstitue avec un noyau permanent, permet de diminuer les risques d'absence préjudiciable. 

Valérie Heas, directrice du personnel du CH : La qualité et la continuité des soins sont nécessaires pour garantir un service de manière pérenne avec des personnes qui s’inscrivent dans le temps avec les patients.

Plusieurs agressions avaient été commises au sein du service psychiatrique par des patients sur les soignants, conduisant à des arrêts-maladies du personnel. La direction avait déclenché le plan blanc (modalité de gestion de crise) et des renforts de la Guadeloupe étaient arrivés. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

Anne Calais : Ces événements sont survenus dans un contexte où il n’y avait pratiquement plus de psychiatres ce qui était très péjoratif. Si des intérimaires qui se succèdent dans un service ou s'il n'y a qu'un seul médecin dans un service, les patients ne sont pas suivis de la même manière et leur traitement est parfois plus difficile à mettre en œuvre. 

À mon, arrivée, nous avons porté une attention particulière à cette situation qui a donné lieu à un plan de suivi avec les équipes de l’hôpital, y compris avec nos psychologues qui ont travaillé sur la cellule d’urgence médico-psychologique coordonnée par la Guadeloupe et le SAMU.

Pierre-Marie Linet, président de la commission médicale d’établissement (CME) et médecin urgentiste : Il y a un gros travail entre le patient et son psychiatre, si vous changez de psychiatre régulièrement face à des patients fragiles, l’ensemble de la prise en charge est plus complexe, car ils sont déstabilisés. 

Anne Calais : Nous avons mis en place un agent de sécurité 24h/24h au sein du service. Ça ne règle pas tout, toutefois ça rassure déjà les équipes. De plus, nous avons eu l’opportunité de stabiliser une équipe de quatre psychiatres, dont au moins deux qui s’inscrivent dans une longue durée et une titularisation, et nous avons revu le travail sur les effectifs masculins dans l’unité qui rassurent également.

Depuis l'obtention d'autorisation d'hôpital de jour en psychiatrie,  la prise en charge des patients pourra-t-elle être améliorée ?

Anne Calais : À Saint-Martin, il n’y a pas beaucoup d’alternatives à l’hospitalisation en psychiatrie. Les patients arrivent à l’hôpital dans des états de crise grave et donc étaient potentiellement violents. Grâce à cette autorisation, deux hôpitaux de jour psychiatriques pourront accueillir les patients d’ici cet été. Ce type d'hospitalisation s’adresse à des personnes dont l’état de santé nécessite des soins pendant la journée, mais qui sont en capacité de vivre chez elles, à domicile. Nous pensons constater des avantages significatifs pour les patients et le service. Cela ne veut pas dire qu’ils ne seront pas hospitalisés, cependant nous espérons que les patients connus chroniques seront mieux identifiés et traités avant la crise. 

Nous sommes actuellement en train d’aménager les locaux dont un à Concordia pour les adultes et un autre sur le front de mer de Marigot pour les enfants. Les embauches sont en cours, mais le plus difficile reste à recruter des pédopsychiatres. En attendant, nous avons une coopération avec l’établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe qui va nous mettre à disposition deux pédopsychiatres sur des interventions ponctuelles toutes les deux semaines. 

Aujourd’hui, notre secteur de psychiatrie reste un secteur de taille modeste avec douze lits et toujours confronté à la vivacité des patients qui n'ont pas demandé à être hospitalisés (sous contrainte). Mais on progresse, avec nos collègues de l’EPSM de Guadeloupe avec lesquels a été organisé en novembre dernier un séminaire sur la déstigmatisation des soins de santé mentale sur les Îles du Nord avec une logique de soins. 

De plus, il y a un projet à construire qui est celui de la communauté psychiatrie du territoire. Cette coopération est importante afin d’établir un vrai parcours de soin en psychiatrie au-delà de Saint-Martin et assurer un recours avec d’autres établissements, pourquoi pas en Guadeloupe voire en Martinique. Puisqu’il s’agit d’unités spécialisées ne pouvant être implantées partout, les unités existantes doivent être accessibles à tous les patients de la région pour recevoir les soins dont ils ont besoin. 

Le service gynécologie-obstétrique connaissait également des difficultés en termes d’effectifs ainsi que le service oncologie avec une seule oncologue, la situation s'est-elle améliorée ? 

Anne Calais : Nous avons quatre gynécologues. La qualité des soins est au rendez-vous et ce sont des contrats à longue durée. Pour l’heure, la situation est stabilisée.

Concernant l’oncologie, le Dr Laruelle qui était à temps plein en tant qu’oncologue va passer à mi-temps pour aller à l’hospitalisation à domicile (HAD) faire de l’oncologie ce qui permettra un meilleur suivi des patients. Ainsi, nous avons recruté un autre médecin oncologue. Cela dit, nous renforcerons volontiers les effectifs puisque l’activité est très importante. De plus, nous voudrions ouvrir d’autres demi-journées de chimiothérapie. 

Une convention a été signée avec le centre anticancéreux de Rennes, qu’en est-il ?

Anne Calais : Cette convention est une sécurité pour nous puisqu’elle nous donne accès à des réunions de concertation pluridisciplinaire où le traitement du cancer est décidé de manière collégiale avec plusieurs spécialistes qui convergent autour du patient pour qu’il ait la prise en charge dont il a besoin. Par ailleurs, pendant les vacances de nos praticiens ou lors de périodes où nous pouvons être un peu plus vulnérables, le centre anticancéreux de Rennes nous mettra à disposition des médecins.

Pierre-Marie Linet : À noter que dans n’importe quel CH, on ne peut pas faire de l’oncologie sans s’appuyer sur un centre de référence, c’est un travail de réseau qui se fait aussi en hexagone.

Quels sont vos objectifs en termes de services de soins ?

Anne Calais : Il y a trois orientations et la première est de renforcer le plateau technique. Cela comprend des projets en cours que l’hôpital ne met pas en œuvre seul, mais dans le cadre de partenariat comme le centre d’imagerie médicale de Saint-Martin (CIMIN) avec le Dr Bartoli et son équipe. Exploité par celui-ci, le projet est d’installer un scanner dans l’hôpital, un grand bénéfice pour les patients notamment en urgence, car pour le moment, ils sont transportés dans une ambulance pour passer leur examen à CIMIN. Ce sera un gain de temps et de qualité.

Le deuxième projet en cours d’étude est en lien avec le laboratoire Bio Pôle Antilles (qui intervient pour l’hôpital). Il est celui d’internaliser des structures biologiques au sein de l’hôpital, cela nous fera gagner un temps considérable pour le rendu des résultats, car les prélèvements sont ici transportés pour être analysés à Hope Estate. Le troisième projet est l’agrandissement du bloc opératoire, probablement l’année prochaine. L’objectif n’est pas forcément de s’autonomiser, mais de privilégier la coopération avec les partenaires. 

La deuxième orientation, c’est le service des urgences qui sera une priorité pour nous. Celui-ci va bénéficier de travaux. Il connaîtra un agrandissement important avec l’extension de l’hôpital actuellement en construction. Cet agrandissement permettra plus de lits d’unités de courte durée et de soins critiques et plus de lits en hôpital de jour. Enfin troisième orientation, le renforcement des services de soins avec la médecine, la cardiologie, la maternité, la gastro-entérologie et l’hôpital de jour.

Siya TOURE