06.02.2024

Réchauffement climatique : Saint-Martin fait partie des îles les plus menacées

D’après le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les catastrophes climatiques extrêmes seraient plus fréquentes et plus intenses à mesure que la température planétaire augmente. Saint-Martin et les Antilles en général n’échapperont pas à ces phénomènes climatiques, puisqu’elles « font partie des îles les plus menacées (…), les impacts y seront multiples». L’ouragan Irma a déjà donné un avant-goût « par sa puissance jamais identifié dans l'Atlantique, et il figure parmi les effets populairement attribués aux changements climatique». 

Dans les conditions actuelles de ce dérèglement climatique et pour prendre part dans cette course contre la montre, une véritable prise de conscience collective s’impose avec de nécessaires actions. Vincent Berton, préfet délégué de Saint-Martin, a sollicité le CESC, conseil économique social et culture, au sujet d'une réflexion sur la transition énergétique de l’île.  Ida Zin-Ka-Ieu, la présidente du CESC, a remis au représentant de l'Etat son rapport sur l’anticipation des effets du changement climatique à Saint-Martin en janvier. 

À l’horizon de la fin du siècle, « nous attendons un réchauffement climatique de l’ordre de 3 degrés, avec une réduction de la saison des pluies, une intensification des phénomènes cycloniques, le retrait du trait de côte etc », développe le préfet. «Toute une série de changements qui demande une nécessité d’adaptation de toute la société, de tous les secteurs d’activités sur une île très vulnérable et exposée à tous les risques naturels (cyclones, inondations, séismes etc) qui vont être accentués», considère-t-il. 

Une prise de conscience sur le sujet n’est pas assez présente sur le territoire saint-martinois, regrette-t-il. Notamment avec une énergie carbonée quasiment à 100 % d'origine fossile. « Nous partons de très loin en l’absence de décarbonation d’énergie, de nos modes d’activités, de construction, déplacements, de notre fonctionnement qui sont peu éco-responsables», expose le représentant de l’État. Selon Ida Zin-Ka-Ieu, le changement climatique nous demande de revoir nos modes de consommation et de vie. En outre, sortir des énergies fossiles est nécessaire pour faire face à l’urgence climatique car environ 70% de la production de gaz à effet de serre au niveau mondial résulte de la consommation d’énergies fossiles.

Saint-Martin n’est pas dotée d’industrie, le territoire est un faible émetteur de gaz à effet de serre mais cumule potentiellement beaucoup des effets négatifs induits par le changement climatique. Selon l’avis du CESC, l'empreinte carbone d'un résident saint-martinois peut être plus importante que l'on peut le supposer, car il est un gros consommateur de liaisons aériennes et de produits importés.

Chaque effet constaté du changement climatique met en péril le tourisme de l’île, qui lui-même n’est pas exempt d’incidences sur les causes. Le tourisme saint-martinois est dépendant de deux outils majeurs : les vols moyens et longs courriers et la croisière, deux activités particulièrement émettrices de gaz à effet de serre. La nécessité de continuité territoriale vécue par la population saint-martinoise vers la Guadeloupe ou l'hexagone est particulièrement émettrice de gaz à effet de serre. Quant aux bateaux de croisières qui détruisent les fonds marins, les chiffres sont sans appel : 250 et 2200 g de CO2 par passager par kilomètre, selon le type de bateau et le nombre de passagers selon une étude néo-zélandaise réalisée en 2021. « Ces bateaux libèrent du dioxyde de carbone, du méthane, mais aussi du carbone noir. Ces bateaux émettent par ailleurs de l'azote et de l'oxyde de soufre, ainsi que des particules en suspension », d’après Faïg Abbasov, responsable du Programme Navigation à la Fédération européenne pour le transport et l'environnement (T&E). 

"En substance, l'économie saint-martinoise dépend d'une industrie hyper-carbonnée et impose au territoire un défi à court terme hors du commun, celui d'une mutation économique profonde à défaut de pouvoir bénéficier d'un cadre plus ferme en termes d'émissions de CO2 aux industries du transport que sont l'aviation et la croisière", rapporte l'avis du CESC. 

Si bien que l’élévation du niveau des océans, les phénomènes de submersion concomitants aux évènements cycloniques, la régression des récifs coralliens, l'effet "brush" induit par les sargasses à la côte imposent de se pencher urgemment sur le devenir des zones les plus menacées par l'érosion et la submersion et de facto au tourisme. Baie Nettlé, Sandy Ground, Marigot, Friar's Bay, Grand-Case, Cul de Sac, Baie Orientale et certains secteurs à Quartier d'Orléans sont directement concernés par cette problématique.  

Enfin, courant février, tous les acteurs qui ont un rôle à jouer sur la question de la transition énergétique et climatique seront invités à participer à une conférence de parties initiées par l’ONU (COP). Celle-ci aura pour objectif de faire un constat partagé sur la situation de l’île et sur la mise en œuvre de cette transition, puis d'établir une feuille de route avec des axes d’actions prioritaires à l’échelle de 2030, qui viendront s’appuyer sur le rapport et avis du CESC. 

Le rapport du CESC détaille dans son avis les changements à venir, il est actuellement disponible sur son site internet.

Siya TOURE