01.12.2023

"Des maux mots d’amour", une pièce pour dénoncer les violences faites aux femmes 

Le 25 novembre était la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Pour autant, cette cause doit être portée quotidiennement, car tous les trois jours, une femme meurt en France hexagonale sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. « En 2021, plus de 500 faits de violence ont été enregistrés à Saint-Martin. En 2022, ces faits sont en hausse de 21% s’agissant des violences faites aux femmes. C’est trop, beaucoup trop ! », indique Audrey Gil, conseillère territoriale.

Combattre toutes les violences quelles qu’elles soient envers les femmes, démontrer qu’aucune violence n’a de place dans un foyer, qu’aucune violence ne doit être permise et tolérée et qu’aucune violence doit rester sous le silence. Telle était la volonté de plusieurs comédiens hier sur scène à travers leur interprétation dans une pièce de théâtre "Des maux mots d’amour". 

La représentation théâtrale a été organisée mercredi dernier à l’école Emile Choisy par la préfecture et l’Éducation Nationale, jouée par plusieurs personnes fonctionnaires d’État, Collectivité et du domaine privé. Plusieurs acteurs locaux (justice, associations, préfecture, collectivité, gendarmerie, éducation nationale etc) étaient présents. «Les maux mots d’amour», dénonce les inégalités et les violences de l’homme envers les femmes, le machisme de l’homme et sa violence, le déni de cette violence tant pour l’homme que pour la femme, l’emprise, les coups, la mort. Les comédiens ont pris en otage le public ce mercredi et nous étions tous témoins des violences de l’homme.  

Avant de laisser place à la pièce, André Botino, directeur de l’école Émile Choisy s’est adressé au public pour exprimer «un cri du coeur pour toutes les femmes de l’univers». « Si, chez certains animaux la domination du mal est de l’ordre du naturel, par contre, chez l’homme, quand on bat une femme, quand on harcèle une mère parfois potomitan (soutien familial), quand on torture une épouse, quand on viole une amante ce n’est point du naturel, ni de l’irrationnel. C’est toujours inacceptable et ce quelle qu’en soit la cause. Non à la violence ! », exprime-t-il. 

«Selon une enquête réalisée en 2019 auprès d’environ 200 000 femmes victimes de violences, 7 cas sur 10 sont des faits répétés et seulement 18% des victimes portent plainte», indique Harry Christophe, vice-recteur des îles du nord. «Des éléments qui doivent nous permettre d’avancer sur ce sujet grave, car après le drame ce sont des familles entières détruites», ajoute-t-il. 

«Nou ka di non», «toutes les violences ne sont pas visibles», «l’amour ne tue pas», «stop au silence», «lanmou pa ka fè mal». Des mots forts inscrits sur des pancartes que brandissaient fortement les comédiennes lors de l’ouverture de la pièce. «Respect women», «Plus jamais ça», ont-elles scandé avec conviction, colère, hommages. Elles ont dénoncé les différentes formes de violences en n'en minimisant aucune, que ce soit les violences sexuelles, verbales, psychologiques, physiques, économiques, sociales, domestiques. 

«En 2023, 107 féminicides de janvier à octobre ont été commis en France», expose l’une des comédiennes. « C’est incroyable ! Entendez bien», adresse une autre au public. «En 2022, l’association France victimes 978 enregistre à Saint-Martin plus de 4 000 entretiens de personnes victimes d’infractions pénales liées à l’harcèlement, aux viols, aux violences conjugales, aux violences sur mineurs etc. Cela relève le fléau qu’il nous faut combattre tous ensemble», affirme une comédienne. «Ne laissons pas la violence se répandre, agissons chacun à notre niveau», dit-elle. Toutes en coeurs, elles ont prononcées « engageons-nous sur le chemin de la solidarité ». 

Le premier tableau de la pièce montre quatre hommes à table assis dans un bar en discussion, sur le sujet de la femme particulièrement, pour ne pas changer et présentant des avis opposés pour certains. «La place de la femme c’est dans la cuisine et de s’occuper des enfants», lâche un des comédiens. «Elles doivent être respectées et protégées», lui répond son collègue. «Nous devrions écouter les femmes et les soutenir dans la lutte contre les violences faites aux femmes», complète-t-il. Si l’un pense à l’égalité des sexes, pour un autre c’est tout le contraire, «les femmes sont inférieures à l’homme et ça doit le rester», affirme-t-il. Concernant les coups, «une petite correction de temps en temps, ça ne fait pas de mal», renchérit un autre. 

Un moment inattendu est venu perturber la conversation du groupe «d’amis». En effet, la pièce de théâtre a aussi voulu inverser les rôles en montrant un homme victime des violences de sa femme. Bien qu’il existe aussi des hommes victimes, les chiffres restent minimes. Le ministre de l’Intérieur indique «les femmes sont les principales victimes. En 2020, le nombre d’hommes victimes est de 23 contre 27 en 2019. Les femmes représentent plus de 82% du total des victimes ». 

Une autre situation est apparue, celle dans laquelle la femme est dans un état de déni des violences de son conjoint, notamment lorsque celui-ci est dénoncé à la gendarmerie par les proches de la victime, afin de la protéger de son bourreau. «S’il me frappe c’est parce qu’il m’aime», «vous ne comprenez rien. Vous n’avez rien compris à l’amour», crie-t-elle. « Que vais-je faire sans lui ?», interroge-t-elle. « C’est lui ma raison de vivre, il n’a rien fait de mal, il m’aime», exprime-t-elle. Autre scène, une femme décède après avoir été frappée à plusieurs reprises avec un marteau par son compagnon, puis une autre a été brûlée par son conjoint. 

La pièce s’est terminée avec une comédienne vêtue d’une robe blanche, se tenant le ventre et en chantant «la vie en rose», d’Édith Piaf, cet hymne à l’amour. «Quand il me prend dans ses bras, il me parle tout bas, je vois la vie en rose (…) Des nuits d’amour à plus finir, un grand bonheur qui prend sa place, des ennuis, des chagrins s’effacent, heureux, heureux à en mourir etc.», des paroles que tout le monde connaît avec un message universel, celui de l’amour.

Sur cette chanson, la femme s’écroule au sol, faisant office de sa mort donnée par son compagnon, emprisonné plus tard. Entourée par les comédiennes en sa veille, sa petite fille arrive par le public et demande « où est ma maman ? ». Sa mère est morte sous les coups de son compagnon. Une fois de plus, nous devons agir collectivement pour lutter contre ces comportements déviants. Pour briser le tabou et aider la société à prendre conscience de ces drames, rien ne doit rester sous le silence.

Plusieurs scènes ont été marquantes dans «Des maux mots d’amour», si ce n’est pas toutes. Des scènes frappantes et dures, elles reflètent malheureusement la réalité de nombreuses femmes et beaucoup d’entre elles existent encore aujourd’hui. L’amour n’est pas censé faire mal, l’amour ne tue pas, alors ne laissez pas la violence s’installer dans votre foyer. Rien ne justifie la violence et aucune relation amoureuse ne devrait être construite sur de telles fondations. «Brisons le silence».

À la fin de la représentation, les différentes associations de la partie française et hollandaise engagées autours des violences conjugales et familiales. Elles ont rappelé non seulement leurs missions mais aussi les mesures de protection de l’État pour les victimes. De plus, Maxime-Wintzer Wehekind, lieutenant-colonel des îles du nord a rappelé qu’il existait une application nommée «ma sécurité», téléchargeable gratuitement sur iOS et Android. Qu’il s’agisse de pré-plainte, signalements, tchat, fiches conseils etc, la plateforme permet  d’obtenir en quelques clics, une réponse personnalisée à votre situation. Par ailleurs, «que répondez-vous à une femme qui a portée plainte trois fois, mais celle-ci a été classé sans suite ? », interroge une femme dans le public lors d’un temps d’échange. 

«Elle peut et doit retourner à la gendarmerie car nous pouvons lui offrir le service SIP. Nous enregistrons la victime dans nos bases, avec son numéro de téléphone, son adresse etc. Le jour où elle sera sous l’emprise, la menace et qu’elle fera le 17, automatiquement l’opérateur verra toutes ses données sur son écran. Même si la victime ne peut pas communiquer à ce moment-là, nous avons une adresse, un lieu pour immédiatement envoyer une patrouille car la vie de cette personne est en danger. Nous le savons à coup sûr car elle est venu faire la démarche en s’enregistrant chez nous», explique le lieutenant-colonel. «C’est un service en plus, quand malheureusement nous n’arrivons pas à faire démontrer la dangerosité du conjoint ou ex-conjoint » complète Maxime-Wintzer Wehekind. 

Enfin Vincent Berton, préfet délégué des îles du nord a adressé un dernier mot pour conclure cette manifestation théâtrale. « J’ai été ému, marqué par cette pièce puissante. Elle était à la fois dérangeante, violente, tragique, humaine et pleine de vérités ». 

Bien que les comédiens étaient amateurs, précisait Évelyne Fleming, chargée de mission auprès du vice-recteur, ils ont véhiculé avec précision et sincérité « un message poignant, brisons le silence en s’engageant chacun à son niveau ». 

Siya TOURE