24.01.2023

"Même si nos proches nous manqueront toujours, ils ne seront jamais oubliés"

[RÉTRO 2023] Nous vous proposons de relire quelques-uns de nos articles les plus consultés.

Les familles des victimes du crash aérien du 24 décembre 1972 ont dévoilé aux côtés du président une stèle en leur mémoire.

La veille de Noël est synonyme de fête, de partage, de joie autour d’un repas entouré de sa famille, le 24 décembre 1972, ces mots n’ont plus eu de sens pour certaines familles ce soir-là. Un crash d’avion au large de l’aéroport Princess Julianna de Sint Maarten s’est produit et a causé la mort de 12 passagers. Il n'y a eu aucun survivant et la cause de l'accident n'a jamais été expliquée.

Un peu plus de 50 ans plus tard, l’émotion est toujours aussi forte et omniprésente pour ces familles saint-martinoises et guadeloupéennes endeuillées. Vendredi 20 janvier, la Collectivité de Saint-Martin a souhaité rendre hommage aux victimes de ce crash aérien.

Louis Mussington avait promis aux familles des victimes qu’une stèle serait érigée en leur honneur sur la partie française. Aucun hommage formel n’avait encore jamais été rendu aux victimes avant ce vendredi. La stèle a été dressée au centre du rond-point du cimetière, sur le front de mer de Marigot. Une cérémonie s’est déroulée en présence des familles originaires de Saint-Martin et de la Guadeloupe venues pour certaines spécialement de la Guadeloupe.

Ce DHC-6 Twin Otter de la compagnie Air Guadeloupe, avait décollé de Point-à-Pitre pour atterir à Sint Maarten (de nuit), le 24 décembre 1972, avec à son bord 12 passagers, lorsqu’il s’est craché à proximité de l'aéroport international Princess Juliana, en phase d’approche.

« Saint-Martin était mort cette nuit-là »

Thierry Rogers, aux côtés de Christian Champare, ont été les premiers à s’exprimer au pupitre sur l’accident. Ils ont respectivement perdu un père et un frère dans l’accident.

«Dans la nuit du 24 décembre, à bord de l’avion, 12 passagers à destination de Saint-Martin. Une destination qu’ils n’atteindront jamais», a déclaré Thierry Rogers, représentant et membre des familles des victimes. Il n’avait qu’un an et quelques mois lorsqu’il a perdu son père. « Très peu de preuves ont été trouvées. L'avion et les corps n'ont jamais été retrouvés, ce qui reste un mystère encore à ce jour», a expliqué Thierry Rogers.

«Comme beaucoup d’autres, j’ai appris cet accident. Mon frère était à bord avec son épouse mais je ne le savais pas. On a frappé à ma porte, on m’a appris qu’il y a eu un accident d’avion et qu’il semblerait que mon frère y était», a expliqué Christian Champare. « Saint-Martin était mort cette nuit-là. Il n’y avait plus de sens à la fête, toutes les activités prévues ont été annulées », a déclaré, ému, Christian Champare. Il est revenu sur le chaos qu’a provoqué l'accident et qui a marqué les Saint-Martinois et les Guadeloupéens.

Obtenir les noms, les documents et les coordonnées des familles des victimes a été un long processus, indique Thierry Rogers. «Mais cela a été fait, malgré ce long combat de recherches, il manque une famille, celle du pilote », admet-il. Cependant, « nous sommes tous unis et liés aujourd’hui pour partager ce que nous attendions tous, ce mémorial. Nous tenons à remercier le président Mussington et tous ceux qui ont rendu cela possible ».

« Cela a été une longue attente, mais en rendant hommage de cette manière, nous nous assurons, symboliquement et certainement que même si nos proches nous manqueront toujours, ils ne seront jamais oubliés», complète Thierry Rogers.

Marie-Franciane est l’une des familles victimes, elle est entrée en contact mi-décembre avec Thierry Rogers grâce à une annonce qu’il avait diffusée sur la radio Guadeloupe 1ère. «J’ai tout de suite envoyé un message car on ma expliqué la raison pour laquelle il me recherchait. Je n’ai pas hésité», confie-t-elle. Marie-Franciane a fait le déplacement de la Guadeloupe pour être présente en ce jour important pour elle afin de rendre hommage à son frère qui a perdu la vie à tout juste 25 ans. Il était enseignant et travaillait en Guadeloupe.

A son tour, Louis Mussington s’est exprimé en se rappelant de cette soirée du 24 décembre 1972, « je n’étais qu’un petit garçon, je me souviens et entends encore les conversations des adultes qui parlaient de ce terrible accident », confie-t-il. « Tout le monde était dévasté, personne n’avait envie de faire la fête ».

« Il ny a pas un Noël que nous passons depuis 1972 sans penser à cet événement qui nous a profondément touchés et marqués dans nos mémoires. Je constate que vous êtes nombreux aujourd’hui à venir vous recueillir à cet endroit » poursuit le président de la collectivité.

« En voulant commémorer cet évènement, la collectivité a décidé qu'il ne fallait jamais oublier ce 24 décembre 1972. Le devoir de mémoire est un socle essentiel pour relier les générations passées et futures. C’est un douloureux héritage mais elle doit être immortalisée par la stèle que nous dévoilerons », a soutenu Louis Mussington.

Enfin, Emilie Nahon, qui représentait le préfet Vincent Berton a aussi fait part de son émotion. « Il y a 50 ans déjà mais le traumatisme est toujours vivace, nous partageons d’autant plus cette émotion que les corps et l’épave nont jamais été retrouvés », déclare-t-elle. « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents, dans la mémoire des vivants, disait Jean D’Ormesson », a-t-elle cité.

La stèle a été dévoilée par le président Louis Mussington, Thierry Rogers, Christian Champare et Emilie Nahon. Le tambour Gwoka a été assuré par Hélias Coquillas. Une gerbe de fleurs a été déposée au pied de la stèle et une minute de silence a été observée en l’honneur des victimes. Natisha Hanson a chanté une chanson en souvenir des passagers au son du gwo ka d’Elié Coquillas.

Les noms des défunts sont inscrits sur le mémorial : Angèle Arrondell, Rodolph Brooks, Berno Champare, Monique Cyprien, Cécile Edmond, Athanese Freedom, Anne-Marie L'Etang, Maguy Lepierre, Thomas Jean Marie Édouard, Roy Rogers, Maxime Rollin ( pilote) et Lovely Taurus.

Siya TOURE