23.03.2021

"L'obligation de présenter un motif impérieux présente un caractère adapté et proportionné"

C'est ce que le Conseil d'Etat a répondu à une vingtaine d'entreprises de Martinique et Guadeloupe qui l'avaient saisi pour faire annuler la mesure.

Vingt-trois entreprises guadeloupéennes et martiniquaises, ont demandé le 18 février au juge des référés du Conseil d’Etat de suspendre les mesures par lesquelles le Premier ministre a interdit tout déplacement, sauf motifs impérieux, entre les îles antillaises françaises et entre celles-ci et la métropole.

Elles évoquent notamment que ces mesures portent «une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir et à la liberté de circulation, à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu'à la liberté d'exercer une profession ; une atteinte grave et immédiate aux libertés économiques, eu égard aux répercussions économiques qu'elles ont sur tous les secteurs d'activités économiques, en particulier ceux liés à l'activité touristique ».

Elles contestent par ailleurs que les motifs impérieux puissent être présentés six jours avant le départ au préfet qui valident ou non les demandes (même si aucun préfet des îles ne le demande). Elles ajoutent que «l'interdiction totale de se déplacer vers la Guadeloupe et la Martinique sauf motifs impérieux crée une rupture d'égalité injustifiée entre les ressortissants français et les ressortissants européens » et que  le contrôle préalable des motifs impérieux par le préfet, le mécanisme d'autorisation préalable est plus attentatoire aux libertés individuelles que le simple contrôle qui préexistait».

Les entreprises ont aussi fait remarquer que «la situation sanitaire en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Martin et à Saint Barthélemy au regard de l'épidémie de covid-19 est nettement meilleure que sur le territoire métropolitain » et «en déduisent que l'exigence de justifier d'un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire métropolitain et les Antilles n'est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée ».

De plus, elles ont expliqué que «le principe d'égalité est violé » par cette mesure imposée entre la métropole et les outre-mer français alors qu’elle ne l’est pas aux autres ressortissants européens venant en métropole.

Lors de l’instruction de l’affaire le 12 mars, le juge des référés a rappelé que «l'exigence de justifier d'un motif impérieux ne vise pas à interdire tout déplacement entre le territoire métropolitain et les Antilles, mais à différer ou éviter les voyages en vue de minimiser les risques sanitaires pour la population», précisément «d'empêcher les déplacements à visée touristique » mais en aucun cas «d’empêcher une personne de rejoindre son lieu de résidence ».

Le juge considère en outre que « la réouverture du flux des touristes en direction des Antilles accélérerait la diffusion des variants présents aujourd'hui largement sur le territoire métropolitain, contrairement aux mois de décembre et janvier derniers ». Il est aussi constaté au travers des échanges à l’audience «que l'engagement pris à l'embarquement de respecter un isolement prophylactique de sept jours après l'arrivée puis de réaliser un examen biologique de dépistage virologique n'a globalement pas été respecté par les touristes venus à cette période et que le contrôle du respect de ces engagements, d'ailleurs dépourvus de sanction, n'est pas matériellement possible ».

Au final, pour le juge des référés «l'obligation de justifier d'un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire métropolitain et les Antilles, ainsi qu'entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint Barthélemy, à l'exception des déplacements entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dont l'effet principal est d'interdire l'arrivée des touristes sur ces territoires, présente en l'état de l'instruction un caractère nécessaire, adapté et proportionné. » Aussi la requête des entreprises antillaises a-t-elle été rejetée.

Liste des entreprises qui ont saisi le juge

la Société antillaise de location de véhicules automobiles, la ST Barth Executive,  la SARL Créole Beach, Domdirgest, Antilles-Sail.com, DreamYacht Caribbean,  Croisières Cabines Antilles, Best Charter,  la Confédération des petites et moyennes entreprises de Guadeloupe, le syndicat UDE-MEDEF Guadeloupe, l'Association des loueurs de voitures de l'aéroport, Sodex Jardins de Balata, la SAS Parc des Mamelles,

Hôtel Toubana, la Société d'exploitation hôtelière de la Goélette, la Société d'exploitation hôtelière de Sainte-Luce, la Société d'exploitation hôtelière de l'hôtel Camélia, la Société d'exploitation hôtelière du Squash, Hôtel Valmeniere, la Société d'exploitation hôtelière du Salako, le syndicat Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Martinique, la Société antillaise d'investissement de la Pointe du Bout.

Estelle Gasnet