04.09.2020

L'ancien commandant de la PAF sort le deuxième volet de la série Blanco

Entretien avec Pascal Drampe qui publie son troisième livre. Il parle de l'écriture mais aussi de son ancien métier de policier, du ministre de la Justice et de son procès intenté contre son ex-hiérarchie.
Vous venez de publier votre troisième livre en tout juste un an. L’écriture semble être devenue une vraie (et nouvelle) passion…

Je dois reconnaître qu’au commencement de l’écriture de mon témoignage Flic, un métier qui tue… publié chez Nestor en avril 2019,  je n’avais pour seul objectif que de faire découvrir mon métier sous un angle différent en y délivrant l’envers du décor. Et puis, le plaisir d’écrire et la découverte de cette passion ont vu le jour. Comme vous l’aviez titré l’année dernière : « le flic qui dépose son arme pour prendre la plume », j’ai pu constater, via les nombreux retours de lecteurs, que la plume représentait une réelle arme. Ecrire est la possibilité de laisser une trace de son passage, de faire passer des messages, de transmettre, pourquoi pas, son ADN.

Ce troisième livre est le deuxième volet de la série Blanco. Si le premier était inspiré de faits réels, ce nouveau tome raconte une fiction. Comment vous est venue cette histoire ?

Blanco 1, « insoupçonnable vengeance » était le corollaire d’une demande des lecteurs de mon premier manuscrit. Ils souhaitaient plus de détails que je ne pouvais leur transmettre dans un témoignage mais qu’il m’était possible de produire dans un polar. C’est pour cette raison qu’il était inspiré de faits réels agrémentés d’une part de fiction.

A l’inverse de Blanco 2 « insoutenable héritage » qui au départ est une pure invention, pour finalement coller incroyablement à la réalité. Je me suis surpris moi-même, plus mon manuscrit évoluait. Je puis vous dire que j’en ai ressenti plus d’une fois des frissons. Pourtant, j’en ai vu d’autres dans ma carrière ô combien tumultueuse.

Cette intrigue m’est venue de manière fortuite, lors d’une discussion avec un ami, Harry Verschueren, qui me faisait part qu’il avait été impressionné, au début des années 70, par la visite de l’ancienne prison pour femmes de la Petite Roquette dans le 11ème arrondissement de Paris. Il avait vécu cette expérience grâce au Docteur Georges Fully, l’Inspecteur général de l’Administration Pénitentiaire, tragiquement assassiné en 1973, année de la fermeture de cet établissement. Cet attentat au colis piégé n’a d’ailleurs jamais été élucidé…J’ai décidé, à partir de cet élément de langage, d’écrire un polar basé uniquement sur la fiction. Mais alors, qu’elle ne fut pas ma surprise, après la trame du manuscrit, de constater que la réalité semblât dépasser la fiction.

Vous mentionnez le nom de l’actuel ministre de la Justice. L’avez-vous côtoyé au cour de votre carrière de commandant de police ?

Oui, c’est une pure coïncidence car il est cité dans mes trois manuscrits. Je manifeste un profond respect pour celui qui était considéré comme le plus coriace des adversaires de mon ex-Institution police. Ses qualités d’avocat ne sont plus à démontrer, comme les bons flics, il bénéficie également d’un surnom «Acquitator». C’est une éternelle reconnaissance dans le milieu. En ce qui me concerne, je ne l’ai jamais qualifié d’adversaire mais plutôt de partenaire dans le système judiciaire. Les flics font souvent l’amalgame car on ne peut juger un mis en cause sans qu’il ne  bénéficie d’un conseil. Je le cite et le respecte puisqu’il a été le seul avocat à me casser une affaire. Ce jour-là, il m’a permis de grandir et d’élever mon niveau de jeu. C’est dans les défaites qu’on apprend le plus. Je n’en ai connu qu’une au cours de ma carrière mais elle m’a été très précieuse. D’ailleurs quelques semaines plus tard, alors qu’il plaidait pour la défense d’un de mes mis en cause au tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe dans le Nord, il déclarait en audience publique : « Ah, l’Inspecteur Drampe ! Ca ne va pas être facile ! ». Vous imaginez ma fierté. Il ne le savait pas mais il allait faire de moi le cauchemar des avocats de la défense.

Je le rencontrerai un jour, nous avons des choses à nous dire… maintenant que je suis sorti du circuit.

Le prochain volet de Blanco est-il déjà en cours d’écriture ?

Vous savez, écrire un livre, c’est la partie la plus agréable pour un auteur. Mais il y a le volet promotion du livre qui est le plus contraignant et le plus gênant, car il faut se vendre. A moins d’être publié par une grande maison d’éditions, il faut faire tout le boulot soi-même, recherche de librairies pour les dédicaces, de support médiatiques, gros investissement personnel. Les petites maisons d’éditions n’ont pas ou peu la capacité de commercialiser comme elles le devraient. Alors ces mois prochains, je pars faire la promo du livre en métropole avant d’entreprendre celle aux Antilles-Guyane, comme l’année dernière.

Je dois également honorer quelques rendez-vous à Paris pour proposer mon scénario de film «Destin fatal», inspiré de faits réels, qui retrace les parcours parallèles de l’ex-ennemi public numéro 1 de l’arc antillais, Patrick Thimalon et le mien, puisque notre dernier duel et notre dernière fusillade lui ont été fatales. Souvenez-vous, c’était lui ou moi, ça se passait dans le célèbre ghetto de Boissard le 22 janvier 2001 à 01h, jour de ses 41 ans ! Ça fera bientôt 20 ans.

J’ai éprouvé le besoin d’écrire ce film car à travers nos regards, juste avant le départ des coups de feu, et alors que je l’accompagnais sur le chemin de la mort, j’ai ressenti, au plus profond de moi, cette étonnante sensation d’être confronté à mon semblable, même si c’était dans l’autre camp. Je sais qu’il a commis des actes criminels mais je sais aussi avoir eu affaire à un homme combatif et digne devant la mort. Et ça ce n’est pas donné à tout le monde, il faut avoir eu une enfance difficile pour éprouver ce sentiment, et je sais de quoi je parle.

J’ai également écrit un feuilleton en huit épisodes qui devrait se titrer « Blanco, iconoclaste », c’est aussi un projet en cours.

Dès mon retour à Saint-Martin, j’écrirais le Blanco 3 «Implacable justice ». J’ai le polar en tête, ne me reste plus qu’à l’écrire…Le Blanco 4 se dessine déjà.

L’idée directrice est d’éveiller les consciences, d’amener à la réflexion et traiter de sujets relativement graves et actuels, à travers des thrillers riches en suspens et en rebondissements.

Dans votre premier livre, Flic, un métier qui tue, vous évoquiez le procès que vous intentez contre votre ex-hiérarchie. A quel stade en est-il aujourd’hui ?

Cette enquête n’avance pas suffisamment. Imaginez, ma première plainte pour harcèlement moral et dénonciation calomnieuse date de 2016, laquelle enquête a été classée sans suite en 2017 alors qu’elle n’avait pas été traitée par le parquet de Pointe-à-Pitre. Aucun témoin n’avait été entendu, aucune preuve matérielle, ô combien nombreuses, n’avait été exploitée. Inutile de vous dire que les institutions police et justice avaient tenté d’étouffer l’affaire. Mais vous savez que je ne lâcherai jamais tant que justice ne sera faite.

Je me suis alors constitué partie civile auprès de cour d’appel de la Guadeloupe et une information a été ouverte en 2018. Je n’ai été entendu, en qualité de victime et partie civile qu’en décembre 2018. Les six détracteurs sont mis en cause, mais je n’ai aucune nouvelle de l’avancée du dossier, si ce n’est que ma conjointe, brigadière de police à la PAF Saint-Martin, en arrêt depuis presque deux ans, ayant subi les mêmes infractions à la loi pénale, devait être entendue à son tour.

Je peux concevoir que la justice subit une surcharge de travail considérable. Mais force est de constater qu’il y a deux poids, deux mesures, car lorsqu’il s’agissait de tenter de nous mettre en cause, je vous prie de croire que l’assaut judiciaire ne s’est pas fait attendre. Fort heureusement, nous avons pu très facilement contrecarrer ce montage d’affaire.

Faites-moi confiance pour que cette enquête arrive à son terme. Je me suis battu toute ma carrière contre l’injustice, il s’agit sans doute de mon dernier combat avant d’aspirer à des jours meilleurs et me consacrer sereinement à ma nouvelle passion. Et surtout, j’aimerais tant que ma femme puisse vivre normalement. Ce harcèlement moral l’a terriblement éprouvée jusqu’à tenter de se suicider le 6 octobre 2014. Elle qui recevait encore en 2012 les félicitations du résident de la République, du ministre de l’Intérieur, des directeurs centraux, régionaux et départementaux, notamment pour son engagement total dans la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, cette femme qui avait été surnommée « la fille courage » dans le France Antilles au milieu des années 2000, ou la «marcheuse de l’extrême» par le GIPN de la Guadeloupe, lors d’une opération en forêt amazonienne, mérite que justice lui soit rendue, mérite de vivre normalement, tout simplement.

Si votre message pouvait parvenir aux nouveaux Garde des Sceaux, Monsieur Dupont-Moretti, et Ministre de l’Intérieur, Monsieur Gérald Darmanin, voici ce que je leur dirai :

«Faites en sorte de tout mettre en œuvre afin que vos services traitent le plus honnêtement qu’il soit cette affaire de harcèlement moral. Il s’agit d’un cas école en la matière et je les sollicite afin d’en être le porte-parole dans les divers centres de formation de police et de justice afin que cette arme aussi silencieuse que destructrice, que ce viol psychologique ne soient plus au sein de nos institutions. Car comment voulez-vous qu’un policier malade puisse guérir les maux de nos concitoyens ! Faites-en sorte que ce que ma compagne et moi subissons profitent à nos prochains. Au moins, ça aura servi à quelque chose. Montesquieu disait : « tout homme qui possède un pouvoir est tenté d’en abuser ».  A l’heure du 150 anniversaire de la 3ème République, il est grand temps que le « Liberté, Egalité, Fraternité » reprenne tout son sens.

Les deux volets de la série Blanco sont disponibles version électronique ou peuvent être commandés en version papier sur le site des éditions BoD. Ils seront disponibles dans les librairies de Saint-Martin fin novembre, l'auteur organisera des séances de dédicaces.

Estelle Gasnet