12.05.2020

L’Insee n’a pas vocation à mesurer l'évolution des prix à Saint-Martin

Chaque mois en France l’Insee publie l’indice des prix à la consommation, cela permet de suivre l’évolution des prix. A Saint-Martin, cet indice n’est pas calculé de même que l’évolution des prix n’est pas mesurée. Pour une simple raison : il n’y a pas d’organisme compétent pour le faire sur le territoire. Et contrairement à ce que tout le monde pense, l’Insee n’a pas vocation à réaliser ce type de missions à Saint-Martin.

La non implantation de l’institut à Saint-Martin si souvent dénoncée tant par les élus de tous bords, que par les socioprofessionnels ou les consommateurs, n’est pas une lacune. De part ses statuts, l’Insee a vocation à agir en métropole ainsi que dans les départements d’outre-mer, mais pas dans les territoires régis par l’article 74 de la Constitution*. Si une COM souhaite connaître l’indice des prix à la consommation ou autres indicateurs économiques, elle doit en faire la demande auprès de l’Insee et payer les travaux. Les statuts des COM leur confèrent également la latitude de créer leur propre institut de la statistique. C’est ainsi que la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ou Wallis et Futuna ont leur propre institut ou service territorial, des organismes à qui l’Insee est tenu de fournir «un appui technique et méthodologique aux services statistiques des collectivités d'outre-mer».

Aujourd’hui à Saint-Martin la direction des fraudes et de la concurrence effectue de manière régulière des relevés de prix mais n’a pas vocation à dresser des études et à publier ses résultats. En juin 2019, la COM a été dotée d’un observatoire des prix, des marges et des revenus (observatoire qui n’est pas encore recensé sur le site de l’observatoire de l’outre-mer) qui n’a pas, lui, vocation à relever les prix, mais plutôt à formuler des recommandations et à tirer des sonnettes d’alarme.

«A la Réunion, la publication du rapport sur les prix des forfaits de téléphonie mobile a permis une baisse des prix, les opérateurs visés avaient eux-mêmes entrepris la régulation», nous confiait l’an passé le président de section de la chambre régionale des comptes de Guadeloupe, aussi président de l’observatoire de Saint-Martin.

En Guadeloupe, Martinique ou en Guyane, les observatoires se servent notamment des études menées par l’Insee pour réaliser leurs travaux. Quid donc à Saint-Martin où il n’y a pas de données chiffrées et personne pour les collecter ? «La question sera justement abordée lors de notre prochaine réunion. Nous allons voir comment l’Insee pourrait réaliser une étude, s’il est possible d’en commander une», confie Serge Moguerou.

Se posera alors la question du coût en sachant que les moyens financiers accordés par l’Etat pour l’observatoire des prix de Saint-Martin sont peu élevés, 21 000 euros pour l’année 2019.

Depuis leur installation, les membres de l’observatoire de Saint-Martin se sont concentrés sur la mise en place localement d’un bouclier qualité prix, soit d’une liste d’une cinquantaine de produits dont les prix seraient figés et contrôlés une fois par an par la direction de la concurrence et des fraudes. «En début d’année, nous étions en discussion avec les distributeurs pour identifier les produits et fixer les prix», confie le président de l’observatoire dont les travaux ont été stoppés avec la crise sanitaire du Covid-19.

Serge Moguerou dément toute hausse importante des prix à Saint-Martin. «Il y a eu une légère hausse des prix de l’ordre de 2 % mais pas une multiplication des prix par 2 ou 3 comme on a pu le dire ou ressentir », affirme-t-il. La préfète qui avait demandé aux agents de la direction des fraudes de faire des relevés dans les magasins, avait justifié cette hausse des prix en grande partie par un changement dans le système d’approvisionnement. La ministre des Outre-mer avait aussi expliqué à nos confrères de Guadeloupe 1ère que le coût du fret aérien avait été multiplié par 2 ou 3. «En temps normal, 60% du fret aérien sont financés par le prix des billets des passagers. Mais aujourd'hui les compagnies aériennes ont perdu 90% de leur passagers, sur la totalité de notre planète. (…) Il y a [donc] eu des incidences sur les prix. On passe de 4 à 5 euros le kilo (de fret), à 10 à 12 euros le kilo aujourd'hui », a-t-elle précisé.

Enfin quant à la création d’un observatoire de la statistique à Saint-Martin, des annonces ont été faites jusqu’à aujourd’hui : en juin 2016, la COM avait annoncé la création d’un bureau de la statistique, un an plus tôt, le contrat de ville suggérait la mise en place d’un observatoire des données socioéconomiques. Mais aucune n’a été concrétisée.

* L’Insee est toujours tenue d’effectuer le recensement de la population.

Estelle Gasnet