04.09.2019

Violences faites aux femmes : 101 dépôts de plainte depuis le début de l'année à Saint-Martin

Il refuse que sa compagne la quitte. Il ne supporte pas que sa jeune maîtresse (une vingtaine d’années sa cadette) sorte avec ses amis un dimanche après-midi. Il ne supporte que son ex fréquente un autre homme. Il est jaloux parce que sa femme parle avec un chauffeur de bus. Il ne veut pas donner les clés de la voiture à sa femme. Il refuse que sa compagne s’énerve lorsqu’elle apprend qu’il a une maîtresse. Autant de situations qui ont incité des hommes à frapper violemment leur compagne et celles-ci à déposer plainte auprès de la gendarmerie. Autant d’affaires qui ont été examinées par le tribunal correctionnel de Saint-Martin ces dernières années.

Les violences conjugales sont un vrai fléau mais aussi un sujet tabou. Dans la plupart des cas, elles ne sont pas reconnues par leurs auteurs ou sont minimisées. Souvent, l’homme se défend en affirmant qu’il ne voulait pas faire de mal à son amie. «Je suis pas méchant, j’aime bien la fille… Je ne l’ai frappé qu’une seule fois durant toute notre vie commune… Je ne l’ai pas frappée, je l’ai giflée», entendent les magistrats. «Je comprends que cela soit un problème mais elle n’avait pas besoin de mentir», a expliqué l’homme qui avait une maîtresse. L’auteur des coups tente souvent de renverser la situation en sa faveur et de faire culpabiliser sa victime.

La violence peut aussi être morale : les femmes sont victimes de harcèlement, font l’objet de menaces, de chantage, sont insultées, rabaissées. Autant de situations délictuelles également.

Cependant, les victimes sont de plus en plus nombreuses à avoir le courage d’aller déposer plainte. Il n’est pas rare de voir une femme le faire dès le premier coup reçu. Depuis le début de l’année, 101 dépôts de plainte ont été enregistrés par la gendarmerie de Saint-Martin.

«Les victimes ne sont pas obligées de déposer plainte», précise le vice-procureur. «Elles peuvent tout simplement signaler les violences ou coups qu’elles ont reçus et le fait qu’ils soient caractérisés [physiquement ou matériellement, ndlr] permettent aux gendarmes d’ouvrir une enquête», poursuit Yves Paillard. Et le procureur de Basse-Terre, Jean-Luc Lennon d’ajouter : «les victimes n’ont pas besoin non plus de présenter un certificat médical.»

Dans leur démarche, les femmes peuvent être accompagnées par un juriste et/ou un psychologue de l’association d’aide aux victimes, Trait d’Union. «Nous offrons un accompagnement pluridisciplinaire. Souvent, on s’aperçoit qu’elles ne bénéficient pas des droits auxquels elles peuvent prétendre. Nous les aidons ainsi dans ces démarches sociales. De même, nous leur conseillons de prendre un avocat pour se défendre en leur qualité de victime lors du procès du conjoint auteur des coups, cela est important qu’elles soient représentées. Nous leur expliquons aussi la démarche d’aide juridictionnelle si elles en ont besoin», détaille un membre de l’association.

Pour aider les femmes à libérer leur parole, Trait d’Union lancera fin septembre une application mobile à partir de laquelle les victimes pourront la contacter plus aisément. Elles pourront également y trouver diverses informations pratiques et juridiques.

En parallèle, le parquet est en train de travailler à la mise en place à Saint-Martin d’une unité médico-judiciaire (UMJ) dont la vocation est d’accueillir (sur réquisition) les victimes de violences conjugales mais aussi intrafamiliales ou autres. «Durant deux demi-journées par semaine, les victimes seront accueillies et vues par un médecin légiste qui établira des ITT», précise Jean-Luc Lennon. Une ITT ou incapacité totale de travail est une notion pénale qui sert à qualifier pénalement les faits en fonction de la durée pendant laquelle une victime éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante (manger, dormir, se laver, s'habiller, faire ses courses, se déplacer, se rendre au travail). Le fait qu’elle soit délivrée par un médecin légiste dont c’est la spécialité d’évaluer les violences, donnera davantage de crédit au dossier que si elle est donnée par un médecin généraliste ou le médecin de famille qui peut être influencé par la victime. L’UMJ devrait voir le jour d’ici à la fin de l’année, elle sera hébergée par le centre hospitalier.

«L’un des manques que nous devons réussir à palier localement est celui de l’hébergement des femmes battues», conçoit la préfète Sylvie Feucher. Outre le local en lui-même, la principale difficulté réside dans le fait de trouver un site où l’auteur des coups ne retrouvera pas facilement sa victime. De plus, le site doit être suffisamment grand pour accueillir la femme et ses enfants, car souvent la victime est aussi maman. Dans l’urgence, Trait d’Union paie des nuits à l’hôtel aux personnes qu’elle reçoit.

L’un des moyens pour palier cette difficulté et mieux protéger les femmes de leur compagnon violent, pourrait être la mise en place d’un bracelet électronique pour éloigner les conjoints. C’est l’une des annonces faites par le Premier ministre dans le cadre du Grenelle des violences conjugales, lancé hier au niveau national.

Contact de l'association Trait d'Union : 0690 37 84 01. Permanence dans les maisons de service public.

Estelle Gasnet