18.10.2018

Auberge de mer : un arrêté de mise en péril menace une dizaine de commerces

Affiché en milieu de semaine dernière, l'arrêté de mise en péril somme la Semsamar de démolir sous deux mois le bâtiment dont elle a la concession.

«Compte tenu du danger encouru par les occupants du fait de l’état des lieux, l’accès ou l’utilisation du bâtiment Auberge de Mer est interdit ; La Semsamar, représentée par Madame Marie-Paule Belenus […] doit prendre des mesures, dès notification de la mise à jour de l’arrêté, pour empêcher l’accès au bâtiment et à ses alentours immédiats, qui pourraient être impactés par leur effondrement partiel ou total et assurer l’information du voisinage, par voie de panneau», peut-on lire depuis le milieu de la semaine dernière sur la vitrine de l’ancienne librairie, face au cimetière de Marigot.

L’auberge de Mer, fait l’objet d’un arrêté (mis à jour) du président de la Collectivité, portant péril ordinaire. La Semsamar, qui en a la concession, est ainsi sommée «d’effectuer les travaux de démolition de l’ensemble du bâtiment Auberge de Mer, sous deux mois à compter de la notification de la mise à jour de l’arrêté».

La dizaine de commerçants locataires du bâtiment, installés là pour la plupart depuis de nombreuses années, ne cache ni son inquiétude ni sa surprise. Ils assurent en effet ne pas avoir été informés directement par leur bailleur de la mise à jour de cet arrêté. «Nous n’avons aucune communication avec la Semsamar», déplore Jean-Baptiste, qui a ouvert son restaurant vingt et un ans plus tôt. «Nous n’avons reçu aucun courrier pour nous tenir informés. Vous voyez ma boutique, ma voiture est garée juste devant. Je n’ai donc pas vu l’affichage. Si les autres ne m’avaient rien dit, je ne serais même pas au courant», renchérit Jacques, qui gère un magasin de décoration depuis trente ans. Frantz, un autre restaurateur, déclare avoir envoyé un courrier recommandé avec accusé de réception à la Semsamar depuis plusieurs semaines et n’avoir reçu aucune réponse.

Plus que l’arrêté de mise en péril lui-même, c’est sa mise à jour et son affichage soudain qui les a tous surpris. Des rumeurs sur une éventuelle démolition du bâtiment circulaient depuis plusieurs mois. «Mais on nous assurait que non on n’y toucherait pas», témoigne Frantz qui a alors investi cinquante mille euros dans des travaux de rénovation après Irma. Jusqu’à ce que fin juin dernier, un premier arrêté de mise en péril soit affiché et que la Semsamar convie par courrier les commerçants à une réunion deux jours plus tard.

«A la veille de notre départ en vacances, on s’est retrouvés devant la direction de la Semsamar et plusieurs experts en bâtiment, qui nous ont dit qu’il fallait qu’on vide nos locaux parce qu’ils allaient devoir démonter le bâtiment pour accéder à sa structure, considérant qu’il était dangereux», rapporte Jean-Baptiste qui explique avoir alors invité les experts qu’il n’avait jusque-là jamais vu rentrer dans les locaux, à venir dès le lendemain inspecter son restaurant, précisant qu’ils pouvaient accéder à la structure depuis la mezzanine. «Ils sont venus le lendemain, je leur ai montré le bâtiment, je leur ai expliqué que lors de la construction ils ont fait des pieux jusqu’à seize mètres de profondeur. Nous on le sait, il n’a pas bougé avec Irma. Il y a de l’eau qui est rentrée, comme pour Luis et Lenny, et la partie vers la capitainerie qui était abîmée mais c’était réparable. Ils continuent leur inspection et me disent ‘vous avez raison monsieur, votre bâtiment on ne le touche pas’», rapporte-il. Mais depuis cette réunion, les commerçants regrettent de n’avoir eu aucune information : «Depuis, c’est silence radio. Nous n’avons jamais eu accès aux expertises».

Parmi eux, certains ont encore un bail commercial classique. Mais la plupart ont signé une AOT (Autorisation d’Occupation Temporaire du domaine public) il y a quatre ans, avec la Samagest (filiale de la Semsamar) qui a la gestion de la marina. En effet, le bâtiment étant sur le domaine public, le concessionnaire devait, selon la loi, faire signer une AOT et non un bail.

La différence est lourde de conséquences pour les commerces : «C’est spécifié noir sur blanc que si demain ils doivent te dégager il n’y a aucune indemnité ni rien», explique Jean-Baptiste. «Est ce qu’ils comptent nous replacer quelque part, qu’est-ce qu’ils vont faire ici ? On ne sait rien du tout», poursuit-il.

Sans proposition de relogement pour l’instant, les quelque trente personnes travaillant dans le bâtiment n’ont aucune idée de la tournure que va prendre leur vie professionnelle à l’issue de ces deux mois de délais. Mais bien décidées à défendre leurs commerces, elles s’organisent en collectif et ont envoyé un courrier au président de la Collectivité pour lui demander de faire machine arrière. Si elles n’obtiennent pas gain de cause, elles prévoient de se tourner vers la justice, contre-expertise à l’appui, pour contester la légitimité de la démolition.

Pour l’heure, la Semsamar n’a pas encore répondu à nos questions. Quant à la Collectivité, qui reprendra la gestion de la marina début 2019 (le contrat de concession arrivant à échéance le 31 décembre 2018) et prévoit sa réhabilitation, elle déclare qu’elle sera «attentive aux propositions de relogement des commerces concernés par la Semsamar». La COM annonce par ailleurs qu’une réunion de travail sera programmée à cet effet prochainement.

 

Fanny Fontan
1 commentaire

Commentaires

Nous devons tus nous attendre à de telles mesures.
LA collectivité n'a aucun intérêt à assumer la responsabilité pour les propriétaires publics ou privés.
Ca va déménager.....