19.07.2016

Délinquance / Criminalité : les vraies et fausses idées

Depuis l’affaire Wendy, de nombreux commentaires et critiques ont été formulés sur les réseaux sociaux au sujet de la délinquance à Saint-Martin. Est-elle vraiment en hausse ? Est-elle importante ? Éléments de réponses.

Le nombre d’homicides est-il en hausse ?

Oui et non Si l’on compare le nombre d’homicides commis cette année à celui de l’an passé à la même époque, il est effectivement en hausse. Et il a même doublé : six contre trois. Quatre de ces six homicides ont été perpétrés en l’espace de deux mois, et trois en dix jours - deux homicides étant liés. Mais ce n’est qu’en fin d’année que les autorités seront en mesure de dire si le nombre d’homicides est en hausse ou non à Saint-Martin. Pour l’instant, il est dans la moyenne puisque depuis quelques années, entre huit et dix homicides sont commis chaque année à Saint-Martin.

Le sentiment d’insécurité est-il fort ?

Oui Dès qu’un fait grave est commis, le sentiment d’insécurité progresse. Les trois homicides commis entre le 2 et le 13 juillet l’ont prouvé une nouvelle fois. Les réactions de l’opinion publique ont été très fortes sur les réseaux sociaux. Ce même sentiment d’insécurité avait par exemple été perçu après le braquage d’une bijouterie sur la marina royale fin 2015. La population se sent en danger. La peur est renforcée par le fait que ces actes se passent en pleine journée ainsi que sur la voie publique, dans des lieux qu’elle a l’habitude de fréquenter au quotidien. S’ils étaient commis dans des endroits isolés, la réaction de l’opinion publique serait différente.

La délinquance est-elle en hausse ?

Non Interrogé à ce sujet par les médias en marge de l’affaire Wendy, le procureur de Basse-Terre a indiqué que «la délinquance était en baisse de 10 % en 2015». Les vols à main armée – principal fléau ces dernières années- ont «baissé de 50 % en 2015», a-t-il précisé ; près de 130 avaient été enregistrés en 2014. En octobre 2015, le nombre de cambriolages était en revanche en hausse, avaient indiqué les autorités lors d’une conférence de presse sur la délinquance. Depuis, aucun autre bilan n’a été communiqué.

La délinquance est-elle importante à Saint-Martin ?

Oui Même si une tendance à la baisse est observée, le taux de délinquance demeure très élevé en comparaison avec ceux des autres territoires français. Le taux de vols avec armes est de 3,5 pour 1000 habitants à Saint-Martin contre 0,2 au niveau national et 0,8 en outre-mer selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. En Guyane, il est de 2,7 et en Guadeloupe de 1,8. Il s’agit du plus fort taux. Autre palme, celle des vols de voiture avec un taux de 9,2 pour 1000 habitants contre 2,6 au niveau national et 2,5 en outre-mer. Enfin, troisième record, celui des violences sans armes commises au sein de la sphère familiale avec un taux de 4,4 pour 1000 habitants contre 1,4 au niveau national et 2,4 en outre-mer.

Il convient de noter que les chiffres donnés au niveau national ne sont qu’une moyenne qui englobe des statistiques de délinquance très bas (ceux par exemple de la Lozère, Creuse ou Ardèche) et très hauts (Bouches du Rhône, Paris). Il serait ainsi plus pertinent de comparer les chiffres de Saint-Martin avec ceux d’un département similaire en termes de violence. Néanmoins, la délinquance est beaucoup plus grande en outre-mer qu’en métropole.

Dans la Caraïbe, Saint-Martin est-elle vraiment une île, une destination dangereuse ?

Non De nombreux touristes, principalement des Américains, ont pu dire sur les réseaux sociaux qu’ils étaient choqués par «la montée de la violence » et qu’à cause de «cette forte criminalité, ils ne reviendront plus à Saint-Martin». Là aussi, il convient de relativiser. Saint-Martin n’est pas Acapulco, «vitrine touristique du Mexique devenue l’une des villes les plus dangereuses au monde».

Selon l’UNODC, l’office des nations unies contre la drogue et le crime, la Jamaïque enregistre le plus fort taux d’homicides pour 100 000 habitants (52,2 avec 1 423 homicides) dans la Caraïbe, devant les îles vierges américaines (39,2 avec 43 homicides), Saint-Eustache (38,2 avec 20 homicides), Trinité et Tobago (35,2 avec 472 homicides) et les Bahamas (27,4 avec 94 homicides). Dans ce classement, Saint-Martin seule n’est pas mentionnée, mais la Guadeloupe l’est avec un taux de 7 pour 100 000 habitants et 32 homicides.

Estelle Gasnet