16.07.2018

Chambre territoriale des Comptes : un rapport définitif "détaillé et très critique"

La Chambre territoriale des Comptes a remis son rapport définitif en avril dernier. Il comporte de nombreuses critiques sur la gestion de la Collectivité entre 2007 et 2016. Mais c'est surtout la suppression de la question des compensations non perçues lors du transfert de compétences qui fait tiquer l'actuelle majorité.

Lors du conseil territorial mercredi 11 juillet, Daniel Gibbs a ajouté en début de séances deux points à l’ordre du jour. Parmi lesquels la présentation du rapport de la Chambre territoriale des Comptes, portant sur la gestion de la Collectivité entre 2007 et 2016.

« La chambre a arrêté, le 2 Septembre 2016, ses premières observations et un rapport provisoire nous a été adressé le 17 Janvier 2017 ; les Services de la COM ont alors apporté leurs réponses jusqu’en Avril 2017. Puis, le 10 Juillet 2017, la CTC a formulé ses observations définitives. Parallèlement au contrôle réalisé par la chambre territoriale des comptes sur la COM, la Cour des comptes a réalisé un contrôle de l’action des services de l’Etat à Saint-Martin, depuis le changement de statut. » a-t-il expliqué en préambule.

Tandis que le projet de publication par la Cour des comptes n’a pas abouti, le rapport définitif de la CTC a été remis au président de la Collectivité le 13 avril dernier.

« J’y ai apporté une réponse le 11 Mai 2018. Ce rapport et cette réponse ont désormais vocation à être communiqués aux élus. Ils vous sont donc distribués, et je les présente ici devant cette Assemblée » a-t-il poursuivi.

Et de considérer que les remarques, analyses et recommandations de la CTC n’appellent de la part de l’actuel exécutif aucun commentaire particulier, puisqu’élu en avril 2017 alors que le rapport concerne la période 2007-2016.

« Ce rapport, de plus de 100 pages, est détaillé et très critique. Certaines problématiques abordées par les magistrats ont toutefois connu, d’ores et déjà, des réponses concrètes de la part de l’actuelle équipe » affirme le président de la Collectivité avant d’énumérer en les citant, quelques-unes de ces critiques et d’y répondre :

- une gestion des ressources humaines de la COM qualifiée de « défaillante » : « Nous sommes conscients de ce problème, et nous y travaillons d’arrache-pied. En ce moment, par exemple, nous sommes en train de sécuriser juridiquement les régimes indemnitaires : mais nous ne saurions corriger, en seulement quelques semaines, des années (voire des décennies) d’imprévisions, d’impéritie et de recrutements électoralistes !... »

- l’absence d’inventaire « convenablement suivi » de la situation patrimoniale de la COM, d’évaluation et de provisionnement des risques de non recouvrement de créances… : « Là aussi, nous y travaillons : c’était d’ailleurs l’objet de l’une des délibérations qui vous a été présentée ce matin » (traitée dans un prochain article)

- de « graves irrégularités » dans l’analyse de la commande publique, « tendant à fermer le territoire à la concurrence et à rendre la COM dépendante de fournisseurs uniques » : « Là encore, nous sommes en train d’améliorer notre performance, en renforçant notre Cellule Achats, avec l’aide de nos partenaires comme l’AFD et la CDC qui vont, gratuitement, renforcer notre capacité d’ingénierie ».

« Le service d’eau produit une eau de bonne qualité mais à un prix excessif, en raison d’un prix à la production trop élevé. Cette situation fait peser sur la pérennité du service public une réelle menace » : « Cette situation était en effet scandaleuse, avec un prix de l’eau parmi les plus élevés de France…pour une population deux fois plus pauvre, en terme de PIB/habitant, que la moyenne nationale ! Là aussi, j’ai pris mes responsabilités : la concession avec VEOLIA a été dénoncée, et nous négocions de nouveaux contrats, avec de nouveaux partenaires, d’ici la fin de l’année… »

« La COM n’a pas, non plus, pris la mesure de sa compétence sur la question du développement économique, en particulier en matière de tourisme. Il lui appartient de se saisir pleinement de ses compétences en la matière, sans négliger la mise à niveau préalable des services publics locaux de base, de concevoir un projet stratégique partagé entre les acteurs du développement – port, aéroport, marinas, office du tourisme, collectivité – et d’en coordonner la mise en œuvre » : « Nous avons adopté, dans le contexte difficile que vous savez, notre Schéma de Développement Touristique 2017-2027, en Novembre dernier. Une Stratégie de Développement Economique plus globale vous sera, en outre, présentée dans les prochaines semaines… »-

« L’aéroport de Grand-Case, géré par le département de la Guadeloupe jusqu’au 31 décembre 2007, a fait, pendant longtemps, l’objet de très peu d’investissements. (…). L’attribution d’une délégation de service public en 2011 à une société concessionnaire a permis la rénovation de l’aérogare ainsi que la construction de nouveaux équipements. Pourtant, contrairement au projet initialement décidé, (…), aucune augmentation du trafic n’est intervenue et l’équilibre de la concession est désormais précaire. La principale raison de cette situation est le non-respect par la COM de son engagement à acquérir les terrains nécessaires à l’allongement de la piste » : « j’ai pris mes responsabilités en procédant, en Octobre dernier, à l’acquisition de ces terrains. Certains, y compris au niveau de l’Etat, ont été médisants et sceptiques. Mais j’ai tenu bon, car il s’agissait d’une décision engageant sur le long terme l’avenir de notre Territoire, de notre Maison commune… »

Suppression de la question des compensations non perçues lors du transfert de compétences

Au-delà de ces critiques, c’est surtout la suppression dans le rapport définitif « de certaines parties et recommandations » qui figuraient pourtant dans le rapport provisoire de la CTC, que déplore Daniel Gibbs. Ont en effet été retirées les parties sur les transferts de compétences et sur les compétences partagées avec l’Etat, notamment la perception des impôts et des taxes.

Or la Collectivité attendait beaucoup de la publication de ces rapports, censés déclencher la constitution d’un groupe de travail ad hoc, destiné à étudier le réexamen des compensations non-perçues ou sous-estimées à l’occasion des transferts de compétences établis entre 2007 et 2012.

« Cette situation ne peut que contredire, voire contrarier, l’objectif de rattrapage, pourtant dûment reconnu par l’Etat au plus haut niveau…La Collectivité déplore ainsi, et elle l’a souligné dans sa réponse début Mai, la suppression de ces 14 pages dans le rapport définitif. Le retrait des parties relatives à ces sujets est d’autant plus surprenant que le rapport provisoire de la CTC avait relevé, avec rigueur et détail, les conséquences néfastes d’une telle situation, et avait parallèlement émis des préconisations judicieuses qui auraient permis à la COM d’engager des discussions avec l’Etat sur des bases solides et équilibrées. » a insisté le président de la COM.

« Au total, en extrapolant les données de la CTC portant sur la période 2007-2015, on constate que la COM aura été privée, à fin 2017, d’une compensation à laquelle elle avait droit de 51,20 M. € ; ce qui correspond, nolens volens, à la « dette RSA » de la COM envers la CNAF (54,27 M. € au 31 Décembre 2017) » a-t-il expliqué.

Daniel Gibbs considère que cette suppression ainsi que l’abandon objectif de parution d’un rapport exhaustif de la Cour des comptes portant sur l’action des services de l’Etat à Saint-Martin « privent la COM d’un précieux outil d’aide à la décision ».

«La présente situation prive également le Gouvernement d’arguments qui auraient pu lui permettre de s’engager résolument et loyalement dans la démarche de rattrapage attendue par les Saint-Martinois depuis 2007, et que j’ai relancée dix ans plus tard…En ayant écarté toutes dispositions soulignant les insuffisances de l’Etat auprès de la COM, les juridictions financières ont ainsi délibérément privilégié la préservation des intérêts du budget de l’Etat au détriment de la solidarité nationale à l’égard d’une Collectivité de la République, -a fortiori dévastée par un phénomène cyclonique dont les conséquences néfastes ne semblent toujours pas être reconnues dans toute leur ampleur, en dépit des promesses initiales. Raison de plus, dans les mois et années qui viennent, d’être pugnaces et de ne rien lâcher. Nous avons le droit à la solidarité nationale et le devoir de nous reconstruire, de nous développer et de prospérer. Je ne manquerai pas de le rappeler en Septembre prochain au Président de la République, lors de sa prochaine venue à Saint-Martin » a-t-il conclu.

Fanny Fontan
4 commentaires

Commentaires

Ou se procurer le rapport détaillé ?

Les comptes de la gestion post irma va être encore un grand moment !!!
on sait déjà que certains très proche de la tête de la Collectivité ont eu la main lourde sur les factures de prestations

Rapport définitif détaillé et très critique, et alors ils en non rien à foutre de la chambre des comptes.
Ses rapports critique on les connais depuis des décennies, mais rien ne change.
Ils nous bouffe le caviar sur le dos...
Nous paye nos impôts, les taxes sur tout ce que nous consommons pour payer ça!!!

Encore la preuve que la collectivite est incapable de gerer son argent . Pas etonnant que l etat veut tout controler, il faut se debarasser de ces incapables